Chambre des députés
2 décembre 1895
M. Walter. Messieurs, je n'avais pas l'intention d'intervenir
dans le débat; mon ami Chauvière s'était chargé
de ce soin, mais en son absence je viens à sa place prendre la parole.
Je crois qu'il est inutile d'invoquer à nouveau
tous les arguments qui militent en faveur de la suppression du budget des
cultes. Un seul doit suffire, - et à cet égard nous sommes
tous d'accord; - il faut rendre aux Églises la liberté d'exercer
leur culte comme bon leur semble, avec tous les bénéfices
qu'il comporte, et cela sans aucune subvention de la part de l'État.
Je
crois donc que dans ces conditions le Gouvernement sera d'accord avec
la majorité de la Chambre pour supprimer sans hésitation
le budget des cultes, (Applaudissements à l'extrême gauche.
- Mouvements divers.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'instruction publique et des cultes.
M. Combes, ministre de l'instruction publique, des beaux-arts el des cultes. Messieurs, j'apporte à la tribune moins une réponse à la très courte observation que vous venez d'entendre, qu'une déclaration. Ce n'est pas à l'occasion du budget que nous pouvons aborder et résoudre la très grave question de la séparation des Églises et de l'État.
M. de Baudry d'Asson. Oh, je vous mets au défi de la voter! Il y a longtemps que vous la promettez, mais vous ne la ferez pas! (Rires à droite.)
M. Dejeante. On peut toujours supprimer la caisse.
M. de Baudry d'Asson. Ce n'est pas le moment! c'est comme pour la révision!
M. le président. Monsieur de Baudry d'Asson, c'est encore moins le moment d'interrompre! Ce n'est jamais le moment (Très bien! très bien!)
M. de Baudry d'Asson. Je n'ai dit que la vérité !
M. le président. Si vous continuez à interrompre. je serai obligé de vous rappeler à l'ordre. Il semble que vous vouliez vous donner le privilège des interruptions!
M. de Baudry d'Asson. C'est un privilège comme un autre, monsieur le président. (Bruit.)
M. le ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes.
Je disais, messieurs, qu'aucun de vous n'ignore que dans notre pays il
existe, pour les rapports officiels et légaux entre la société
religieuse représentée par son clergé, et la
société laïque, représentée par les
fonctionnaires du Gouvernement, une organisation basée sur un contrat
diplomatique qui ne peut pas être annulé par voie budgétaire.
Ceux qui estiment que cette convention a fait son
temps, qu'elle ne répond plus ni au sentiment de l'opinion publique,
ni aux besoins sociaux de notre époque, ont un moyen très
simple et tout à lait régulier d'y mettre un terme, c'est
d'amener le Parlement à la dénoncer par un acte de même
nature que celui qui lui a donné naissance. Cette méthode
est la seule normale, la seule légitime et j'ajoute la seule qui
convienne à la nature du contrat intervenu.
Un membre à droite. En prendrez-vous
l'initiative ? (Bruit.)
Même sur ce point, - je me hâte de le
déclarer, - le Gouvernement ne pourrait actuellement vous suivre.
J'en pourrais donner une première raison
en faisant remarquer à la Chambre et surtout aux honorables auteurs
de l'amendement combien il serait téméraire de traiter cette
question sans être bien assuré d'avoir le pays derrière
soi. (Exclamations à droite.) Voilà la question !
M. de Baudry d'Asson. Ah! vous êtes dans la question !
M. Dansette. Faites un référendum sur la question !
M. le ministre. Je suis étonné de ces interruptions, puisque nous sommes d'accord. Ne pensez-vous donc pas que la solution d'une question si difficile, si délicate, exige impérieusement, pour la tranquillité même des esprits, qu'elle ait été ratifiée par l'assentiment du peuple?
M. Dejeante. Vous feriez bien d'en faire autant en ce qui concerne les expéditions militaires ! (Bruit.)
M. le ministre. Aucun membre de cette Chambre, parmi ceux-là surtout qui se sentent disposés à résoudre le débat dans le sens de la liberté réciproque des Églises et de l'État, ne voudrait certainement substituer ses vues personnelles à la volonté des électeurs. Or, je ne crois pas qu'on puisse soutenir que la question ait été posée directement à l'ensemble des collèges électoraux.
M. Marcel Habert. Il faudrait pour cela le référendum.
M. le ministre. Écartez, si vous le voulez, cette considération;
il en est une autre qui, du moins, devra déterminer votre vote.
M. le président du conseil a été
obligé de vous le rappeler et, à mon tour, je suis tenu d'employer
le même langage. Le cabinet actuel s'est formé sur un programme
que vous avez entendu et approuvé. La séparation des Églises
et de l'État ne figure pas dans ce programme; elle n'y est indiquée
que d'une manière très indirecte, (Exclamations à
droite. - Mouvements divers. )
Ne vous méprenez pas je vous prie, sur le
sons de mes paroles, le ne parle pas de la solution de la question, mais
de la question elle-même.
Je dis que cette question n'est comprise dans le
programme, quelle que soit d'ailleurs la solution à intervenir,
que d'une façon très indirecte, par la loi sur les associations.
Fussiez-vous en majorité résolus à
dénoncer le Concordat et à proclamer le principe de la liberté
absolue des Églises et de l'État, que vous ne la pourriez
pas à l'heure actuelle, de l'avis de tous les hommes impartiaux.
Une loi sur les associations a toujours été considérée
comme un préambule indispensable de la discussIon que vous voulez
engager en ce moment. Ainsi la logique et l'opportunité... (Ah!
ah! au centre.)
A droite. Dites: l'opportunisme!
... se réunissent contre l'amendement,
et je demanda à la Chambre de le repousser.
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ce qui sera fait par 355 voix contre 156
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