Chambre des députés
27 mai 1889
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M. Achard. Messieurs, nous allons voter contre l'article 1er
en attachant à ce vote le caractère de rejet du budget des
cultes tout entier.
(Très bien ! très bien ! sur plusieurs
bancs à gauche.)
Il est inutile aujourd'hui de fatiguer la
Chambre en revenant sur les graves et sérieuses raisons qui militent
en faveur de la séparation des Églises et de l'État;
niais nous remplissons un devoir en venant, une fois de plus, affirmer
le caractère absolument laïque du pouvoir social et déclarer
que, dans ces circonstances, comme dans toutes les autre, nous nous attachons
à faire prévaloir ce principe dans toutes les lois et dans
toutes les institutions de la république (Applaudissements à
gauche.)
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M. Freppel. Messieurs, je
ne m'attendais pas, après les discussions des années précédentes,
à voir soulever un débat quelconque sur le budget des cultes,
par la raison toute simple qu'à l'heure présente, une pareille
controverse ne saurait avoir aucune espèce d'utilité pratique.
Sur ce terrain, nous avons pris position les uns
et les autres et, malgré la déclaration de l'orateur qui
descend de cette tribune, il n'est pas à présumer que ses
paroles, pas plus, du reste, que les miennes, parviennent à déplacer
une seule voix......
Voix à gauche. Alors, il est
inutile de parler.
...tant il est manifeste pour tout le monde
qu'un débat prolongé sur cette question n'aurait plus
aucune raison d'être dans la présente législature.
Seules les élections prochaines pourront
raviver ou rajeunir cette discussion en montrant si 1e sentiment du pays
a varié à cet égard. Quant à nous, nos convictions
sont absolument formées, absolument connues, d'un côté
comme de l'autre, et il ne m'apparaît pas qu'aucune fraction de cette
Chambre, même la gauche la plus avancée ait une extrême
ardeur à mettre la main à l'œuvre de destruction à
laquelle nous conviait tout à l'heure l'honorable préopinant
(Très bien ! très bien ! à droite. -Interruptions
à gauche.)
MM. Maurice-Faure et Gustave
Rivet. C'est une œuvre de salubrité sociale. (Bruit)
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M. Freppel. Il y a doux ans et six mois, cette Chambre instituait
une commission dite du Concordat et dont, par un hasard de scrutin que
je ne m'explique pas encore bien à l'heure présente, j ai
l'honneur de faire partie. (Sourires d'assentiment à droite.)
Comme la majorité: de cette commission ,
présidée par l'honorable M. Boysset, appartient à
ce qu'on appelle la gauche radicale, il semblait qu'il y eût
là une bonne occasion, une occasion inespérée pour
ces messieurs de saisir au plus vite la Chambre d'une proposition concernant
les rapports de l'Église et de l'État.
Eh bien contrairement à ce quo l'on pouvait
attendre du zèle de nos collègues, et parmi eux il s'en trouvait
d'un peu jeunes, d'un peu vifs et ardents, M. Pichon, M. Millerand, M.
Sigismond Lacroix, la. fine fleur de la. démocratie radicale
(On rit), contrairement, dis-je, à ce que l'on pouvait attendre
du zèle de nos collègues, dans l'espace de deux ans et six
mois, nous nous sommes réunis .... cinq fois ......
......
A son avènement au ministère, l'honorable
M. Floquet avait déposé sur le bureau de la Chambre un projet
de loi relatif aux associations, qu'il considérait comme une mesure
préparatoire à ce qu'il appelait la séparation de
l'Église et de l'État.
Eh bien, il ne me semble pas non plus que les travaux
de la commission chargée d'examiner ce projet de loi soient fort
avancés ; et je le comprend sans peine. ( Rires approbatifs à
droite. - Interruptions à gauche.)
......
Tout comme la commission dite du Concordat,
les membres de cette autre commission ont parfaitement compris qu'il est
plus facile de poser certaines questions que de les résoudre. (Très
bien! très bien ! à droite.) Dussé-je les désobliger
,en leur adressant un compliment, ils ont parfaitement compris que, lorsqu'on
serre de près ces problèmes si vastes et si compliqués,
les difficultés apparaissent à l'instant même, et qu'alors
ce qu'on a de mieux à faire, c'est de s'esquiver au plus vite; c'est
ce qu'ils ont fait. (Nouvelles marques d'approbation à droite.)
Ils ont parfaitement compris que les préoccupations
du pays étaient ailleurs. Elles étaient en effet, comme
elles sont encore. aux élections prochaines.
....................
C'est ainsi que cette formule : Séparation
de l'Église et de l'État ..... et cette autre formule dont
M. Floquet se servait avant-hier en haranguant la gauche radicale (Sourires
à droite): la sécularisation de l'État, n'ont
aucun sens bien défini ... (Exclamations ironiques à gauche.)
...par la raison toute simple que la séparation de l'Église
et de l'État est faite depuis longtemps... (Exclamations à
gauche.) .... et qu'il n'y a pas de pays en Europe où l'Église
soit plus séparée de l'État. (Interruptions diverses.)
Non ! il n'y a pas de pays en Europe où le
clergé, comme tel, soit plus totalement exclu des affaires civiles
et politiques.. . (Nouvelles interruptions) ,.. où il soit
plus complètement écarté des corps législatifs.
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Un membre à gauche. Votre présence
ici prouve le contraire !
Je ne siège pas ici en qualité d'évêque
: je représente la 3° circonscription de Brest, et voilà
tout.
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On pouvait parler de séparation de l'Église
et de l'État, de sécularisation de l'État, alors que
le clergé formait le premier ordre du royaume, quand il tenait les
registres de l'État civil, que ses représentants siégeaient
de droit dans les divers assemblées .....
Mais aujourd'hui il n'y a plus rien de pareil .....
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Il faudra dire clairement et hautement au corps
électoral que vous voulez vous emparer des cathédrales, des
églises paroissiales, des presbytères, ....
Il faudra dire clairement et hautement au
corps électoral qu'après avoir dépouillé le
clergé de son patrimoine, vous entendez le réduire à
la mendicité, en le privant de la modique indemnité représentative
de ce patrimoine, ....
Il faudra dire clairement et hautement au
corps électoral que, tandis que vous subventionnez les théâtres
pour la satisfaction des riches, vous entendez ne pas dépenser un
centime pour que des millions de femmes et d'enfants du peuple puissent
recevoir les secours et les consolations de la religion ! (Vifs applaudissements
à droite)
Il faudra dire clairement et hautement au
corps électoral que, tandis que vous contraignez les catholiques
à payer des écoles qu'ils réprouvent, qu'ils condamnent
...(Ah ! ah ! à gauche) vous ne voulez user d'aucune
espèce de réciprocité envers eux, en ce qui concerne
leur culte ...
...
Eh bien, si vous posez la question en ces termes-là
au peuple français, il vous répondra, et sa réponse,
vous la trouverez sur ces bancs dans la prochaine législature. (Très
bien ! très bien ! à droite. - Interruptions à gauche.)
......
Le chapitre 1er de la loi sera voté
par 337 voix contre 198