Chambre des députés
5 décembre 1888
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Gustave Rivet. Messieurs, je
sais quelle hâte a la Chambre de terminer le vote du budget et je
ne veux pas provoquer un débat sur le budget des cultes.
Je veux demander simplement
la permission d'apporter, au nom d'un grand nombre de mes amis et au mien,
une très brève déclaration.
Depuis longtemps déjà,
une grand fraction du parti républicain réclame la suppression
du budget des cultes au nom de la liberté de conscience. (Interruptions
à droite)
..................
Ce n'est pas un vote de persécution, comme
la réaction se plaît à le dire.
Un membre à droite, ironiquement. Au
contraire.
Non, c'est au contraire
un vote qui doit conduire à un résultat très pacifique,
puisqu'il a pour but d'affirmer que l'État doit être absolument
indifférent en matière religieuse et qu'il ne doit subventionner
aucun culte.
Voilà comment
nous demandons, et pourquoi nous demandons la suppression du budget des
cultes. Nous voulons assurer l'indépendance de l'État, et
je peux dire que la séparation assurerait aussi celle de l'Église.
Nous ne sommes étonnés que d'une chose, c'est que ce ne soit
pas l'Église qui demande avec nous et comme nous la. suppression
du budget des cultes, pour secouer le joug de l'État, dont elle
se plaint. (Très bien! très bien! à gauche.)
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Nous sommes profondément
surpris que l'Église s'obstine dans une autre attitude attitude
et ne veuille pas secouer et rompre cette chaîne qui la lie à
l'État.
Oh ! Nous savons bien
le motif ! Cette chaîne est une chaîne en or, et il paraît
que le vil métal a toujours un certain attrait, même pour
ceux qui professent le mépris des richesses. (Très bien
! Très bien ! À gauche)
Fidèles à
nos convictions, nous demandons la suppression du budget des cultes comme
nous le faisons chaque année.
On nous objecte le Concordat,
et on nous dit qu'il faudrait le dénoncer avant de supprimer le
budget des cultes. Nous répondons que le Concordat n'existe plus,
car il a été déchiré par l'Église elle-même.
(Très
bien ! Très bien ! Sur les mêmes bancs)
L'Église l'a
déchiré en se soustrayant toujours, autant qu'elle
l'a pu, toutes les fois qu'elle n'a pas été sous la
main d'un Gouvernement très énergique, il toutes les obligations
que le Concordat lui impose. Et pendant que l'État, chaque
année, paye ponctuellement leurs allocations aux ministres des cultes;
pendant que l'État remplit, et bien au delà, toutes les obligations
que lui impose le Concordat, l'Église ne cesse pas, je le
répète, de se soustraire autant qu'elle le peut à
ses obligations ; au lieu de se soumettre à l'État qui la
paye, elle ne cherche que les moyens de s'affranchir ou de commander.
Du reste, le Concordat
existât-il, nous croyons que le meilleur moyen de le dénoncer
est de supprimer le budget des cultes. (Très bien ! très
bien ! sur divers bancs à gauche.)
Voilà pourquoi,
au nom d'un grand nombre de mes amis, j'ai l'honneur de déclarer
à la Chambre que nous attachons au vote que nous allons émettre
contre l'article 1er cette signification : que nous refusons le budget
des cultes. (Applaudissements sur divers bancs à gauche.)
Divers membres. L'avis
du Gouvernement ?
M. le président . La parole
est à M. Rabier.
M. Fernand Rabier. ... Je désire
soumettre à M. le ministre de la justice et des cultes quelques
courtes observations sur l'attitude politique véritablement scandaleuse
de M. l'évêque et de MM. les curés du diocèse
d'Orléans.
..........
Je viens seulement signaler
une situation à mon sens absolument intolérable et démontrer
que, dans le département du Loiret, l'évêque et les
curés sont les véritables courtiers, les véritables
placiers des journaux réactionnaires et cléricaux! (Interruptions
à droite)
M. le comte de Lanjuinais. Vous n'avez
pas la prétention qu'ils recommandent les journaux athées?
Un membre à droite, Ou les
ouvrages de Diderot, par exemple !
............
M. Mérillon. Messieurs, un
certain nombre de républicains ont jusqu'à ce jour voté
le budget des cultes. Ils sont déterminés à le voter
encore. (Ah ! ah! sur divers bancs à gauche.)
Mais ils n'ont pas besoin
de dire que ce n'est pas absolument pour leur plaisir; c'est parce qu'ils
considèrent que les rapports du clergé, de l'Église
avec l'État sont garantis par le Concordat et sa stricte exécution
.......
C'est pour ces motifs
que nous entendons continuer à voter ce budget, mais nous
ne pouvons le faire que si nous obtenons l'avis formel du Gouvernement
sur le vote de ce budget et la connaissance absolue des conditions dans
lesquelles il entend que le Concordat continue à être observé.
(Très bien! très bien! au centre. - Mouvements divers.)
M. Clémenceau. Protestez,
mais payez.
...................
M. le ministre de la justice. ...
Il me semble que le Gouvernement s'était expliqué, d'une
manière assez claire, sur ses intentions à l'égard
des l'apports de l'Église et de l'État, le Gouvernement a
déclaré que son désir était de marcher vers
la séparation de l'Église et de l'État- (Très
bien! très bien ! sur divers bancs à gauche.)
M. Paul. de Cassagnac. Mais vous
n'êtes pas pressés d'arriver.
M. le garde des sceaux. ...il a déclaré
que 1a séparation de l'Église et de l'État était
dans son programme... (Très bien !)
M. Paul de Cassagnac. Alors il n'y
a rien à craindre. (Rires à droite.)
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M. le garde des sceaux. Il
a fait plus, il ne s'en est pas tenu à des déclarations,
puisqu'il a déposé un projet de loi sur
les associations qui est le préliminaire
indispensable de la séparation. (Très bien! à gauche.)
Ceci dit, j'ajoute que tant que 1e Concordat existera, il le respectera;
mais qu'il entend le faire respecter par tous. (Très bien! très
bien! sur divers, bancs à gauche. -Mouvements divers.)
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L'article 1er
sera voté par 337 voix contre 215 .....