Chambre des députés
7 mars 1888
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M. Yves-Guyot,rapporteur
général de la, commission du budget. La majorité
de la commission du budget se compose de partisans de la suppression du
budget des cultes.
Elle a décidé d'inscrire au budget
des cultes un chapitre unique montant à 30 millions 593.563 fr.,
sous ce titre: " Chapitre unique. - Liquidation des dépenses du
service des cultes." (Rires Ironiques à droite.) Elle a reporté,
les 15 millions restant au chapitre 5 du ministère des finances,
qui est le chapitre de l'amortissement..
Dans ces conditions, la. commission du budget n'a
pas fait de rapport.
Elle demande à la Chambre de se prononcer.
Si la Chambre ratifie la décision de la commission du budget ce
sera au Gouvernement de proposer un projet de liquidation du budget des
cuItes.
A droite. II n'y a personne au banc du Gouvernement!
M. le rapporteur général. Si la Chambre, au contraire,
ne ratifie pas la décision de la commission du budget, celle-ci
proposera à la Chambre l'adoption du projet présenté
par le Gouvernement. (Exclamations à droite.)
M. de La Bassetière. Nous demandons l'avis du Gouvernement. Le ministre est absent!
M. le président. Mais, messieurs, M. le ministre de l'instruction
publique et des cultes pensait que la discussion du budget de l'agriculture
durerait plus longtemps........... Je viens de faire prévenir M.
le ministre. Je pense qu'il sera bientôt ici. En attendant, si quelqu'un
désire prendre la parole sur le budget des cultes, je suis prêt
à la lui donner.
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M. Freppel. La Chambre n'attend
pas de moi que je vienne refaire dans cette enceinte pour la cinquième
ou la sixième fois l'historique du budget des cultes, depuis le
jour ou, après avoir décrété l'aliénation
des biens ecclésiastiques, l'Assemblée constituante de 1789
prenait en retour, au nom de 1a nation. l'engagement solennel de pourvoir
désormais d'une manière convenable aux frais du culte et
à l'entretien de ses ministres.
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le 29 janvier de l'année dernière,
à la suite d'un débat auquel j'ai eu l'occasion de prendre
part, il ne s'est trouvé que 173 membres pour voter contre le budget
des cuItes, c'est-à-dire moins du tiers de l'Assemblée.
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Que s'est-il donc passé de nouveau depuis
un an, pour que vous vous croyiez autorisé à demander à
la Chambre de se déjuger à si bref délais ?
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Si ce n 'est pas dans les relations actuelles de
l'Église avec l'État que vous pouvez chercher un motif de
faire revenir la Chambre sur sa décision, en trouverez-vous ailleurs?
en trouverez-vous par exemple, dans l'un de ces mouvements d'opinion qui
se serait produit dans le pays et qui par sa force et sa généralité
aurait pu amener dans la Chambre le changement d'idées que vous
désirez?
Ah ! je sais bien que vous avez fait une tentative
dans ce sens. Il y a quelques mois, on voulait porter un grand coup dans
la capitale de l'Auvergne. Les adversaires les plus résolus du budget
des cultes s'y étalent donné rendez-vous........
On, avait choisi tout exprès, parait-il,
la vieille cité de Vercingétorix pour donner le signal de
cette nouvelle délivrance des Gaules. Une ligue formidable
allait partir des plateaux de l'Auvergne pour embrasser la france entière
de l'orient à l'occident, et du septentrion au midi. (On rit.)
Hélas ! Il est presque cruel de demander
ce qu'est devenue cette fameuse ligue contre le budget des cultes.
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Enfin, messieurs, vous vous préparez à
célébrer le centenaire de 1789. Eh bien, vous m'avouerez
à tout le. moins que ce serait une singulière manière
d'y préluder, que de commencer par violer et par fouler aux pieds
l'un des engagements les plus solennels qui aient été pris
en 1789.
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Ma conclusion est donc celle-ci: vous n'avez aucun
motif de revenir sur votre décision du 29 janvier 1887, et vous
avez toutes raisons de voter dans leur Intégralité les chiffres
demandés par le Gouvernement. (Applaudissements à droite).
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M. Yves-Guyot, rapporteur général de la commission
du budget. Messieurs, par l'exposé très concis et très
simple que j'avais fait de la décision de la commission du budget,
vous avez dû voir que l'intention de cette commission n'était
pas de renouveler le débat qui avait eu lieu l'année dernière
sur la question du budget des cuItes ; mais la majorité des membres
de la commission du budget est partisan de la suppression du budget des
cultes: elle n'a pas pu se déjuger, ses membres ont alors adopté
le projet que je vous ai exposé.
Maintenant nous venons l'apporter devant cette Chambre,
alors qu'il y a un an, le 29 janvier, comme le rappelait M.
Freppel, la Chambre avait décidé le maintien du budget des
cultes. C'est vrai. Mais il est bien clair que la question de la suppression
du budget des cultes, de la séparation do l'Église et de
l'État est une question qui se posera d'une manière
permanente devant les Chambres françaises, tant qu'elle ne
sera pas résolue. (Très bien! très bien! à
l'extrême gauche.)
M. Jules Delafosse. Présentez une proposition de la loi, mais ne faites pas la séparation par voie budgétaire.
M. Camille Pelletan. La proposition à été présentée.
M. Jules Delafosse. Mais on ne discute pas !
M. le rapporteur général. Il y a une dizaine d'années,
la. suppression du budget des cultes réunissait sur les bancs de
la Chambre des députés 52 voix. Ces voix ont multiplié
depuis. Il est très probable qu'elles multiplieront encore
et il est clair que dans cette législature-ci au moment où
nous approchons de la période électorale, ce n'est pas une
question que nous puissions passer sous silence et paraître
abandonner. (Très bien! très bien ! A l'extrême
gauche.)
C'est une question qui se pose aujourd'hui comme
elle s'est posée hier, qui se posera d'une manière plus impérative
demain. M. Freppel parlait tout à l'heure de la réunion de
Clermont-Ferrand; certainement elle a eu lieu; Il disait qu'une ligue devait
résulter de cette réunion; certainement, telle était
notre intention. Si cette ligue n'a pas encore produit d'effet, ... c'est
parce qu'il y a eu une série d'événements politiques
qui 'ont détourné l'attention de cette question. Mais vous
pouvez être assurés que les initiateurs de cette réunion
n'ont pas cessé de s'en préoccuper, et j'espère que
lors des élections de 1889, si la question de la séparation
des Églises et de l'État n'est pas tranchée d'ici
là, nous aurons acquis assez d'influence pour qu'elle soit résolue
par la prochaine législature. (Très bien! sur divers bancs
à gauche.)
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M. Faye, ministre de l'instruction publique, des cultes et
des beaux-arts ......... Le Gouvernement ne saurait accepter les
propositions de la commission, non seulement parce que ces propositions
lui imposeraient une charge qu'il doit décliner, mais surtout
parce que ces propositions impliquent la solution d'une question bien autrement
grave et bien autrement importante. Avant de songer à liquider le
budget des cultes, il faut, en effet, savoir si la majorité de cette
Chambre accepte la séparation des Églises et de l'État.
Tant que ce problème n'aura pas été résolu,
tant qu'une majorité ne se sera pas dégagée sur un
point gros de conséquences intérieures et extérieures,
le Gouvernement ne peut que vous demander avec insistance - car c'est son
devoir - le rétablissement des crédits supprimés par
la commission. (Applaudissements sur divers bancs. - Aux voix! aux voix!)
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Le chapitre 1er sera voté par 331 voix contre 180
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