"Archives Israélites"
Jeudi 20 avril 1905
DÉBATS PARLEMENTAIRES
LA SEPARATION A LA CHAMBRE
     Si la discussion générale qui a été close à la séance du 10 avril a donné l'illusion par endroit d'une controverse religieuse fournissant l'occasion à des orateurs comme M.. Allard de se livrer à une profession de foi d'athéisme, cette impression a persisté avec les débats sur les articles où les questions de philosophie religieuse, de croyance et de pratique cultuelle ont été abordées, se rattachant trop directement à la réforme projetée pour que les députés prenant la parole n'y allassent de leur petite dissertation personnelle. Et à les entendre, on se rappelait le mot que dans tout politicien, il y a un théologien.
     Au préalable, on a discouru sur le contre-projet de M. Reveillaud qui a fourni à son auteur matière à d intéressants développements sur le rôle de la religion dans la société et qu'il a d'ailleurs retiré.
     M. Julien Goujon qui l'a repris a signalé un point dans le projet de la commission qui lui parait sujet à discussion. Ledit projet semble, d'après la rédaction adoptée, interdire les réunions privées de culte, et l'orateur s'est élevé contre cette restriction apportée à l'exercice du culte qu'on ne rencontre dans aucune législation étrangère. Il a encore appelé l'attention de la Chambre sur la composition des Associations cultuelles où le droit d'en taire partie parait retiré aux femmes et aux étrangers.
     Enfin le terrain étant déblayé des motions préjudicielles et des contre-projet, on a abordé discussion des articles.
     Sur l'article 1 qui contient une déclaration de principes on a entendu M. l'abbé Lemire qui, a plaidé le maintien du régime actuel et défendu la hiérarchie ecclésiastique, MM. Jules Auffray et Lasies, qui y ont greffé un débat sur la liberté de culte des fonctionnaires civils et  des amendements tendant, nonobstant la séparation, à maintenir le budget de cultes ont été opiniâtrement défendus par leurs auteurs, MM. Lasies, Goujon, Auffray, Lerolle, Raiberti, mais n'ont pas trouvé grâce devant la majorité de la Chambre.
     L'article premier ainsi conçu a été adopté :
     La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l'ordre public.
     On a essayé du côté de la droite et du centre, par des amendements à l'article II d'introduire la des dispositions rétablissant subrepticement les subventions aux cultes soit par l'État, soit par les départements ou les communes.
     A retenir du discours de l'un des auteurs de ces amendements, M. Louis Ollivier, cette déclaration qui ne se concilie guère avec l’affirmation de la presse catholique antisémite, que la Franc-Maçonnerie et la Synagogue marchent la main dans la main :
      C'est encore pour obéir aux ordres d'une association et dont on a déjà parlé que vous avez tenu à faire celte affirmation. Cette association, c'est la franc-maçonnerie. (Exclamations à gauche.)
     Vous ne voulez pas en entendre parler, mais je le répète parce que j'en ai la conviction, c'est la franc-maçonnerie qui a dicté ce débat ; elle l'a voulu, et c'est parce qu'elle l'a voulu que le ministère, et la Commission l'ont institué ici, malgré tout le monde, malgré les Israélites, malgré les protestante, malgré les catholiques, malgré la grande majorité d'entre nous.
     M. de Gailhard-Bancel, à la séance du 13 avril, a soutenu éloquemment un amendement réclamant le maintien du budget des cultes jusqu'à l'intervention d'un accord entre les différentes confessions et l'État
     A noter dans la bouche de l'orateur ultra-catholique cette déclaration sur les droits des cultes à la subvention de l'État.
     Quant aux autres cultes, je tiens à dire tout de suite, pour n'avoir pas à y revenir, que je considère que le budget des cultes qui a été mis à leur disposition pendant un siècle, a créé vis-à-vis d'eux un droit que je reconnais, que j'affirme, que personne ne doit contester et qu'il importe absolument de respecter.
     Dans cette même séance, M. Grousseau a obtenu du ministre la promesse qu'il ne serait rien changé aux engagements contractés par les communes de faire célébrer des services religieux résultant des legs et fondations qui leur ont été faits.
 Enfin M. Sibille a fait adopter à une majorité de 6 voix une disposition portant :
     « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »

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