Assemblée nationale constituante élue le 2 juin 1946

27 août 1946

    Proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à faire respecter en ce qui concerne le culte musulman, les dispositions de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, rendue applicable à l'Algérie par le décret du 27 septembre 1907, présentée MM. Abbas, Saadane, Madhad et les membres de l'union démocratique du manifeste algérien, députés. - renvoyée à la commission de l'intérieur, de l'Algérie, et de l'administration générale, départementale et communale.)
 

EXPOSE DES MOTIFS
    Mesdames, messieurs, jusqu'en 1930, le personnel du culte musulman en Algérie était choisi par les fidèles. Les seuls critères qui présidaient à ce choix étaient la piété et la connaissance de la théologie.
    Le casuel de ce personnel et l'entretien des édifices religieux étaient assurés par les revenus des fondations pieuses (Habous), patrimoine important accumulé au cours des siècles par des legs et des dons.
    Un des premiers actes du général en chef commandant l'expédition d'Alger, fut la confiscation des fondations pieuses au profit de l'administration des domaines.
    En contre-partie, il s'engageait à subvenir aux dépenses du culte.
    Ce fut le début de l'ingérence de l'administration. Cette mainmise sur les biens destinés à une œuvre religieuse constituait la première violation de la promesse qui avait été faite de respecter la religion musulmane.
    L'administration algérienne, en servant son casuel au personnel religieux, trouva dans ce moyen habile une justification pour contrôler et fonctionnariser tout ce personnel.
    La loi de 1905 sur la séparation de l'église et et de l'État, rendue applicable à l'algérie le 27 septembre 1907, ne répondit pas aux espoirs que les musulmans avaient mis en elle.
    Par un ensemble de mesures, l'administration locale toute puissante en neutralisa les effets. Comme par le passé, le personnel du culte continua de dépendre étroitement de l'autorité, à telle enseigne que l'on a vu en Algérie cette situation paradoxale de cultuelle musulmane dirigée par un non musulman.
    C'est ainsi que sont classés parmi les emplois réservés aux anciens militaires, les offices d'agent du culte musulman. Inutile de dire que ni la piété du postulant, ni sa compétence en matière confessionnelle, n'entraient en ligne de compte dans le choix des autorités.
    Par réaction contre cette politique de l'administration, les musulmans délaissèrent les mosquées du Baïlek (État) pour les oratoires où l'exercice du culte était libre de toute ingérence.
    Pour satisfaire apparemment l'opinion publique musulmane alarmée et mettre fin à une situation qui devenait de jour en jour intolérable, une circulaire du général Catroux du 4 avril 1944 prescrivait le retour à la loi de séparation.
    En fait, à part la reconnaissance des trois cultuelles d'Alger, d'Oran et de Constantine, la question restait entière. Depuis la publication de cette circulaire, de nombreuses nomination d'agents du culte ont été faites en dehors des cultuelles, entre autre celles des muphtis d'Alger et d'Oran. Partout, les agents administratifs de la religion musulmane continuent d'entretenir avec les autorités des relations qui sont du ressort des cultuelles.
    Il importe pour le renom de la France et pour satisfaire à une aspiration essentielle et légitime des musulmans de mettre fin à cet état de choses, en plaçant devant la loi, le culte musulman, sur le même pied d'égalité que les autres cultes.
    En conséquence, nous vous proposons d'adopter la proposition de résolution suivante :
 
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
    L'Assemblée nationale constituante invite le Gouvernement à faire respecter , en ce qui concerne le culte musulman, les dispositions de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, rendue applicable à l'Algérie par le décret du 27 septembre 1907.
    Elle invite expressément le Gouvernement à éviter l'ingérence administrative dans le domaine du culte et à remettre les fondations pieuses (Habous) aux cultuelles musulmans.


    Le 24 juillet 1947, le même texte était présenté au conseil de la République par MM. Abdesselam Benkhelil, Mahdad, El-Hadi Mostefa et Saadane, conseillers de la République.


L'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité Français de la Libération Nationale, nommait également le général Catroux au poste de commissaire aux affaires musulmanes. Je n'ai pas encore trouvé le texte de la circulaire.
    Le général Catroux sera, en 1956, ministre de l'Algérie dans le gouvernement de M. Guy Mollet. Partisan de la décolonisation, il démissionnera devant l'impossibilité de mener à bien ses projets.