10 mars 1932
Proposition de Résolution
ayant pour objet de régler,
dans les colonies où la loi de séparation a été
rendue applicable, la situation des ministres des cultes n'ayant
pas droit à pension sur le Trésor et dont lers allocations
temporaires ou viagères ont été mises d'office à
la charge des budgets locaux, présentée par MM. Auguste
Brunet, Gratien Candace, Alcide Delmont, Gasparin, Graëve,
députés.
EXPOSE DES MOTIFS
Messieurs, nous ne voulons pas que la législature
s'achève sans qu'une solution de justice ait été donnée
par le Parlement, dans le cadre de la loi de séparation, et en fonction
de l'autonomie financière des colonies proclamée par l'article
33 de la loi de finances du 13 avril 1900, à un problème
devenu à certains égards pénible, voire irritant,
et dont voici les données essentielles:
1° L'article 16 du règlement d'administration
publique du 6 février 1911 déterminant les conditions d'application
de la loi de séparation aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe
et de la Réunion a mis d'office, et contrairement à l'équité,
à 1a charge des budgets locaux de ces colonies, les "secours" viagers
et "allocations" des anciens membres du clergé colonial qui avaient
droit, en principe, à pension sur le Trésor, mais qui ne
réunissaient pas encore, au moment de l'entrée en application
du nouveau régime, le minimum de services effectifs exigés
par les lois des 18 avril 1831 et 5 août 1879 (1).
Le taux maximum du " secours annuel et viager " ou de l'allocation temporaire
à servir par les colonies aux intéressés était,
par le même texte, fixé à 1.800 fr.;
2° Les colonies, qui se sont vu ainsi imposer
cette dépense par une procédure d'autorité, ont dû
s'incliner; elles se sont inclinées, mais elles se sont refusé,
au lendemain de la guerre, à opérer, au compte des budgets
locaux, les rajustements que la dévalorisation de la monnaie a rendus
indispensables pour toutes les catégories de pensions;
3° Les Intéressés se sont adressés
au conseil d'État pour faire reconnaître leur droit à
être traités comme les autres pensionnés de l'État.
La haute Assemblée administrative a rejeté leur requête,
motif pris de ce que l'État s'étant déchargé
sur les budgets locaux du service de ces" allocations" ou "secours", il
appartenait aux seules autorités locales, avec le concours des conseils
généraux, de donner suite aux :réclamations de l'espèce.
C'est le point de vue auquel s'est rallié M. Raymond Poincaré,
alors président du conseil et ministre des finances, dans une lettre
du 9 juin 1927 :
... " Il résulte de cet état de choses, d'une part, que
les intéressés ne peuvent bénéficier des dispositions
applicables aux titulaires des pensions inscrites au Trésor public;
d'autre part, que, conformément à la jurisprudence du conseil
d'État sur la matière les gouverneurs des colonies dont les
budgets locaux ont à leur charge, les secours ou allocations considérés
ont seuls qualité pour examiner la situation de leurs titulaires
";
4° Et s'est ici l'impasse. Les conseils
généraux, forts aujourd'hui de la nouvelle disposition inscrite
dans l'article 127 b de la loi de finances du 13 juillet 1911 et
suivant laquelle, "en dehors des dépenses inscrites dans un budget
général ou local, nulle dépense ne peut être
mise à la charge de ce budget si ce n'est en vertu d'une loi " restent
sur leur position. Les assemblées locales considèrent, en
effet, que c'est "arbitrairement" que le règlement d'administration
publique d'avant-guerre a imposé aux budgets des colonies une dépense
incombant à l'État, qui avait perçu à son profit
les retenues pour pensions, et déclinant toute compétence
quant aux rajustements dont ils entendent laisser la responsabilité
à ce dernier.
Cependant, et en attendant que s'épuise la
controverse, les vieux prêtres coloniaux non pensionnés sur
le Trésor. - qu'ils se soient retirés en France ou qu'ils
continuent à exercer leur ministère dans 1a colonie
sont privés du complément d'allocation auquel l'application
du coefficient normal leur donnerait le droit de prétendre. Certains,
nous le savons, vivent dans des conditions extrêmement pénibles;
il en est qui, ayant accompli des séjours consécutif, de
plus de vingt ans dans la colonie ont renoncé à rentrer chez
eux dans l'impossibilité de s'y assurer une existants digne.
Allons-nous donc, par application de l'article 127
b de la loi de finances du 13 juillet 1911, demander au Parlement
d'ajouter à la liste des dépenses obligatoires supportées
par les budgets locaux ?
Ce serait prendre parti, dans le conflit qui vient
d'être évoqué, contre les droits des conseils généraux
et contre nos propres budgets.
Nous demandons que les colonies, maîtresses
de leurs ressources, et non tenues à s'acquitter d'une dépense
supplémentaire qu'aucun texte légal n'a mise à leur
charge, corollaire d'une "dette" dont elles contestent le principe, aient
la faculté de mesurer l'effort budgétaire qu'on leur demande
aux services effectivement rendus aux populations par les ministres des
cultes dont les allocations viagères ou temporaires n'ont pas été
jusqu'ici révisées et se révèlent aujourd'hui
dérisoirement insuffisantes.
Nous demandons que les conseils généraux
puissent décider de leur propre chef, et non par application automatique
d'un coefficient, à l'égard des ecclésiastiques en
cause non pensionnés sur le Trésor; que les majorations d'
"allocations" ou "secours" viagers soient calculées libéralement,
mais librement, par les assemblées locales, sur la proposition des
gouverneurs, suivant des éléments d'appréciation qui,
s'agissaient de dépenses facultatives, c'està-dire dans
une sphère où les conseils généraux sont souverains,
échappent à une règle absolue.
Que si l'on nous convie à préciser
la nature des "services" auxquels nous nous référons, nous
rappellerons quelle est la nature même de nos îles: "Il existe,
soit aux Antilles, soit à la Réunion, des localités
éloignées des centres, perdues dans les mornes, d'accès
difficile, où les populations ne peuvent se livrer qu'aux cultures
vivrières, sous la menace permanente des cyclones, des inondations
ou des volcans... Les "desservants" de ces localités - qui vivent
au milieu de populations pauvres et laborieuses - se font les auxiliaires
des municipalités, des officiers de l'état civil, du médecin.
Et "sur la côte paludéenne, d'autres prêtres contribuent
bénévolement et avec un grand dévouement à
l'organisation et au fonctionnement des instituions sociales de ces vieux
pays ".
Tels sont donc les "services" dont il nous parait
légitime qu'il soit tenu compte, et dont les conseils généraux
sont disposés à tenir compte en s'inspirant des mesures prises
en faveur de toutes les catégories de pensionnés, mais sans
se considérer comme liés par une obligation qui dans leur
thèse, incombe en propre à l'État.
Cette solution qui ne tranche pas "ex cathedra" la question de principe
posée, qui ne porte pas atteinte à loi de séparation,
permet du moins de donner satisfaction, dans une certaine mesure, dont
les assemblées locales demeurent juges, aux intérêts
des ayants droit.
Nous avons, en conséquence, l'honneur de
soumettre à la Chambre la proposition de résolution suivante:
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
La Chambre invite le Gouvernement à régler,
dans les colonies auxquelles la loi de séparation a été
rendue applicable, la situation des ministres des cultes n'ayant pas droit
à pension sur le Trésor et dont les allocations viagères
temporaires, mises à
la charge des budgets locaux, n'ont pas été rajustées
depuis la guerre, en complétant l'article 16 du règlement
d'administration publique du 6 février 1911 de telle sorte que les
dépenses supplémentaires pouvant résulter des nouvelles
dispositions, quant à leur quantum et à leur nature, soient
laissées à 1a souveraine appréciation des conseils
généraux
(1) En exécution du règlement du
6 février 1911, les ecclésiastiques en service dans ces colonies
sc sont ainsi trouvés rangés dans une des trois catégories
ci-dessous:
A. - Prêtres réunissant en 1911 les conditions exigées
à cet égard par les lois des 18 avril 1831 et 5 août
1879 : les bénéficiaires ont obtenu, suivant le cas, des
pensions d'ancienneté ou d'invalidité conformément
à ces textes législatifs. Les traitements qui ont servi de
base aux révisions sont ceux du clergé d'Alsace-Lorraine
(décret d'assimilation du 11 décembre 1925) ; la question,
en ce qui les touche, peut être considérée comme définitivement
réglée.
B. - Prêtres réunissant en 1911 plus de quinze années
de services à l'État: ceux-ci ont obtenu des secours viagers
imputables sur le budget de leur colonie de service.
C. - Prêtres réunissant moins de quinze années
de services à l'État: ces derniers se sont vu attribuer une
allocation temporaire dégressive par annuités.