Journal officiel du 12 février 1907

Sénat
Séance du 11 février

5 - DÉPÔT ET LECTURE D'UN RAPPORT

    M. Eugène Lintilhac, rapporteur. J'ai l'honneur de déposer sur le, bureau du Sénat un rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner un projet de loi, adopté par la Chambre des députés, relatif aux réunions publiques.
    Voix nombreuses nombreuses . Lisez! lisez!
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    M. le rapporteur. Messieurs, votre commission est favorable au projet de loi. Son opinion est d'abord rendue manifeste à vos yeux par le fait que le rapporteur désigné par elle avait déjà produit devant vous des déclarations très explicites, dans le sens de la loi qui vous est soumise.
    J'avais eu, en effet, l'occasion de dire, dans la séance du 29 décembre 1906, qu'à mon sens il importait fort à la paix  religieuse que l'église fût ouverte et couverte; et, en précisant sur le premier point, j'avais exprimé cette opinion que "la déclaration, pour l'exercice du culte, avait le triple tort de paraître tracassière, d'être vaine en fait et dérisoire en pratique ".
    Or, le princIpal objet du présent projet de loi, celui du moins qui lui a donné naissance, est de supprimer cette déclaration.
    Mais son texte n'a pas été établi seulement en vue du régime des réunions cultuelles. Il a pour effet de modifier du même coup et profondément la loi de 1881.
    Je l'examinerai donc successivement de l'un et de l'autre point de vue. Puis je relaterai les phases principales de la discussion qui a eu lieu au sein de la commission, en présence puis en l'absence du ministre des cultes, comme elle m'en a donné le mandat précis, afin de motiver entièrement ses conclusions.

Conséquences du projet de loi pour l'exercice du culte.

    Considéré par rapport aux réunions cultuelles, le projet apparaît comme une extension du principe libéral de la loi du 9 décembre 1905 où il est dit : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes."  Le projet pousse, en effet, le souci de la garantie de ce libre exercice jusqu'à créer pour le culte catholique une facilité  non prévue par les lois existantes.
    Il supprime une entrave que la législation antérieure sur les réunions publiques se trouvait apporter, en droit sinon en fait, à l'exercice de ce culte. Celui-ci s'est mis, en effet, par sa non-acceptation du statut personnel que lui offrait l'article 4 de la loi de 1905, dans un cas tel quo les réunions de ses fidèles ne se distinguent plus, aux yeux du législateur, du reste des réunions
publiques. L'obligation de la déclaration préalable s'imposait donc aux unes comme aux autres, en vertu de l'article 2 de la loi du 30 juin 1881. Or on sait comment la plupart des ministres du culte catholique se refusent à  faire cette déclaration,  même
réduite à n'être qu'annuelle par l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907. En supprimant l'obligation de cette déclaration, le projet de loi ôte son dernier prétexte à une grève éventuelle des ministres du cultes catholique., (Rires et exclamations à droite. - Très bien! très bien! à gauche.)
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    Les églises restent, en effet, ouvertes, tout en n'étant pas comprises dans la définition des locaux habituels de réunions que donne l'article 3, et ce, avec leur affectation au culte, en vertu du paragraphe 1er de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907.
    Pour y exercer librement le culte, ses ministres auront dès lors le choix entre deux modes d'usage de l'édifice et de son mobilier.
    Ils pourront d'abord y tenir les réunions cultuelles, sans aucune déclaration, étant, en ce cas, des occupants sans titre juridique, sans pouvoir d'administration ni de gestion, à litre précaire, mais aussi sans autres obligations ni restrictions que celles prévues au titre V  de la loi du 9 décembre 1905, et relatives à la police des cultes.
    S'ils ont fait, ou fait faire - par deux citoyens, dont l'un au moins domicilié dans la commune, avec la simple indication du nom du ministre, futur occupant - une déclaration, conformément à l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905, ils obtiendront la jouissance gratuite de l'édifice et des meubles le garnissant, au titre juridique d'usagers, conformément à l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907.
    Dans l'un et l'autre cas, la liberté de l'exercice du culte sera protégée par les articles 31 à 33 de la loi du 9 décembre 1905.
    Si donc l'exercice du culte catholique devient jamais privé, ce ne sera pas faute d'accès aux édifices affectés par la loi à ce culte, ou faute de sécurité dans lesdits édifices. Ainsi se trouvera déjouée la tactique de ceux, s'il en est vraiment, qui auraient escompté, dans un dessein inavouable, la révolte des  consciences que soulèverait la fermeture des églises.
    Elles resteront ainsi et, en tous cas, ouvertes ... ...au ministres comme aux fidèles. Que si les premiers s'avisent de n'y plus rentrer, du moins ne serais-ce pas une loi de la république qui leur en aurait barré le chemin ou qui serait venue les y tracasser.
    En un mot, la présente loi n'aurait de répercussion sur les ministres du culte catholique que pour les forcer à être libres. (Exclamations et rires à droite. - Très bien ! très bien ! et vifs applaudissements à gauche.)
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    A eux et à leurs fidèles elle ouvre la porte de l'église toute grande. La loi ne fait montre de son autorité que pour retirer aux uns et aux autres tout prétexte de ne pas entrer dans les édifices qu'elle continue à réserver au culte catholique.
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    Elle n'a d'autre sanction, en l'espèce, que celle de leur attitude de gréviste du culte, au cas où ils songeraient encore à la prendre. (Exclamations à droite. - Rires à gauche.)

 Conséquences du projet de loi pour les réunions publiques.

    En rapport à la loi du 30 juin 1881, celle-ci se présente comme une loi de superposition, non comme une loi de remplacement, ce qui était en réalité la proposition déposée à la Chambre des députés sur le même objet par M. Étienne Flandin, le 15 janvier 1907 (n° 657), puis retirée par lui devant le projet du Gouvernement dont il a été l'éloquent rapporteur (n° 677, page 5), où il est dit que ce projet "se borne aux innovations destinées à faire progresser le régime des réunions publiques dans le sens de la liberté".
    Le projet ne supprime que la nécessité de la déclaration, mais il en laisse la faculté aux organisateurs, ce qui leur permet, en vertu de l'article 8 de la loi de 1881, de désigner d'avance le bureau.
    Au reste, s'il n'y a pas eu de déclaration, la formalité d'un bureau reste obligatoire pour les réunions publiques autres que les cultuelles, lesquelles en sont expressément dispensées par les articles 25 de la loi du 9 décembre 1905 et 4 de la loi du 2 janvier 1907.
    Ce bureau doit être élu par l'assemblée. Là-dessus, la prescription de l'article 8 de la loi de 1881 est formelle et subsiste, n'ayant rien de contraire au présent projet de loi.
    Cette prescription n'a d'ailleurs rien d'attentatoire au droit de réunion; au contraire, elle se trouve être, en fait, la meilleure garantie de son libre exercice. L'autorité morale du bureau élu plane, en effet, sur l'assemblée de ses électeurs et se présente à eux comme une manifestation visible de leur liberté immanente et comme un témoignage permanent de leur pacte initial de discipline civique.
    Supprimer l'obligation du bureau, ce serait certainement imposer celles d'un surcroît de police et d'une aggravation des pénalités - comme sous le régime de la loi du 6 juin 1868 (voir l'article 10) - en vue du maintien de l'ordre, lequel est supérieur à toute liberté d'espèce, étant lui-même la condition essentielle de la liberté générale. (Très bien ! à gauche.)
    Le projet abroge la disposition de la loi de 1881 relative à l'heure limitative des réunions, qui était la onzième du soir ou celle de la fermeture des établissements publics dans les localités où celle-ci a lieu plus tard.
    Il se pourra que cette faculté de se réunir à toute heure, de nuit comme de jour, rende plus difficile - du fait de ceux qui voudraient en abuser systématiquement - l'exercice de la police municipale en vue du maintient de l'ordre, conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi de 1881.
    Mais il ne faut pas exagérer ces difficultés et se mettre en dépense d'imagination pour objecter des cas difficultueux.
    Est-ce que l'autorité ignorera les réunions publiques ? N'en sera-t-elle pas avertie par les mêmes moyens de publicité que ceux qu'on y appelle à l'ordinaire ? N'y pourra-t-elle dès lors envoyer un agent de l'ordre administratif ou judiciaire, toujours libre d'y choisir sa place et d'y remplir sa fonction de police dans les cas définis à l'article 9 de la loi de 1881 ? Tenir secrète une réunion publique est un tour de force singulier, et dont la contradiction même des termes dit la difficulté pratique. (Sourires et marques d'assentiment à gauche.)
    On objecte les obstacles que pourra rencontrer, dans les petites communes, l'usage du pouvoir de police municipale, en présence des agissements des auteurs éventuels de réunions tumultueuses et à sorties tardives. On trouvera plus loin, aux débats de la commission, les trace de cette préoccupation et la promesse d'une circulaire y relative par M. le ministre des cultes. (Bruits à droite.)
    L'objection est fondée. Mais un mal d'exception, et qui n'est d'ailleurs pas sans remède, doit-il empêcher l'élargissement d'une liberté nécessaire ? Ne doit-on pas faire confiance au progrès visible des mœurs de la liberté ? (Très bien ! très bien ! à gauche.)
    On a d'ailleurs fait en France, depuis 25 ans, un tel apprentissage de la liberté en question, que la plupart des restrictions de la loi de 1881 à son endroit sont, dans la pratique, tombées en désuétude. Le fait est significatif et rassurant. On peut avec tranquillité abroger les formes légales, restrictives d'une liberté, quand celles-ci ont déjà été abolies par la sagesse des mœurs. C'est ici le cas, et la présente loi se borne là-dessus à consacrer un état de fait. (Marques d'approbation à gauche.)
    Il est pourtant une des prescriptions de la loi de 1881 que le projet n'abroge pas, c'est la première partie de l'article 9, ainsi conçue : "Les réunions ne peuvent être tenues sur la voie publique." La Chambre a maintenu cette interdiction malgré les vifs et pressants arguments de M. Ghesquière (Journal officiel du 31 janvier, page 280 et suivantes) mais dont triomphèrent les sages réserves faites par M. le président du conseil  (Journal officiel du 30 janvier, page 249 et suivantes).
    Il faut convenir, en effet, que la prudence s'impose encore ici, nos mœurs étant manifestement inférieures sur ce point à la liberté demandée.
    Nos réunions el surtout nos manifestations publiques ne paraissent pas en être arrivées à ce degré de gouvernement autonome qui fait considérer chez les Anglo­Saxons toute législation spéciale sur le droit de réunion comme injurieuse pour les citoyens. Il nous reste à mériter cette dernière liberté, la troisième en l'espèce, par la suite de ce progrès des mœurs publiques qui nous vaut déjà, par le présent projet de loi, les deux libertés de la déclaration et de l'heure.
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     Objectera-t-on enfin sérieusement que, sans les entêtements successifs de l'Église catholique (protestations et rires à droite), refusant d'abord le régime des associations cultuelles de la loi de 1905, refusant ensuite celui de la déclaration annuelle de la loi de 1907, le Gouvernement ne se serait pas aperçu que les Français étaient mûrs pour l'extension de la liberté de réunion qu'il leur offre aujourd'hui  ?
    Mais qu'importe le chemin qu'a pris une liberté pourvu qu'elle nous arrive ?
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    Ce sera un heureux ricochet de plus, parmi tant d'autres non moins imprévus, dans la genèse de nos institutions et qui sont pour le philosophe le sel de leur histoire. Au reste le fardeau de notre reconnaissance de ce chef envers l'Église sera léger, d'abord parce que ce sera, depuis bien longtemps, la seule liberté politique où elle aura été pour quelque chose - pour l'occasion, sans plus - et puis parce qu'elle ne l'a pas fait exprès. (Rires et applaudissements à gauche.)
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Débats de la commission
    Votre commission, avant de maintenir dans son intégralité le texte voté par la Chambre, a provoqué une série de déclaration de M. le ministre de l'instruction publique et des cultes et s'est livrée à des débats dont elle a voulu que les phases et points essentiels fussent relatés dans le rapport.
    Le voici, en substance et au fil des articles :
    "Art. 1er. - Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable et à toute heure."
    La liberté laissée par l'expression : "à toute heure" a paru aux membres de la commission devoir être la source d'abus préjudiciables  à l'ordre public et d'une répression parfois difficile.
    Comment empêcher, par exemple, des compagnies de buveurs de s'attarder dans les débits de boisson, sous le fallacieux prétexte de tenir une réunion publique ? Comment réprimer, dans les petites communes surtout, à une heure avancée de la nuit, les désordres qui accompagneraient ou surtout ceux qui suivraient inévitablement de pareilles pratiques ?
    Interrogé là-dessus, M. le ministre des cultes a répondu que l'expression : " à toute heure" avait été mise là d'abord pour soustraire l'horaire des cérémonies religieuses à l'arbitraire des municipalités.
    Il a ajouté que sur ce point, comme sur tous ceux où il y avait matière à interprétation abusives, il demandera qu'une circulaire précise le sens strict ou large des dispositions de la loi, de manière à guider clairement et sûrement les maires dans l'exercice de leur pouvoir de police municipale.
    Votre commission a d'abord pris acte de cette déclaration faite par M. le ministre des cultes, en l'absence de M. le président du conseil, ministre de l'intérieur, empêché par une indisposition.
    Puis, au cours de la discussion qui a suivi le départ le départ de M. le ministre, elle a successivement rejeté un amendement de M. Maurice-Faure supprimant les mots "et à toute heure"; puis un amendement de M. Noël ainsi conçu :
    "Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable, du lever du soleil jusqu'à l'heure désignée pour la fermeture des établissements publics dans la commune.
    "Toute réunion publique faite en dehors de ces conditions devra être l'objet d'une déclaration préalable, faite suivant l'article 2 de la loi de 1881.
    Art. 3. - Dans chaque commune où il existe un local ou un emplacement communal habituellement utilisé pour les réunions publiques, le maire doit le mettre à la disposition des citoyens, afin de leur assurer le libre exercice du droit de réunion."
    M. Vidal de Saint-Urbain ayant posé la question de savoir si les églises faisaient parte de ces "locaux communaux habituellement utilisés pour les réunions publiques", M. le ministre a répondu qu'il les considérait comme en étant formellement exceptées et conservées à leur affectation spéciale par la loi du 2 janvier 1907.
   La Commission a pris acte de cette interprétation de la loi susvisée par le ministre intéressé.
    Celle-ci ne parait pas douteuse, en effet, si on se reporte au texte de l'article 5.
    Par voie de conséquence, votre commission a estimé qu'il y avait lieu de ne pas retenir un amendement de M. Dominique Delahaye, relatif au même article, et ainsi conçu : " Cette disposition ne s'applique pas aux édifices consacrés au culte. "
    Une antre question a été soulevée par plusieurs membres, relativement aux préaux d'école, à comprendre ou non parmi les locaux communaux que le maire doit mettre à toute heure à la disposition des citoyens pour y tenir des réunions publiques.
    Le sens général de la réponse de M. le ministre de l'instruction publique a été que ces préaux n'étaient évidemment pas au nombre des locaux ainsi définis, ne fût-ce qu'en considération des heures de classe; qu'ils faisaient partie intégrante de l'école et que les nécessités de ses services déterminaient leur affectation générale et, au besoin, exclusive; qu'enfin, une préoccupation capitale d'hygiène conseillait de ne les ouvrir aux réunions publiques qu'aux époques où d'assez longs intervalles dans la fréquentation scolaire, en temps de vacances par exemple, permettraient de les assainir, à la suite de pareilles réunions, où la foule des assistants peut laisser après elle des germes de contagion, (Sourires à droite.)
    L'objection, messieurs, a été faite à la Chambre des députés; on y a même parlé des expectorations des tuberculeux, Il n'y a pas là matière à sourire, mais à précautions fort sérieuses. (Marques d'approbation à gauche.)
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    Votre commission gravement préoccupée de la sanction de l'obligation pour les maires de mettre le local communal de réunion, là où il existe, à la disposition des citoyens. Elle a constaté l'absence de toute sanction pénale dans le texte de la loi resteraient donc en face du refus des maires plus ou moins motivé, les sanctions administratives de suspension ou de révocation, à prendre en considération du néant ou de l'insuffisance des motifs de leurs refus.
    M. le ministre de l'instruction publique et des cultes a déclaré que son sentiment était conforme à celui de la commission sur le seul recours possible aux sanctions administratives. Il a d'ailleurs pris l'engagement d'inviter M. le président du conseil, ministre de l'intérieur, à faire là-dessus une déclaration à la tribune du Sénat.
    Prenant acte de cette promesse d'une déclaration en séance avec cet objet précis, et décidée d'ailleurs à la provoquer, au besoin, la commission a rejeté un amendement de M. Maurice-Faure portant suppression de l'article 3.
    M. Maurice-Faure a alors proposé un autre amendement ainsi conçu: "Ceux qui auront fait la demande du local ou de l'emplacement devront être Français et jouir de leurs droits civils et politiques. "
    La discussion a porté sur la nécessité d'insérer cet amendement dans le texte de la loi.
    La commission a envisagé d'abord la possibilité d'une assimilation, de droit ou de fait, entre les déclarants responsables, aux termes du paragraphe 1er de l'article 2 de la loi du 30 juin 1881, et ceux qui auront fait la demande, aux termes de l'amendement. Elle a conclu à l'impossibilité de celle assimilation, considérant la disposition susvisée de la loi de 1881, comme contraire, en droit et en fait, au projet de loi, et abrogée comme telle par son article 2.
    Le texte de l'amendement devrait donc être inséré dans la nouvelle loi, pour que son objet fût atteint.
    Mais votre commission l'a repoussé.
    "Art. 4. - Les organisateurs de la réunion seront t solidairement responsables des dégâts. "
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    Votre commission s'est demandée comment se qualifieraient légalement, en s'en tenant à la lettre du texte du projet de loi, les organisateurs de la réunion.
    M. le ministre des cultes a émis l'avis que la rédaction de l'article 4 impliquait le cas d'une déclaration faite, et qu'on aurait dès lors en fait des déclarants responsables en droit, aux termes de l'article 2 de la loi de 1881.
    M. Lintilhac ayant demandé si, au surplus, et en cas de non-déclaration, ce ne serait pas le droit commun qui vaudrait contre les auteurs des dégâts, à rechercher et à punir, en vertu de l'article 1382 du code civil, M. le ministre a répondu que tel était son sentiment.
    Enfin, M. Fessard a demandé, si le Gouvernement ne voulait pas promettre de proposer, après ce projet de loi qu'il était d'ailleurs disposé à voter tel quel, une législation complémentaire de 1a présente, en matière de réunions publiques, venant corriger les défectuosités que ce projet garde à ses yeux, (Exclamations à droite.)
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Conclusions

    Votre commission considère que le projet de loi a d'abord l'avantage de maintenir l'église ouverte aux ministres de la religion catholique comme à ses fidèles, et de leur ôter ainsi la possibilité de se plaindre que des formalités inconciliables avec leur obéissance à leur chef spirituel viennent entraver la liberté de l'exercice de l'eur culte dans les édifices conservés par la loi à cet effet.
    C'est là une nouvelle preuve donnée par la République - avec une patience. qu' on peut bien appeler maternelle... (Nouvelles réclamations à droite.)
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        .....avec une patience vraiment maternelle (Rires et marques d'assentiment à gauche) qu'elle s'ingénie, suivant l'esprit et la lettre des déclarations inscrites en tête de la loi dc 1905, à" assurer la liberté de conscience et à garantir le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées dans l'intérêt de l'ordre public ".
    C'est, espérons-le, le dernier pas qu'elle aura eu à faire dans cette voie de liberté prévoyante au bout de laquelle on est et où doit s'ouvrir maintenant l'ère de paix religieuse, cette " trêve indéfinie des braves gens ", annoncée hier par un prélat auquel nous souhaitons l'infaillibilité comme l'assentiment de son chef spirituel. (Rires et applaudissements à gauche.)
    M. Halgan. - Quel prélat ?
    M. le rapporteur. - Le cardinal Lecot
    Le projet de loi, à côté de cet avantage particulier, mais si important qu'il lui a donné naissance, offre celui plus général d'une telle extension du régime actuel des réunions publiques, qu'elle ne met vraiment plus pour les limites à leur liberté que celles strictement imposées par le maintien de l'ordre public, dans l'état présent de nos mœurs.
    Sans doute, cette extension n'ira pas sans offrir parfois dans la pratique quelques difficultés, relativement au maintien de cet ordre. Vous avez vu à quel point et dans quel détail votre commission s'en est préoccupée.
    Mais elle estime que, au bout du compte, si certaines dispositions du projet de loi recelaient des inconvénients - dont la pratique révélera le remède en même temps que leur existence - elles ne laissaient pas apparaître d'obstacles à son adhésion immédiate et entière.
    Elle prend acte d'ailleurs des promesses qui lui ont été faites par M. le ministre de l'instruction publique et des cultes, d'une circulaire minutieuse et de déclarations explicites à la tribune, relativement à toutes les modalités de l'application de la loi, spécifiées ci-dessus.
    Elle compte aussi et par dessus tout sur le progrès continu de nos mœurs dans le sens pratique de la liberté de réunion, dont le Gouvernement fait état, lui aussi, dans son exposé des motifs.
    Elle estime donc qu'il faut présentement passer outre à certaines difficultés d'applications d'une loi qui accorde une liberté presque illimitée en matière de réunions publiques et que c'est, au pis aller, un petit mal, tout éventuels et des plus curables, pour un grand bien, très certain et très urgent. (Très bien ! à gauche et sur divers bancs.)
    Faisant donc également confiance à la ferme vigilance du Gouvernement et au progrès constant des mœurs de la liberté, votre commission vous propose d'accepter le projet de loi, tel qu'il a été voté par la Chambre des députés, le 30 janvier 1907, par 532 voix contre 1, et dont le texte suit :

PROJET DE LOI

    "Art. 1er. - Les réunions publiques, quel qu'en soit l'objet, pourront être tenues sans déclaration préalable et à toute heure.
    "Art. 2. - Sont abrogées, en ce qu'elles ont de contraire à la présente loi, les dispositions des lois des 30 juin 1881, 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907.
    "Art. 3. - dans chaque commune où il existe un local ou un emplacement communal habituellement utilisé pour les réunions publiques, le maire doit le mettre à la disposition des citoyens, afin de leur assurer le libre exercice du droit de réunion.
    "Art. 4. - Les organisateurs de la réunions seront solidairement responsables des dégâts
    "Art. 5. - Des règlements d'administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi et celle du 2 janvier 1907 seront applicables à l'Algérie et aux colonies."

    (M. le rapporteur, en descendant de la tribune, est accueilli par de vifs applaudissements à gauche.)

    M. Le président. - Messieurs, je rappelle au Sénat que l'urgence du projet de loi a été déclarée.
    La commission demande que la discussion en soit fixée à jeudi.
    Il n'y a pas d'opposition ? ...
    Il en est ainsi décide.