9 novembre 1951
PROPOSITION DE LOI portant rétablissement
de la légalité républicaine en matière de congrégations
religieuses et de régime des cultes, présentée par MM.
Deixonne, Cordonnier, Tanguy Prigent, Le Coutaller, Jean Bouhey et les membres
du groupe socialiste, députés. -(Renvoyée à la
commission de l'intérieur.)
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, messieurs, les lois "André Marie" et
surtout "Barangé" ont ouvertement violé, en faveur de l'enseignement
confessionnel, non seulement le statut quo de fait, mais aussi la
légalité républicaine, et cela bien plus gravement que
n'avait osé le faire le gouvernement de fait de Vichy.
Depuis la libération, les gouvernements à
majorité républicaine, et spécialement les ministres
socialistes de l'intérieur et de l'éducation nationale, avaient
toujours - bien que cela représentât une renonciation temporaire
à notre doctrine - scrupuleusement respecté le statu quo
de droit, tel qu'il existe depuis 1945, en matière de congrégations
et de régime des cultes.
Dans un souci de concorde nationale, la majorité
républicaine de l'Assemblée nationale n'a donc pas voulu, jusqu'en
juin 1951, - et compte tenu de l'abrogation de l'acte du 26 novembre 1941
par l'ordonnance de Gaulle-Capitant du 17 avril 1943 "portant rétablissement
de la légalité républicaine en matière scolaire"
- proposer l'abrogation d'actes de Vichy violant pourtant, eux aussi, cette
légalité.
Mais un fait nouveau vient de se produire. Malgré
nos avertissements, ce statu quo, qui durait depuis 1945, a été
violé en septembre 1951. Dans ces conditions, nous croyons pouvoir
reprendre notre liberté en demandant à l'Assemblée nationale
de revenir, en matière de congrégation religieuses et de régime
des cultes, tout au moins au statu quo de 1939. Tel est l'objet de
la présente proposition de loi.
Ce faisant, nous ne demandons pas que soient poursuivis
de nouveau les "délits de congrégation" prévus par les
articles 14 et 16 de la loi du 1er juillet 1901, et la loi du 7 juillet 1904,
mais simplement qu'on revienne à cet égard au régime
de bienveillante tolérance administrative institué en notre
pays par la circulaire ministérielle d'août 1914, et toujours
respectée depuis lors. Toutefois, la suppression définitive
des "délits de congrégation" devrait, à nos yeux, provenir,
non des actes de Vichy des 3 septembre 1940 et 8 avril 1942, mais d'une loi
future qui pourrait être promulguée lorsque l'acceptation publique
par la hiérarchie catholique du principe de séparation des
églises et de l'État aura été suivie par une
convention entre la France et le Saint-Siège, réglant toutes
les questions d'écoles, de congrégations et de cultes qui se
posent en fait non seulement dans les territoires de la métropole
et de l'Union française, mais parfois aussi à l'étranger,
là où la sauvegarde des intérêts français
ne saurait être assurée par les seules stipulations du droit
public interne
Sur tous ces problèmes, les principes mêmes
de la république et ses lois qui sont et demeurent respectueuses de
toutes les convictions philosophiques et religieuses, permettent un accord
d'ensemble où les concessions d'ordre matériel, bien loin d'être
unilatérales (selon le regrettable exemple des lois de septembre 1951)
seront réciproques. Ainsi pourrait être réalisée
entre l'État républicain et une très importante famille
de croyants une harmonie qui importe à la fois à la paix publique,
à la fraternité nationale et à la justice sociale.
Nous tenons d'ailleurs à souligner que s'il est
patriotiquement indispensable de rétablir, comme nous vous le proposons,
la légalité républicaine afin que la France puisse disposer
- le jour où une telle négociation d'ensemble pourra s'ouvrir
- de tous les éléments de discussion, nous ne vous proposons
pas, fidèles à notre idéal laïque déquité,
de bonne foi et de paix publique, de déclarer la nullité d'autres
actes de Vichy. Nous pensons à ceux qui ne sont ni validés
ni abrogés, soit qu'ils ne violent pas ouvertement les grands principes
de notre législation républicaine, soit qu'ils aient une portée
minime ou aient crée des droits individuels que nous répugnons
à supprimer rétroactivement, bien qu'acquis sous l'occupation,
ou qu'ils soient devenus caducs, tels l'acte dit loi du 21 février
1941 portant reconnaissance légale de l'ordre des Chartreux et le
décret du 7 avril 1941 lui concédant la propriété
domaniale de la Grand Chartreuse, l'acte dit loi 2347 du 30 mai 1941 modifiant
les articles 4 et 5 de la loi du 24 mai 1825 sur les congrégations
religieuses, l'acte dit loi du 15 février 1941 relatif aux biens ayant
appartenu aux anciens établissements public du culte et alors encore
non attribués et l'article 1er de l'acte dit loi n° 1144 du 25
décembre 1942 modifiant l'article 19, paragraphe 4, de la loi du 9
décembre 1905.
En conséquence, nous vous demandons d'adopter la
proposition de loi suivante :
PROPOSITION DE LOI
Art. 1er. - Est expressément constaté la
nullité des actes dits
1° Loi du 3 septembre 1940 abrogeant la loi du 7 juillet
1904 et l'article 14 de la loi du 1er juillet 1901;
2° Loi n° 1509 du 4 avril 1941 relative aux religieuses
attachées au service d'établissement hospitaliers;
3° Loi n° 505 du 8 avril 1942 modifiant l'article
13 de la loi du 1er juillet 1901 abrogeant les articles 16 et 17, second
alinéa de cette loi;
4° Décret du 30 juillet 1942 étendant
à l'Algérie ladite loi n° 505 du 8 avril 1942;
5° Loi n° 1115 du 31 décembre 1942 complétant
la loi n° 505 du 8 avril 1942.
Art. 2. - Est expressément constaté la nullité
de l'article 2 de l'acte dit loi n° 1114 du 25 décembre 1942 modifiant
l'article 19, paragraphe 6, de la loi du 9 décembre 1905.