4 juillet 1907
PROPOSITION DE LOI
tendant à la fixation d'un délai de deux
ans
pour la prescription des actions en reprises ou en revendication
concernant les immeubles visés par les articles
13 et 14 de la loi du 9 décembre 1905
sur la séparation des Églises et de l'État,
présentée par M. Lucien Cornet, député.
-
(Renvoyée à la commission de la réforme
judiciaire et de la législation civile et criminelle.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Messieurs, en vertu de l'article 14 de la loi du 9 décembre
1905, l'État., les départements et les communes doivent.,
dans un temps limité, rentrer en possession des archevêchés,
évêchés , presbytères , etc. leur appartenant.
L'article 1er de la loi du 2 janvier 1907 a mis la majeure, partie de ces
immeubles à la disposition immédiate de l'État, des
départements et des commune.
Mais quelques-uns de ces biens appartiennent à
l'État, aux départements et aux communes en vertu soit d'acquisitions
à titre onéreux, soit de donations contenant dans les contrats
de transmission de propriété une clause d'affectation spéciale
des immeubles vendus ou donnés. Cette clause imposait naturellement
à l'État, aux départements et aux communes l'obligation
de conserver aux immeubles dont il s'agit l'affectation qu'ils avaient
reçue lors de la signature du contrat intervenu. Or cette clause
constitue, depuis la promulgation des lois de séparation des Églises
et de l'État une condition inexécutable. Tel est le cas de
donation ou de vente d'un Immeuble à une commune à condition
qu'il serve de presbytère.
Les biens en question pourraient être, par
la suite, l'objet d'actions en reprise ou revendication de la part des
anciens propriétaires, vendeurs ou donateurs ou des ayants cause
de ces derniers. Quel sera le sort de ces actions ? Les lois de séparation
des Églises et de l'État sont restées muettes à
leur égard. Elles semblent ainsi s'en être référé
au droit commun et avoir laissé aux tribunaux le soin d'apprécier
le bien-fondé des actions de cette espèce.
Il est vrai que la cour de cassation, ayant à
déduire les conséquences de la loi du 30 octobre 1886 sur
l'organisation de l'enseignement primaire qui a créé une
situation analogue, a décidé que l'article 1173 du code civil
était applicable dans le cas ou une chose permise d'abord s'est
trouvée plus tard prohibée par suite d'un changement de législation
et qu'une donation contenant une condition se rapportant à une chose
de cette nature est révocable du moment que la condition devenue
inexécutable a été la cause déterminante de
la libéralité (Dalloz - Code civil annoté: article
1173 article 954 - Dalloz - Lois administratives - Loi du 30
octobre 1886 article 19 (tome 2, page 550)).
Cette jurisprudence semble applicable, par analogique,
aux biens donnés ou acquis avec l'affectation cultuelle dont nous
venons de parler.
Quelle que soit la solution qui sera apportée
par la cour suprême aux actions susvisées, il est à
remarquer, dès à présent, qu'aucune prescription spéciale
n'ayant été édictée dans les lois du 9 décembre
1905 et du 2 janvier 1907, l'exercice de ces actions serait soumis à
la prescription ordinaire de trente ans, fixée par l'article 2262
du code civil.
Il résulte de cet état de choses que,
pondant cette longue période de trente années, en raison
de l'incertitude de leur propriété toujours exposée
à une contestation, l'État, les départements et les
communes ne pourraient, sans de graves inconvénients aliéner
les immeubles dont il s'agit ni les transformer on établissements
publics, transformations pouvant nécessiter des dépenses
importantes.
Pour parer à cette difficulté et rendre
à la propriété sans retards excessifs, la stabilité
dont elle, a besoin dans l'intérêt public, il y aurait lieu,
semble-t-il de fixer un délai pour les actions en reprise et on
revendication de cette catégorie. Ce délai devrait être
à la fois suffisant pour permettre de former leur demande à
tous ceux qui croiraient avoir à exercer ces actions et réduit
de telle sorte que la propriété ne reste incertaine que le
moins longtemps possible.
Un délai de deux ans parait convenir à
cette situation et l'exception qu'il introduirait dans notre droit civil
ne saurait soulever aucune objection sérieuse.
Le Parlement, on l'établissant, ne ferait
que suivre l'exemple du législateur du 30 octobre 1886 (art. 19
de la loi sur l'organisation de l'enseignement primaire). La loi du 9 décembre
1905 a, d'ailleurs, fixé une proscription de beaucoup plus courte
(six mois) on ce qui concerne les actions en reprise et revendication concernant
les biens des anciens établissements attribués à des
services publics par les articles 7 et 9.
L'article 13 de la loi du 9 décembre 1905
traite, d'autre part, de la désaffectation des édifices servant
à l'exercice public des cultes.
Il peut sa faire que les édifices désaffectés
ou à désaffecter n'appartiennent à l'État,
aux départements et à la communes qu'en vertu de contrats
de transmission de propriété contenant, eux aussi ,une clause
d'affectation spéciale.
Les lois de 1905 et de 1906 sont, pour ces biens,
comme pour ceux visés à l'article 14, restées muettes
sur les actions en reprise et en revendication. Les conséquences
de cette lacune sont les mêmes que celles qui viennent d'être
exposées.
Il y a donc lieu pour les édifices visés
par l'article 13, comme pour les biens qui font l'objet de l'article 14,
de fixer un délai raisonnable passé lequel les actions en
reprise et revendication devront être déclarées irrecevables
comme prescrites.
Tels sont, messieurs, les motifs qui nous ont déterminé
à vous soumettre la présente proposition :
PROPOSITION DE LOI
Art 1er. - Toute action en reprise ou revendication
concernant les immeubles visés par l'article 14 de la loi du 9 décembre
1905 sera déclarée non recevable si elle n'est pas intentée,
savoir:
Dans les deux ans qui suivront la promulgation de
la présente loi, pour ceux de ces biens dont la jouissance a été
attribuée définitivement à l'État, aux départements
et aux communes par l'article premier de la loi du 2 janvier 1907.
Dans les deux ans qui suivront la cessation de la
jouissance des attributaires, pour ceux de ces biens dont la jouissance
aurait été laissée en vertu des dispositions de l'article
14 de la loi du 9 décembre 1905 aux personnes y désignées.
Art. 2. - Toute action en reprise ou revendication
concernant les immeubles visés par l'article 13 de la loi du 9 décembre
I905, sera déclarée non recevable si elle n'est pas intentée,
savoir:
Dans les deux ans qui suivront la promulgation de
la présente loi, pour les immeubles dont la désaffectation
aura été opérée antérieurement à
cette promulgation;
Dans les deux ans qui suivront la mesure de désaffectation
pour ceux de ces immeubles qui seront désaffectés postérieurement
à la présente loi.