Texte tiré du rapport du
HAUT  CONSEIL  A  L’INTEGRATION

L’ISLAM  DANS  LA  REPUBLIQUE

Roger FAUROUX

Novembre 2000
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    Un deuxième élément de différence tient à l’exclusion de certaines régions françaises du champ d’application de la loi de 1905. Si, en vertu de décrets de 1911 et 1913, la loi de 1905 est applicable en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion, la Guyane et les autres collectivités d’outre-mer relèvent de régimes particuliers. Mais le particularisme n’est pas réservé à l’outre-mer.

     Le retour à la France des départements d’Alsace-Moselle s’est accompagné du maintien dans ces trois départements du régime des cultes appliqué entre 1870 et 1918, c’est-à-dire du concordat de 1801 et des articles organiques édictés par Napoléon, combinés au droit allemand des associations. Ce régime se distingue sur plusieurs points du régime de séparation issu de la loi de 1905. Il ne s’applique pas à l’ensemble des cultes, mais seulement aux “cultes reconnus”, c’est-à-dire expressément agréés et réglementés par l’autorité publique. Depuis l’origine, quatre cultes reconnus existent en Alsace-Moselle : catholique, luthérien, calviniste et juif. L’Islam n’y figure pas. La reconnaissance implique notamment la rémunération des ministres du culte par l’Etat et la participation des collectivités publiques aux dépenses du culte. En outre, le principe de laïcité de l’enseignement ne s’applique pas comme sur le reste du territoire national : l’enseignement religieux des cultes reconnus est assuré pendant les heures de cours, et deux facultés théologiques publiques, une catholique et une protestante, existent à Strasbourg.

     Un troisième exemple d’application inégale de la loi de 1905 concerne plus particulièrement l’Islam : il s’agit de la politique suivie par les pouvoirs publics en Algérie avant la décolonisation, caractérisée par ce que F. Frégosi, chercheur à l’université Robert Schuman de Strasbourg, appelle une “exception musulmane à la laïcité”.
     L’absence d’application de la loi de 1905 aux départements algériens (1905-1962)   Malgré l’extension des dispositions de la loi de 1905 aux trois départements algériens par le décret du 27 septembre 1907, l’Etat n’a jamais cessé d’exercer en fait un contrôle prononcé sur l’exercice du culte musulman, en accordant notamment des indemnités au personnel cultuel en contrepartie d’agréments et en réglementant le droit de prêche dans les mosquées domaniales (circulaire Michel du 16 février 1933).   Les milieux musulmans locaux réagirent en exigeant de bénéficier de la même liberté que les cultes métropolitains. L’Emir Khaled adressa le 3 juillet 1924 une lettre en ce sens à Edouard Herriot, président du Conseil. Par la suite, l’Association des oulémas réformistes du cheikh Ben Badis formula un ensemble de propositions destinées à appliquer à l’Islam algérien le statut de droit commun des religions, qui furent reprises par la plupart des formations politiques musulmanes dès les années 1930 : création d’associations cultuelles et d’un Conseil supérieur islamique, convocation d’un congrès religieux chargé de définir l’organisation définitive du culte musulman conformément à la loi de 1905. Ces initiatives ne trouvèrent aucun écho auprès des autorités métropolitaines.
    Bien que la loi du 20 septembre 1947 portant statut organique de l’Algérie ait réaffirmé l’indépendance du culte musulman à l’égard de l’Etat dans le cadre de la loi de 1905, ces pratiques ont perduré jusqu’à l’indépendance. L’attitude de la République était dictée par des considérations coloniales davantage que religieuses. Du fait du refus de la République de reconnaître la citoyenneté française aux musulmans, les instances religieuses ont eu, en Algérie, un rôle de gestion civile. Il importait dans ces conditions de maintenir le culte sous la dépendance de l’Etat pour mieux en contrôler l’exercice.
    Cet épisode de non-application de la loi de 1905 est parfois présenté comme symptomatique de l’incapacité de la République française à considérer l’Islam sur un pied d’égalité avec les autres religions. Il a en tout état de cause eu pour effet de créer un lien entre le religieux et le civil dont on retrouve encore les traces aujourd’hui.
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L’implantation de la religion musulmane en France a été le fruit de vagues d’immigration successives, encouragées en général par les autorités publiques.

 Au début du XXème siècle, l’Islam est très peu présent en métropole. A la veille de la première Guerre mondiale, on y compte seulement 4.000 à 5.000 Algériens. L’Islam reste un fait colonial, marqueur d’une identité différente et intimement lié au statut personnel.

 La première Guerre mondiale entraîne les premières arrivées massives de populations musulmanes sur le sol métropolitain. D’une part, des troupes sont recrutées dans les populations indigènes d’Afrique du Nord : 170.000 Algériens et 135.000 marocains seront ainsi mobilisés. On compte près de 100.000 morts et blessés musulmans du côté français lors de ce conflit. Cette contribution à l’effort national suscitera, après la guerre, des gestes symboliques de la part de la République : création de cimetières musulmans, construction de la Grande Mosquée de Paris, inaugurée en 1924, ouverture de l’hôpital Avicenne à Bobigny. D’autre part, 130.000 musulmans sont recrutés entre 1914 et 1918 pour remplacer les travailleurs partis au front.
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