RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Loi qui rétablit le Divorce
du 27 juillet 1884
(Promulguée au Journal officiel du 29 juillet 1884)


Le Sénat et la Chambre des Députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Art. 1er. La loi du 8 mai 1816 est abrogée.

Les dispositions du Code civil abrogées pat cette loi sont rétablies, à l'exception da celles qui sont relatives au divorce par consentement mutuel, et avec les modifications suivantes apportées aux articles 230, 232, 234, 235, 261, 263, 296, 296, 298, 299, 306, 307 et 310.

Art. 230. La femme pourra demander le divorce pour cause d'adultère de son mari.

Art. 232. La condamnation de l'un des époux à une peine afflictive ou infamante sera pour l'autre époux une cause de divorce.

CHAPITRE II
DE LA PROCÉDURE DU DIVORCE

SECTION ère
DES FORMES DU DIVORCE

Art. 234. La demande en divorce ne pourra être formée qu'au tribunal de l'arrondissement meut dans lequel les époux auront leur domicile.

Art. 235. Si quelques-uns des faits allégués par l'époux demandeur donnent lieu à une poursuite criminelle de la part du ministère public, l'action en divorce sera suspendue jusqu'après la décision de la juridiction répressive; alors elle pourra être reprise sans qu'il soit permis d'inférer de cette décision aucune fin de non-recevoir ou exception préjudicielle contre l'époux demandeur.

Art. 263. Lorsque le divorce sera demandé par la raison qu'un des époux est condamné à une peine afflictive et infamante, les seules formalités à observer consisteront à présenter au tribunal  de première instance une expédition    en bonne forme de la décision portant condamnation, avec un certificat du greffier constatant que cette décision n'est plus susceptible d'être réformée par les voies légales ordinaires. Le certificat du greffier devra être visé par le procureur général  de 1a République.

Art. 263. L'appel un sera recevable  qu'autant qu'il aura été interjeté dans les deux mois à à compter du jour de la signification du jugement rendu contradictoirement ou par défaut. Le délai pour se pourvoir à la cour de cassation contre un jugement en dernier ressort sera aussi de deux mois à compter de la    signification. Le pourvoi sera suspensif.

SECTION II
DES MESURES PROVISOIRES AUXQUELLES PEUT DONNER LIEU
LA DEMANDE DE DIVORCE
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SECTION III
DES FINS DE NON-RECEVOIR CONTRE L'ACTION EN DIVORCE
.........................................................................................................................

CHAPITRE III
DES EFFETS DU DIVORCE
Art. 295. Les époux divorcés ne pourront plus se réunir si l'un ou l'autre a, postérieurement au divorce, contracté un nouveau mariage suivi d'un second divorce. Au cas de réunion des époux, une nouvelle célébration du mariage sera nécessaire.
    Les époux ne pourront adopter un régime matrimonial autre que celui qui réglait originairement leur union.
    Après la réunion des époux, il ne sera reçu de leur part aucune nouvelle demande de divorce, pour quelque cause que ce soit, autre que celle d'une condamnation à une peine afflictive et infamante prononcée contre l'un d'eux depuis leur réunion.
 
Art. 296. La femme divorcée ne pourra se remarier que dix mois après que le divorce sera devenu définitif.
 
Art. 298. Dans le cas de divorce admis eu justice pour cause d'adultère, l'époux coupable ne pourra jamais se marier avec son complice.

Art. 299. L'époux contre lequel le divorce aura été prononcé perdra tous les avantages que l'autre époux lui avait faits, soit par contrat de mariage, soit depuis le mariage.

CHAPITRE IV
DE LA SÉPARATION DE CORPS.

Art. 306. Dans le cas où il y a lieu à demande en divorce, il sera libre aux époux de former une demande en séparation de corps.

Art. 307. Elle sera intentée, instruite et jugée de la même manière que toute autre action civile.

Art. 310. Lorsque la séparation de corps aura duré trois ans, le jugement pourra être converti en jugement de divorce sur la demande de l'un des époux.
    Cette nouvelle demande sera introduite par assignation, à huit jours francs, en vertu d'une ordonnance rendue par le président.
    Elle sera débattue en chambre du conseil.
    L'ordonnance nommera un juge rapporteur, ordonnera la communication au ministère public et fixera le jour de la comparution.
    Le jugement sera rendu en audience publique.
    Sont abrogés les articles 233, 275 à 294, 305, 308 et 309 du Code civil.
    2. Le paragraphe ajouté à l'article 312 du Code civil par la loi du 6 décembre 1850 est modifié comme suit :
    " En cas de jugement ou même de demande soit de divorce, soit de séparation de corps, le mari pourra désavouer l'enfant qui sera né trois cent jours après la décision qui aura autorisé la femme à avoir un domicile séparé, et moins de cent quatre-vingt jours depuis le rejet définitif de la demande ou depuis la réconciliation. L'action de désaveu ne sera pas admise s'il y a eu réunion de fait entre les époux."
    3. La reproduction des débats sur les instances en divorce ou en séparation de corps est interdite sous peine d'amende de cent à deux mille francs édictés par l'article 39 de la loi du 30 juillet 1881.

DISPOSITION TRANSITOIRE.
    4. Les instances en séparation de corps pendantes au moment de la promulgation de la présente loi pourront être converties par les demandeurs en instances de divorce. Cette conversion pourra être demandée même en cour d'appel.
    La procédure spéciale au divorce sera suivie à partir du dernier acte valable de la procédure en séparation de corps.
    Pourront être convertis en jugements de divorce, comme il est dit à l'article 310, tous jugements de séparation de corps devenus définitifs avant ladite promulgation.
    5. La présente loi est applicable à l'Algérie et aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion.

     La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État
 
    Fait a Mont-sous-Vaudrey, le 27 Juillet 1884.
                                                                                            Signé JULES GREVY

        Le garde des sceaux,
Ministre des justice et des cultes

Signé MARTIN FEUILLÉE