Le président de la république française,
Sur le rapport du président du conseil,
ministre de l'intérieur, du ministre de la guerre et du garde des
sceaux, ministre de la justice et des cultes et du ministre des finances,
Vu le décret du 27 septembre 1907, déterminant
les conditions d'application en Algérie des lois des 9 décembre
1905 et 2 janvier 1907 sur la séparation des Églises et de
l'État;
Vu le décret du 30 mars 1908 modifiant le
décret susvisé;
Vu le décret du 11 septembre 1907, relatif
aux réunions publiques en Algérie;
Vu la loi du 13 avril 1908 modifiant les articles
6, 7, 9, 10, 13 et 14 de la loi du 9 décembre 1905;
Vu le décret du 24 mars 1899 rendant applicable
en Algérie la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés
de secours mutuels;
Vu la loi du 19 décembre 1900 portant création
d'un budget spécial de l'Algérie;
Vu le décret des 25 mai et 23 août
1898;
Vu la loi du 24 décembre 1902, portant création
des territoires du Sud; ensemble l'article 11 du décret du 14 août
1905;
Vu le décret du 30 avril 1861;
Vu l'avis du ministre des finances;
Vu les avis émis par le gouverneur général
de l'Algérie et par le conseil de gouvernement;
Le conseil d'État entendu,
Décrète :
Art. 1er. - Les paragraphes 2 et 4 de l'article
6 du décret du 27 septembre 1907 sont abrogés,
Le paragraphe 1er de l'article 9 dudit décret
est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :
§ 1er, - Les biens des établissements
ecclésiastiques, qui n'ont pas été réclamés
par des associations cultuelles constituées antérieurement
au 31 décembre 1908 seront attribués par décret à
des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés
dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique
intéressée, ou, à défaut d'établissement
de cette nature, aux communes ou sections de communes sous la condition
d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus
ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après:
1° Les édifices a affectés au
culte lors de la publication du décret du 27 septembre 1907 et les
meubles les garnissant deviendront la propriété des communes
sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été
restitués ni revendiqués dans le délai légal
.
2° Les meubles ayant appartenu aux établissements
ecclésiastiques ci-dessus mentionnés qui garnissent les édifices
désignés à l'article 12, paragraphe 1er du décret
du 27 septembre I907 deviendront la propriété de l'État,
de la colonie, des départements et des communes, propriétaires
desdits édifices s'ils n'ont pas été restitués
ni revendiqués dans le délai légal.
3° Les immeubles bâtis, autres que les
édifices affectés aux cultes, qui n'étaient pas productifs
de revenus lors de la. publication du décret du 27 septembre 1907
et qui appartenaient aux: menses archiépiscopales et épiscopales,
aux chapitres et séminaires, ainsi que les cours et jardins y attenant,
seront attribués par décret, soit à des ,départements,
soit à des communes, soit à des établissements publics
pour des services d'assistance ou de bienfaisance ou des services
publics,
4° Les biens des menses archiépiscopales
et épiscopales, chapitres el séminaires seront, sous réserve
de l'application des dispositions du paragraphe précédent,
affectés, dans la circonscription territoriale de ces anciens établissements
au payement du reliquat des dettes régulières ou légales
de l'ensemble des établissements ecclésiastiques compris
dans ladite circonscription, dont les biens n'ont pas été
attribués à des associations cultuelles, ainsi qu'au payement
de tous frais exposés et de toutes dépenses effectuées
relativement à ces biens par le séquestre sauf ce qui est
dit au paragraphe 13 de l'article 3 ci-après. L'actif disponible
après l'acquittement de ces dettes et dépenses sera attribué
par décret à des services départementaux de bienfaisance
ou d'assistance.
En cas d'insuffisance d'actif, il sera pourvu au
payement desdites dettes et dépenses sur l'ensemble des biens ayant
fait retour à l'État, en vertu de l'article 5,
5° Les documents, livres, manuscrits et œuvres
d'art ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques
et non visés au 1° du présent paragraphe, pourront être
réclamés par l'État ou par la colonie, en vue de leur
dépôt dans les archives, bibliothèques ou musées
et lui être attribués par décret.
6° Les biens des caisses de retraites et maisons
de secours pour les prêtres âgés ou infirmes seront
attribués par décret à des sociétés
de secours mutuels constituées dans les départements où
ces établissements ecclésiastiques avaient leur siège.
Pour être aptes à recevoir ces biens,
les dites sociétés devront être approuvées dans
les conditions prévues par la loi du 1er avril l898 rendue applicable
à l'Algérie par le décret du 24 mars 1899, avoir une
destination conforme à celle desdits biens, être ouvertes
à tous les Intéressés et ne prévoir dans leurs
statuts aucune amende ni aucun cas d'exclusion fondés sur un motif
touchant à la discipline ecclésiastique,
Les biens des caisses de retraite et maisons de
secours, qui n'auraient pas été réclamés dans
le délai de dix-huit mois à dater de la publication du présent
décret par des sociétés de secours mutuels constituées
dans le délai d'un an de ladite publication. seront attribués
par décret aux départements où ces établissements
ecclésiastiques avaient leur siège, et continueront à
être administrés provisoirement au profil des ecclésiastiques
qui recevaient des pensions ou secours ou qui étaient hospitalisés
à la date du 31 décembre 1908,
Les ressources non absorbées par le service
de ces pensions ou secours seront employées au remboursement des
versements que les ecclésiastiques ne recevant ni pensions ni secours
justifieront avoir faits aux caisses de retraites.
Le surplus desdits biens sera affecté par
les départements à des services de bienfaisance ou d'assistance
fonctionnant dans les anciennes circonscriptions des caisses de retraite
et maisons de secours.
Art. 2. - Le paragraphe 2 de l'article 7
du décret du 27 septembre 1907 est abrogé et remplacé
par les dispositions suivantes:
Toute action en reprise, qu'elle soit qualifiée
en revendication, en révocation ou en résolution, concernant
les biens dévolus en exécution du présent article,
est soumise aux règles prescrites par l'article 9.
Art. 3. - Le paragraphe 3 de l'article 9
du décret du 27 septembre 1907 est abrogé et remplacé
par les dispositions suivantes :
§ 3. - Toute action en reprise, qu'elle soit
qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution,
doit être introduite dans le délai ci-après déterminé.
Elle ne peut être exercée qu'en raison
de donations, de legs ou de fondations pieuses, et seulement par les auteurs
et leurs héritiers en ligne directe.
Les arrérages de rentes dues aux fabriques
pour fondations pieuses ou cultuelles et qui n'ont pas été
rachetées cessent d'être exigibles.
Outre les dispositions interprétatives ci-dessus,
1e paragraphe 3 de l'article 9 du décret du 27 septembre 1907 est
complété par les dispositions suivantes :
§ 4.- L'action peut être exercée
contre l'attributaire ou, à défaut d' attribution, contre
le gouverneur général, représentant l'État
en qualité de séquestre.
§ 5. - Nul ne pourra introduire une action,
de quelque nature qu'elle soit, s'il n'a déposé, deux mois
auparavant, un mémoire préalable, sur papier non timbré
entre les mains du gouverneur général qui en délivrera
un récépissé daté et signé.
§6. - Au vu de ce mémoire, et après
avis du directeur des domaines, le préfet pourra, en tout état
de cause, et quel que soit l'état de la procédure, faire
droit à tout ou partie de la demande par un arrêté
pris en conseil de préfecture.
§7. - L'action sera prescrite si le mémoire
préalable n'a pas été déposé dans les
six mois à compter de la publication au Journal officiel
de la liste des biens attribués ou à attribuer avec les charges
auxquelles lesdits biens seront ou demeureront soumis et si l'assignation
devant la juridiction ordinaire n'a pas été délivrée
dans les trois mois de la date du récépissé.
§8. - Passé ce délai, les attributions
seront définitives et ne pourront être attaquées de
quelque manière ni pour quelque cause que ce soit.
Néanmoins, toute personne intéressée
pourra poursuivre devant le conseil d'État statuant au contentieux,
l'exécution des charges imposées par les décrets d'attribution.
§9. - Il en sera de même pour les attributions
faites après solution des litiges soulevés dans le délai.
§10. - Tout créancier hypothécaire,
privilégié ou autre, d'un établissement dont les biens
ont été mis sous séquestre, devra, pour obtenir le
payement de sa créance, déposer préalablement à
toute poursuite un mémoire justificatif de sa demande, sur papier
non timbré, avec pièces à l'appui, au gouverneur général,
qui en délivrera un récépissé daté et
signé.
§11. - Au vu dc ce mémoire et sur l'avis
du directeur des domaines, le préfet pourra eu tout état
de cause et quel que soit l'état de la procédure, décider,
par un arrêté pris en conseil de préfecture, que le
créancier sera admis, pour tout ou partie de sa créance,
au passif de la liquidation de l'établissement supprimé.
§12. - L'action du créancier sera définitivement
éteinte si le mémoire préalable n'a pas été
déposé dans les six mois qui suivront la publication au Journal
officiel prescrite par le paragraphe 7 du présent article, et
si l'assignation devant la juridiction ordinaire n'a pas été
délivrée dans les neuf mois de ladite publication.
§13. - Dans toutes les causes auxquelles s'appliquent
les dispositions du présent décret, le tribunal statue comme
en matière sommaire conformément au litre XXIV du livre II
du code de procédure civile.
Les frais exposés par le séquestre
seront dans tous les cas employés en frais privilégiés
sur le bien séquestré, sauf recouvrement, contre la partie
adverse condamnée aux dépens, ou sur la masse générale
des biens recueillis par l'État.
Le donateur et les héritiers en ligne directe
soit du donateur, soit du testateur ayant, dès à présent,
intenté une action en revendication ou en révocation devant
les tribunaux civils sont. dispensés des formalités de procédure
prescrites par les paragraphes 5,6 et 7 du présent article.
§ 14. - L'État, la colonie, les départements,
les communes et les établissements publics ne peuvent remplir les
charges pieuses ou cultuelles, afférentes aux libéralités
à eux faites, ou aux contrats conclus par eux, ni les charges dont
l'exécution
comporterait l'intervention, soit d'un établissement public
du culte, soit de titulaires ecclésiastiques.
Il ne pourront remplir les charges comportant l'intervention
ecclésiastique pour l'accomplissement d'actes non cultuels que s'il
s'agit de libéralités autorisées antérieurement
à la publication du présent décret et si, nonobstant
l'intervention de ces ecclésiastique, ils conservent un droit de
contrôle sur l'emploi desdites libéralités.
Les dispositions qui précèdent s'appliquent
au séquestre.
Dans les cas prévus à l'alinéa
1 du présent paragraphe, et en cas d'inexécution des charges
visées à l'alinéa 2, l'action en reprise, qu'elle
soit qualifiée en revendication, en révocation ou en résolution,
ne peut être exercée que par les auteurs des libéralités
et leurs héritiers en ligne directe.
Les paragraphes précédents s'appliquent
à cette action sons les réserves ci-après :
Le dépôt du mémoire est fait
au préfet et l'arrêté du préfet au conseil de
préfecture est pris, s'il y a lieu, après avis de la commission
départementale pour le département, du conseil municipal
ou de la. commission municipale pour la commune et de la commission administrative
pour l'établissement public intéressé.
En ce qui concerne les biens possédés
par l'État ou par la colonie, il sera statué par décret.
L'action sera prescrite si le mémoire n'a
pas été déposé dans l'année qui suivra
la publication du présent décret et l'assignation devant
la juridiction ordinaire délivrée dans les trois mois de
la date du récépissé,
§ 15, - Les biens réclamés en
vertu du paragraphe 14 à l'État, à la colonie, aux
départements, aux communes et à tous établissements
publics ne seront restituables, lorsque la demande ou l'action sera admise,
que dans la proportion correspondante aux charges non exécutées,
sans qu'il y ait lieu de distinguer si lesdites charges sont ou non déterminantes
de la libéralité ou du contrat de fondation pieuse, et sous
déduction des frais et droits correspondants payés lors de
l'acquisition des biens.
§ 16. - Sur les biens grevés de fondations
de messes, l'État, la colonie, les départements, les communes
et les établissements publics, possesseurs ou attributaires desdits
biens, devront, à défaut des restitutions à opérer
en vertu du présent article, mettre en réserve la portion
correspondant aux charges ci-dessus visées.
Cette portion sera remise aux sociétés
de secours mutuels constituées conformément au paragraphe
1er, 6, de l'article 9 du décret du 27 septembre 1907, sous la forme
de titres de rente nominatifs, à charge par celles d'assurer l'exécution
des fondations perpétuelles de messes.
Pour les fondations temporaires, les fonds y afférents
seront versés auxdites sociétés de secours mutuels,
mais ne bénéficieront pas du taux de faveur prévu
par l'article 21 de la loi du 1er avril 1898.
Les titres nominatifs seront remis et les versements
faits à la société de secours mutuels qui aura été
constituée dans le département, ou à son défaut,
dans le département le plus voisin.
A l'expiration du délai de dix-huit mois
prévus au paragraphe premier, 6°, ci-dessus visé, si
aucune des sociétés de secours mutuels qui viennent d'être
mentionnées n'a réclamé la remise des titres ou le
versement auquel elle a droit, l'État, la colonie, les départements,
les communes et les établissements publics seront définitivement
libérés et resteront propriétaires des biens par eux
possédés ou à eux attribués, sans avoir à
exécuter aucune des fondations de messes grevant lesdits biens.
La portion à mettre en réserve, en
vertu ders dispositions précédentes, sera calculé
sur la base des tarifs indiqués dans l'acte de fondation ou, à
défaut, sur la base des tarifs indiqués dans l'acte de fondation
ou, à défaut, sur la base des tarifs en vigueur au 27 septembre
1907.
Art. 4. - L'article 10 du décret du
27 septembre 1907 est complété ainsi qu'il suit :
§3. - Les transferts, transcriptions, inscriptions
et mainlevées, mentions et certificats seront opérés
ou délivrés par les compagnies, sociétés et
autre établissements débiteurs et par les conservateurs des
hypothèques, en vertu, soit d'une décision de justice devenue
définitive, soit d'un arrêté pris par le préfet
en conseil de préfecture, soit un décret d'attribution.
§4. - Les arrêtés et décrets,
transcriptions, inscriptions et mainlevées, mentions et certificats
opérés ou délivrés en vertu desdits arrêtés
et décrets ou de décisions de justice susmentionnés,
seront affranchis de droit de timbre, d'enregistrement et de toute autre
taxe.
§ 5. - Les attributaires de biens immobiliers
seront, dans tous les cas, dispensés de remplir les formalités
de purge des hypothèques légales. Les biens attribués
seront francs et quittes de toute charge hypothécaire ou privilégiée
qui n'aurait pas été inscrite avant l'expiration du délai
de six mois à dater de la publication au Journal officiel ordonnée
par le paragraphe 7 de l'article 9.
Art. 5. - L'article 13 du décret du
27 septembre 1907 est complété par la disposition suivante:
L'État, la colonie, les départements
et les communes pourront engager les dépenses nécessaires
pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la
propriété leur est reconnue par le présent décret.
Art. 6. - Le paragraphe 7 de l'article 14
du décret du 27 septembre 1907 est complété ainsi
qu'il suit :
Ceux de ces immeubles qui appartiennent à
l'État ou à la colonie pourront être par décret
affectés ou concédés gratuitement dans les formes
prévues par l'ordonnance du 9 novembre 1845 soit à des services
publics de l'État ou de la colonie, soit à des services publics
départementaux ou communaux.
Art. 7. - Le délai d'un an prévu
par les articles 3, 4, 8, paragraphes 1 et 2, 10, paragraphe 2, et 14,
paragraphes 6 et 8, du décret du 27 septembre 1007, dont le point
de départ était fixé à la publication dudit
décret, est prorogé jusqu'au 31 décembre 1908.
Art. 8. - L'article 19 du décret du
27 septembre 1907 est complété par la disposition suivante
:
Les directeurs et administrateurs des unions constituées
en Algérie devront être Français.
Art. 9. - Le président du conseil,
ministre de l'intérieur et les ministres des cultes et des finances
sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution
du présent décret, qui sera publié au Journal
officiel et inséré au Bulletin des lois et au
Bulletin officiel du gouvernement général de
l' Algérie.
Fait à Paris le 28 août 1908.,
A. FALLIERES.
Par le Président de la République :
Le président du conseil, ministre de l'intérieur,
G, CLEMENCEAU.
Le garde des sceaux, ministre de la justice el des cultes
A. BRIAND.
Le ministre des finances, par intérim,
MILLES-LACROIX