Chambre des députés
30 janvier 1899
Discussion du budget des cultes
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M. Maurice Allard. Messieurs, ......  je me bornerai à quelques explications très brèves. D'ailleurs, il n'est question ici que d'affirmer la pensée du parti socialiste dans la question religieuse,
    La question n'est pas nouvelle. (Bruit à droite.) . En 1869 , elle figurait dans tous les programmes républicains; mais, comme beaucoup d'articles de ce programme, elle n'a jamais été exécutée, et tous les ans, à cette tribune, un membre du parti républicain et radical prenait la parole au sujet de la discussion du budget des cultes. Eu 1896, lorsque le ministère Bourgeois existait, le parti radical commença à perdre cette habitude, et aujourd'hui j'ai le regret de constater qu'alors qu'il y a dans la commission du budget une majorité radicale nous ne voyons pas encore figurer dans le projet de cette commission la réforme du budget des cultes. (Applaudissements à droite.)
    Je sais bien qu'on nous a dit que le temps manquait pour aborder les grandes réformes républicaines dans ce budget. Je le crois, en effet ; mais il me semble qu'il était bien facile d'y faire figurer, pour affirmer le principe, la suppression du budget des cultes. Si on l'avait fait. non seulement on aurait affirmé lin principe républicain, mais on aurait, en même temps, évité à notre collègue, M. Tourgnol, rapporteur, l'amertume de venir soutenir un budget qu'il serait le premier à combattre dans toute autre circonstance. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)
    La question de la séparation de l'Église et de l'État est mise en jeu dans cette discussion . Il y à quatre façons d'entendre les rapports de l'Église et de l'État. Il y a d'abord le régime qui subordonne les Églises au Gouvernement et, c'est celui qui fonctionne en Russie. Il y a celui qui subordonne le Gouvernement à la religion; ce sont les systèmes théocratiques abandonnés depuis longtemps. Il y a le régime du Concordat, celui qui nous régit aujourd'hui. Il y a enfin celui que je viens soutenir devant vous: la séparation complète des rapports entre l'Église et l'État. (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)
    Autrefois, quand on se figurait que les religions avaient une certaine importance (Exclamations à droite), on pouvait croire, avec un semblant de raison, qu'il était nécessaire que le pouvoir religieux et le pouvoir civil contractassent une espèce d'alliance dont les deux seraient appelés à bénéficier. Je crois qu'aujourd'hui ces temps sont finis, que l'Église et l'État doivent être définitivement séparés, et cela pour plusieurs raisons que je ne développerai pas, l'heure est trop tardive, mais que J'exposerai très rapidement devant vous.
    Il faut se demander, en effet, si le régime actuel qui unit l'État à l'Église n'est pas de nature à porter préjudice à la civilisation. En effet, l'Église est un ensemble de doctrines contraires à la science... (Exclamations à droite. - Applaudissements à l'extrême gauche.)
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     La religion, vous ne l'ignorez pas, a pris naissance aux premiers âges de l'homme, Alors que l'homme n'ayant aucune méthode d'investigation scientifique, cherchait l'explication de phénomènes naturels, il fut porté à donner à ces phénomènes une cause divine et surnaturelle. et il inventa une puissance supérieure faite à son image, sans l'intervention de laquelle rien ne pourrait se faire dans le monde, (Applaudissements à l'extrême  gauche.)

M. Marcel Habert, Vous confondez l'Église et la croyance en Dieu,

M. Maurice Allard. M, Berthelot, dans un de ses derniers discours - celui, je crois, dans lequel il répondait à M. Brunetière, qui venait de proclamer la faillite de la science (Bruit à droite), M. Berthelot, dis-je, s'exprimait ainsi:
    " Ce  qui distingue le dix-neuvième siècle, ce qui le caractérise déjà devant l'histoire, c'est qu'il a inauguré l'influence prépondérante de la science sur la direction des choses humaines, abandonnées jusque-là au hasard des instincts des peuples et des caprices de leurs prétendus pasteurs. " (Interruptions à droite,)

M. le comte de Lanjuinais. M. Berthelot est une autorité en chimie, mais pas en philosophie. (Très bien! et rires à droite.) .

M. Lerolle. Pasteur avait une opinion contraire.

M. Maurice Allard. Ce n'est certes pas dans un paradis imaginaire que vous devez chercher le bien-être des hommes; c'est vers la science seule que se tournent toutes les nations qui veulent le progrès et la civilisation.

M. Laurent Bougère. Demandez à M. Berthelot la science de gouverner. (Bruit à l'extrême gauche. )

M. Maurice Allard. Ne croyez pas que j'avance des faits peut-être inexacts, en parlant du conflit de la science et de la religion, Tout le monde connaît la lutte éternelle de la religion contre la science, , ,

M. Marcel Habert. Les plus grands savants sont sortis de l'Église.

M. Maurice Allard. ...... et la résistance que la religion a, en toutes circonstances. opposée au développement des idées scientifiques.

M. Lemire. C'est l'Église qui a sauvé la science au moyen âge.

M. Maurice Allard, Ce n'est pas au moment où la science fait des progrès gigantesques que nous devons lui retirer la direction des affaires humaines pour les donner à l'Église. (Applaudissements à l'extrême  gauche.)
    Voyez cet illogisme : en subventionnant l'Église, vous subventionnez des hommes - certes, je serai modéré, je n'entends attaquer personne et je respecte la liberté de conscience de chacun, - en subventionnant l'Église....
    Un membre à droite. Dites : les Églises,
 Vous avez raison, mon cher collègue.
..... "vous  subventionnez des hommes qui viennent prêcher dans leurs temples exactement le contraire de ce que vous enseignez dans vos chaires officielles,  (Interruptions à droite.)

M. le vicomte de Kérouartz. Allez-vous à l'église?

M. Maurice Allard. Alors que vous rémunérez l'instituteur pour donner aux jeunes générations les premières notions de la science, en même temps vous payez le prêtre qui du haut de la chaire détruit petit à petit ce que fait l'instituteur. (Interruptions et bruit à droite.)
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    Ces rapports, les voici. De même que, dans l'Église, vous  avez  vu un ennemi de la science, de même, en politique,  vous  la  voyez  l'ennemie constante du régime républicain. Au 24 Mai, au 16 Mai, au moment du boulangisme, dans toutes les circonstances où la République a été mise en péril,  vous avez  vu le clergé apporter son concours aux adversaires mêmes de la forme républicaine (Très bien. ! très bien ! à l'extrême gauche .)
    Eu 1892, le clergé, obéissant aux paroles du saint-père et se prétendant rallié à 1a République, venait, dans une déclaration solennelle, par l'organe même de ses premiers fonctionnaires, par l'organe des cardinaux, venait, dis-je, dans un manifeste insolent dire à la République qu'il n'acceptait  ni ses lois scolaires, ni ses lois militaires, ni toutes celles que nous avons si péniblement faites, (Interruptions à droite.)

M. Lemire. Il n'y a pas d'insolence à dire cela. Il y a bien des lois que, de votre côté vous n'admettez pas.

M. Maurice Allard. Je crois que dans de telles circonstances, l'État non seulement n'a aucun intérêt à subventionner les Églises mais que, au contraire, en leur donnant des subsides, la République ne subventionne que des hommes qui la combattent; vous fournissez bénévolement des armes à vos ennemis, (Interruptions à droite.)
    Je sais qu'on m'objecte, et probablement mon collègue M. Lemire viendra tout à l'heure discuter cette question à la tribune. ..
M. Lemire, Le Gouvernement est là, pour faire son devoir. Il soutiendra le budget des cultes,

M. Maurice Allard. Tout le raisonnement de nos adversaires, des défenseurs du Concordat actuel, tout le raisonnement de ceux  qui demandent que les prêtres continuent à être des fonctionnaires ...

M. Lemire. Ils ne demandent pas cela.

M. Maurice Allard .... consiste à dire que la Constituante, en 1790, en reprenant les biens du clergé ....

M. le comte de Lanjuinais. En les confisquant.

M. Maurice Allard. .,. a contracté avec ce clergé un engagement qui. jusque dans les âges les plus reculé,. forcerait tous les Gouvernements à verser les mêmes émoluments aux cultes, comme indemnité,
    Or, vous savez tous dans quelles conditions la Constituante a repris les biens du clergé. Ces biens appartenaient. en somme, à la nation. C'était l'opinion de M. Édouard de Laboulaye lui-même,  (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)
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M. Lerolle. On avait proposé à l'Assemblée nationale de déclarer que les biens du clergé étaient la propriété de la nation: l'Assemblée refusa de voter cette disposition et elle prit ce décret : "Les biens du clergé seront mis à la disposition de la nation à la charge par elle de subvenir au budget des cultes." (Applaudissements à droite.)

M. Maurice Allard. Nous interprétons le décret de la Constituante comme il doit. l'être..... (Réclamations à droite.)
........en disant que la Constituante, quand elle a repris ces biens
 

 et accordé une subvention au clergé, n'a entendu donner aucune Indemnité au clergé qui était non pas exproprié, car il n'était pas propriétaire, mais dépossédé de biens appartenant à la nation. (Exclamations  à droite.)

M. Lerolle. L'article 5 de la Constitution de 1791 dit que le payement du clergé est une dette nationale. (Applaudissement à droite.)

M. Maurice Allard. Et d'ailleurs l'eût- elle voulu qu'elle n'en avait pas le droit et je vais vous le démontrer.
    Le clergé, en tant que corporation, n'a jamaIs constitué une personne morale susceptible d'acquérir, d'hériter. Et à quel titre le clergé de nos jours viendrait-il revendIquer l'héritage du clergé de 1790 ? Je ne sache pas que Mgr Un Tel soit le fils, le petit-fils ou l'arrière-petit-fils, le neveu ou le cousin des archevêques précédents, des membres du clergé de cette époque. (Rire, à gauche.)
    Mais, je vais vous donner la preuve que la Constituante n'a jamais eu l'intention qu'on lui a prêtée dans les milieux attachés à l'Église.
    Cette preuve, c'est que, quelques mois plus tard, le 24 août 1790, alors qu'elle instituait la constitution civile du clergé, dans le décret qui la consacrait, la Constituante donnait aux prêtres un traitement comme fonctionnaires, à raison de leurs seules fonctions, se gardant bien de dire en aucune façon - ce qui aurait été de circonstance - que ces traitements étaient donnés comme une indemnité des biens rendus à la nation.
    J'en trouve encore d'autres preuves dans les légIslations qui ont suivi celle de la Constituante. J'en trouve une, notamment, dans la légIslation de l'an III, qui proclama la séparation complète de l'Église et des cultes; car à partir de l'an III le clergé ne fut plus salarié.
    A cette époque, le Gouvernement, sachant bien que la Constituante n'avait jamais eu les Intentions que vous lui prêtez, n'a pas soulevé les difficultés qu'on soulève aujourd'hui au sujet de la suppression des émoluments accordés aux prêtres. De l'an III Jusqu'au Concordat, la liberté des cultes exista en France à la satisfaction de tous, et surtout des républicains ; car l'Église alors, abandonnée à elle-même, était tombée pour ainsi dire dans un marasme presque complet. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

M. Lemire. Donnez-nous la liberté d'association, et vous verrez !

M. Maurice Allard. Et c'est précisément parce que l'Église, abandonnée à elle- même, ne participait plus au prestige du pouvoir et ne touchait plus les salaires qu'on lui servait autrefois, qu'elle était presque sans vie.

M. Savart de Beauregard. On l'avait guillotinée. (Bruit.)

M. Maurice Allard. Quand, en 1801, le Gouvernement fit des avances au saint-père, le pape accepta que l'Église fût humiliée dans le Concordat et acquiesça aux offres du Gouvernement parce qu'il comprenait que l'Église ne pouvait pas vivre plus longtemps sans l'appui du Gouvernement. Elle serait morte dans son isolement. Une autre preuve qu'il ne s'agit pas d'indemnité accordée au clergé, c'est que, s'il s'agissait d'une indemnité, elle ne figurerait pas au budget des cultes, mais biens à la dette publique.

M. Lemire. C'est là sa place; elle devrait y être.

M. Maurice Allard. Jamais, même sous la Restauration, les sommes allouées au clergé n'y ont figuré. Elles figurent au. budget des cuItes, que nous discutons tous les ans. Cela veut dire que nous avons le droit de les supprimer comme nous avons celui de. supprimer le traitement de n'importe quel fonctionnaire (Applaudissements à gauche);  car les prêtres tiennent leur existence comme fonctionnaires du Concordat seul.

M. Savary de Beauregard. Ce ne sont pas des fonctionnaires!

M. Maurice Allard. Le Concordat leur reconnaît cette qualité de fonctionnaires par toutes les obligations auxquelles elles soumet, par l'obligation du serment, par le traitement même qu'il leur sert. Dans les articles organiques qui sont le complément du Concordat et qui constituent une sorte de règlement d'administration publique qui vient expliquer et commenter le Concordat, nous voyons à l'article 70 que les prêtres qui cesseraient de remplir leurs fonctions seraient privés de leurs appointements. Le caractère de fonctionnaires leur appartient donc. Les émoluments que nous leur servons chaque année sont de même nature que ceux que nous servons aux préfets et sous-préfets.
    Avons-nous intérêt à continuer à servir ces émoluments ?. Je ne le crois pas. Je ne saurais considérer l'Église, en effet, comme je l'ai déjà dit, que comme une ennemie non seulement de la science, mais encore du régime républicain.
    Il y a des économies qu'on doit faire comme le rappelait M. Gayraud dans la discussion générale du budget. Je crois donc que vous saisirez cette occasion de faire une économie qui est justifiée avant tout par une cause morale,
    Je sais bien que parmi nous il en est qui, dégagés de toute espèce de préjugés religieux aussi bien que moi-même, croient nécessaire de continuer à faire vivre une religion parce que, comme le disait le général du Monde où l'on s'ennuie, " il est besoin d'une religion pour le peuple ", Ceux-là voient dans la religion un frein; ils savent quel est l'effet de la pratique constante de la religion catholique et de toutes les religions, qui est d'abaisser les caractères, (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche. - Vives réclamations à droite.)
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 M. le président. Monsieur Allard, vous savez que toutes les opinions peuvent être apportées à cette tribune; je vous prie cependant de faire en sorte de ne pas froisser la conscience de vos collègues. (Très bien ! très bien !  -  Bruit  à droite.)
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M. Maurice Allard. Je l'ai dit au début : mon intention n'est pas de blesser qui que ce soit, et je suis, plus que quiconque, respectueux de la liberté de conscience. Libre à chacun d'avoir les convictions qui lui font plaisir. Si j'ai dit : abaisser les caractères, c'est une expression inexacte. Je retire loyalement le mot ; je n'ai pas voulu dire: abaisser les caractères au point de vue où vous l'entendez ; j'ai voulu parler d'une sorte d'affaissement de la volonté qui rend l'homme plus mou et moins déterminé devant les circonstances économiques de la vie, dans 1a lutte pour l'existence; qui lui fait oublier la recherche, de son bien-être quotidien par les moyens humains pour aller le chercher dans un paradis que nous considérons comme une chimère. (Interruptions.)

M. Fernand de Ramel. Vous oubliez que la religion catholique a brisé les chaînes des esclaves. (Très bien! très bien! à droite.)

M. Maurice Allard. Je ne veux pu entrer dans une longue discussion au sujet des religions. Si j'avais voulu, je vous aurais montré le rôle véritable du catholicisme depuis ses origines. (Interruptions à droite.) Je l'aurais mis en opposition avec les religions anciennes, et je vous aurais montré que peut-être cette religion n'est pas celle qui représente l'esprit aryen, c'est-à-dire les traditions de nos ancêtres. (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs). Je disais que beaucoup de personnes, dégagées peut-être de ce que nous appelons les préjugés religieux, croyaient qu'il était nécessaire de conserver la religion comme un frein, et cela parce qu'elles pensent que des hommes religieux, que des hommes habitués à accepter d'une divinité supérieure les biens qu'ils sont en droit d'attendre de la société, doivent être moins prompts à réclamer leur part de bien-être sur un autre terrain et à lutter moins vigoureusement pour la conquête de leurs droits dans cette vie même. Ce n'est pas à ces personnes que je m'adresse, mais aux hommes de science et de civilisation; je leur demande de parcourir toute l'histoire de l'Église depuis sa fondation jusqu'à nos jours, de se rendre compte de son œuvre, souvent de haine, anticivilisatrice, basée sur les idées les plus contraires à la raison. (Interruptions à droite. - Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

M. Savary de Beauregard. Quels ont donc été les premiers pionniers de la civilisation ?

M. Maurice Allard. Je leur demande, dis-je, de parcourir l'œuvre des religions de bonne foi, et à ceux-là, aux véritables républicains, je demande s'il est encore admissible que la République continue plus longtemps à subventionner ceux qui combattent la science et ses principes. Je suis sûr que tous les républicains qui n'ont pas oublié leur programme d'antan seront d'accord avec nous pour voter la suppression du budget des cultes. Il y a en ce moment une économie à réaliser; 44 millions, ce n'est pas à dédaigner. Et je suis certain que vous voterez cette économie, parce que vous considérerez qu'elle est motivée par des raisons morales comme celles que je viens d'avoir l'honneur de développer devant vous. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)
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M. Camille Pelletan rapporteur général  .... Nous avons allégué un motif pour justifier le budget que nous apportons. Nous avons dit, en ce qui touche les réformes administratives, que nous n'avions pas eu le  temps de les étudier, et quand nous l'avons dit, tous les hommes de lionne foi ont reconnu que nous disions la vérité. (Très bien! très bien! à gauche.) Mais cette observation ne s'applique pas à des mesures de prévision telles que la séparation des Églises et de l'État.
    Quand nous avons été on présence des questions de principes de cette nature, que s'est-il passé dans la commission du budget?
    Exactement ce qui se passe aujourd'hui. Aucun de ceux d'entre nous qui étaient opposés, soit au maintien des sous-préfets, soit au maintien des commissaires de police actuels, soit à la suppression du budget des cultes, n'a abandonné ses opinions au moment du vote; c'est ainsi que la plupart de ces questions n'ont été tranchées qu'à une ou deux voix d'écart. ( Vifs applaudissements à gauche )

M. René Viviani. Il aurait mieux valu soutenir les réductions dans le rapport! (Très bien! très bien ! sur divers bancs,)

M. le rapporteur général. Mon ami, M. Viviani. me permettra de lui demander depuis quand on fait des rapports pour défendre les votes de la minorité, ne serait- elle que d'une ou deux voix. (Très bien ! très bien! à gauche,)
    Un membre à droite. Dans ce cas, on n'accepte pas de faire le rapport.

M. le rapporteur général. ......., je demande à l'auteur de cette interruption s'il estime que les considérations décisives à propos du budget de 1899 tel qu'il se présentait pouvaient être dans cette question particulière d'ordre politique qui revient devant la Chambre tous les ans.
    Oui. c'est à une voix d'écart que la commission a adopté le budget des cuItes.

M. Joseph Caillaux. Nous n'étions dans la commission que quatorze modérés contre dix-neuf radicaux !
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M. Camille Pelletan , rapporteur général. Le rapporteur était de notre avis sur le fond de la question. (Interruptions à droite.) Et si l'on trouve la chose singulière, je rappellerai qu'elle n est pas sans précédent; elle se reproduit presque tous les ans,
    Qu'est-ce que cela prouve? Que le parti républicain est dans une situation si fausse en présence du budget des cultes qu'on a peine à trouver, pour le défendre, un des républicains qui le votent.
    Je ne veux pas prolonger ces explications. Je voulais simplement dire à la Chambre qu'aucun de nos amis radicaux de la commission du budget n'accepte l'accusation d'avoir manqué à aucune de ses convictions anciennes. On pourra renouveler celle accusation tant qu'on voudra. Forts de notre conscience et de nos actes, nous serons en mesure de ne pas la redouter, et nous 1a subirons, sans essayer de représailles qui pourraient troubler quelquefois l'union établie entre les plus ardents serviteurs de la démocratie.
    J'ajoute que M. le président de la Commission et moi, qui pouvons nous considérer, d'ordinaire, comme tenus à ne pas contredire directement par notre vote les décisions de la commission du budget, quelle que soit notre opinion personnelle, nous pouvons évidemment revendiquer devant un problème de cette nature le droit de dégager toute notre conviction; ce n'est pas de notre côté qu'on trouvera personne pour voter le budget des cultes. (Très bien! très bien! sur divers bancs à l'extrême gauche et à gauche. - Exclamations ironiques à droite.)
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M. Tourgnol, rapporteur. ...... Quant à certains de nos collègues de l'extrême gauche, je suis très surpris de les entendre me reprocher d'avoir accepté de rapporter les cultes. L'honorable rapporteur général du budget vous a fait connaître quelle avait été notre situation, Quand mes collègues m'ont désigné pour rapporter le budget des cultes, je n'ai nullement renoncé à mes opinIons personnelles ni aux promesses que j'ai dites à mes électeurs. (Mouvements divers.)
    A droite. Alors, vous voterez contre votre rapport?
M. le rapporteur.  Mes éIecteurs m'ont  demandé  dc  poserer la question de la séparation des Eglises et de l'Etat. Je l'ai posée a la commission du budget. Cette proposition a été repoussée à une voix seulement de majorité.

M. Berton. Alors, il y a de faux bonshommes parmi tes radicaux?

M. le rapporteur. Je ne sais pas s'il y en a dans 1a commission du budget, mais j'en connais plus d'un (l'orateur désigne la droite) sur les bancs de ce côté de 1a Chambre. (Mouvements  divers.)
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    Je suis un partisan sincère et absolu de la  séparation des Églises et de l'État J'ai pour cela plusieurs raisons, et notamment celles qu'a fait valoir M. Allard. Je suis partisan de cette séparation, mais je reconnais qu'en l'état actuel il n'est pas facile de la faire par voie budgétaire. (Interruptions à l'extrême gauche.)

M. Simyan. Nous ne pouvons cependant 1a faire que comme cela.

M. le rapporteur. Eh bien! nous la ferons comme cela si la Chambre le veut, et moi je la voterai des deux mains.

M. Jourde. En cc qui concerne le budget des cultes, que nous conseillez vous de faire? De voter pour ou de voter contre sa suppression?

M. le rapporteur. Je vous conseille de suivre votre conscience et votre programme, mais je vous conseille aussi de faire une loi sur les associations. (Très bien ! très bien ! sur divers  bancs.)

M. Simyan. Nous l'attendons depuis vingt ans!

M. le rapporteur. Quand cette loi sera votée, vous pouvez être assurés, mes chers collègues, que Ia séparation des Églises et de l'État sera bien vite faite.
    C'est du reste l'opinion d'un homme dont vous ne pouvez certainement pas suspecter le républicanisme, de M. Goblet, qui a demandé une loi sur les associations. Notre ami Léon Bourgeois l'a réclamée également. (Bruit,)
    Les dernières élections. d'ailleurs, nous ont donné une indication dont personne ne saurait méconnaître la portée.
    A la dernière consultation du suffrage universel, la question de la séparation des Églises et de l'État a fait un grand pas. (Dénégations sur divers bancs. - Interruptions à droite.)
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M. le rapporteur. [à propos du montant des biens de mainmorte. ] ..... Je suis au-dessous de la vérité parce que les sommes énormes que vous dépensez, que les jésuites et les cléricaux dépensent pour faire la guerre à la République, indiquent que vous avez des ressources bien plus puissantes encore que celles que nous connaissons. (Très  bien!  très bien! à l'extrême gauche.)
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    Si l'État recouvrait cette fortune dont il est le propriétaire légitime et unique, il y aurait là de quoi payer, sur les revenus, la moitié du budget de la guerre; il y aurait de quoi, si on le préférait, diminuer les impôts de 300 millions au moins, ou encore assurer aux instituteurs le traitement minimum de 1,800 fr. que nous réclamons pour eux.
    Je demande aussi à M. le ministre de ramener le clergé à l'obéIssance complète le la loi en ce qui concerne la comptabilité des fabriques.. (Très bien ! très bien! à gauche. )

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