La Croix du 22 décembre 1906

Séance du vendredi 21 décembre 1906 à la Chambre

    Séance à 2 heures, M. Brisson préside.
    Beaucoup de monde dans les tribunes publiques; au banc des ministres, où se fait attendre un long moment M. Briand, ont pris place MM. Clemenceau, Picquart, Barthou, Doumergue, Caillaux, Thomson, Simyan, Sarraut, c'est à dire la plus grand partie de l'équipe.
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    L'ordre du jour appelle la discussion sur
    L'exercice public du culte
    La parole est à M. Lasies.
    M. Lasies. - Au nom de quelques-uns de mes collègues et au mien, je demande à la Chambre la permission de lui donner lecture d'une courte déclaration.
    L'article 1er de la loi de séparation de 1905 affirme le principe de la liberté de cultes, mais les articles suivants vont directement contre ce principe.
    Le projet nouveau aggrave encore cette situation, en édictant la spoliation brutale et complète, et la violence contre toute liberté. Nous nous refusons à prendre part à cette discussion.
    Vous vous plaisez à répéter souvent qu'il n'y a pas de liberté sans république, mais vous devriez vous souvenir aussi qu'il n'y a pas de République sans liberté.
    Nous étions prêt à rechercher avec vous les moyens d'assurer la paix publique dans l'ordre et le respect de tous les droits. (Rires ironiques à l'extrême gauche.)
    Mais nous refusons à vous suivre, quand vous entendez dresser la République contre la justice et la liberté des consciences. (Vifs appl. sur divers bancs au centre et à droite.)
    A l'extrême gauche. - La clôture ?
    La séance continue.



La Croix du 23 décembre 1906

Séance du vendredi 21 décembre 1906 à la Chambre (suite)

M. Raiberti. - Je suis de ceux qui ont voté contre la séparation.
    Aujourd'hui, on nous demande de légiférer à nouveau sur cette question.
    Avec beaucoup de mes amis, j'estime que l'État n'avait rien à perdre à reconnaître en dehors de lui-même un pouvoir ayant un domaine propre, celui des consciences et de la croyance religieuse.
    Il n'eût point été en désaccord avec lui-même, avant de légiférer sur des questions touchant à ce domaine, s'il était entré en conversation avec le pape. (Bruit à l'extrême gauche)
    C'était là la voie facile de régler la situation.
    Nous avons pris la voie difficile, celle de légiférer seul, mais alors notre devoir était de trouver la solution de la plus rigoureuse équité et de la plus stricte justice.
    Il est à regretter que Rome n'ait pas cru pouvoir accepter les faveurs inscrites dans la loi de 1905 et que l'État y avait inscrites d'ailleurs en vertu de sa propre puissance et dans son propre intérêt.
    Si nous voulons que la législation actuelle n'ait pas la même fragilité que la précédente, il importe d'y introduire toutes les conditions de nature à donner satisfaction aux légitimes sentiments des catholiques.
    Or il est incontestable que le projet dont nous sommes saisis soulève de graves objections tant au point de vue de la durée de la jouissance gratuite des édifices du culte, qu'en ce qui concerne les conditions de cette jouissance et le sort réservé aux biens des anciennes fabriques.
    La loi de séparation a été faite pour séparer l'Église de l'État, et, dans les conditions du projet, si plusieurs associations se forment pour réclamer l'usage d'un même édifice, c'est le préfet, pour les édifices appartenant au département, c'est au maire pour ceux qui sont la propriété des communes, qui deviennent les dispensateurs du culte, les juges en matière religieuse. (Appl. sur divers bancs.)
    Vous savez bien pourtant qu'il n'existe pas de ministre du culte catholique en dehors de ceux qui se soumettent à la hiérarchie catholique. (Bruits à l'extrême gauche.)
    Dès lors, une addition s'impose à votre texte pour permettre à tout ministre du culte réclamant la jouissance d'une église, l'obligation de présenter au préfet ou au maire un certificat de l'autorité ecclésiastique attestant qu'il est en communion avec elle. (Très bien; sur divers bancs au centre et à droite.)
    Les conditions mises à la jouissance des édifices du culte aboutissent à l'abandon et à la ruine des églises.
    Quant aux biens des anciennes fabriques et des menses, ils ont toujours appartenus aux catholiques; de quel droit les leur retirerait-on , pour les mettrait-on, en supprimant leurs ressources, dans l'impossibilité d'exercer librement leur cule. ( Très bien au centre et à droite. - Bruit à l'extrême gauche)
    Lors des débats sur la loi de 1905, M. Briand retenait la nécessité de ces biens pour assure l'exercice du culte; les reprendre aujourd'hui serait non seulement une spoliation, mais le démenti absolu du principe fondamental de la loi de 1905, qui proclame la liberté complète de l'exercice des cultes. (Vifs appl. sur divers bancs.)
    Il eût suffit à l'Église, si elle l'avait voulu, d'un mot pour conserver, avec la loi de 1905, les biens dont il s'agit; si elle n'a pas dit ce mot, c'est qu'elle ne le pouvait pas. ("elle n'a pas voulu le faire" J.O.)
    Sa force n'est point dans la richesse ostensible, elle est née en effet, elle a grandi dans les assemblées de pauvres et d'esclaves.
    Sa force n'est même pas dans sa hiérarchie qui a renversé celle des Césars, elle est dans la doctrine qu'elle prêche, elle est dans l'Évangile. (Appl. sur de nombreux bancs)
    Les François d'Assise, les Vincent de Paul ont fait plus pour elle que toutes les richesses du monde.
    Vous n'avez pas le droit, vous État dont le devoir est d'être un honnête homme (Appl. au centre et à droite), vous ne pouvez pas prendre aux catholiques ce qui est à eux, bien à eux, rien qu'à eux. (Appl. sur les mêmes bancs, violentes interruptions à l'extrême gauche.)
    Vous ne voulez pas, dites-vous, aller à Canossa ? Vous ne voyez pas que vous que vous y allez en ce moment même en acceptant des mesures qu'hier vous déclariez détestables.
    Il y a bien assez, sur cette terre, de souffrances et de larmes pour que vous puissiez y laisser subsister au moins une parcelle d'espérance.
    Ne permettez pas qu'on puisse dire un jour que la République a éteint le double flambeau de la liberté et de la justice. (VIfs appl.)

    M. Ribot. - Nous avons à prendre de grandes responsabilités.
    La loi qu'on nous apporte est visiblement une de ces lois improvisée qu'on regrette aussitôt après les avoir mises debout.
    Je me rends compte des difficultés où se trouve le gouvernement, en particulier le ministre des cultes, et qui ne viennent pas seulement de Rome.
    M. Briand,  ne déclariez-vous pas l'autre jour, que les églises resteraient ouvertes pendant un an, qu'il ne serait pas touché aux biens des établissements ecclésiastiques, qu'il serait institué un modus vivendi susceptible de maintenir la paix en ce pays ?
    Et voilà maintenant qu'on nous apporte un projet qui fait de la disparition des biens l'essence même de la situation nouvelle.
    Avez-vous pensé que cette formalité de déclaration fût une condition essentielle de la loi ? Singulier pays, où il faudrait que les citoyens fussent toujours sur le chemin de la préfecture de police (Longs appl.)
    Quand on  a discuté la loi sur les syndicats professionnels, j'ai demandé ici qu'on ne leur imposât pas cette formalité ridicule et vexatoire de la déclaration qui ne signifie rien du tout.
    Et parce que le pape a dit un mot, qu'il a recommandé de ne pas faire cette déclaration inutile et ridicule, vous abandonnez tous vos principes, toute votre politique au risque de jeter dans le désordre et la discorde le pays tout entier.
    Croyez-vous que le Pape ne se rende pas compte de ce qui se passe, que le clergé ne soit pas un clergé français, sorti des masses profondes du peuple, et qu'il ne serait pas utile de laisser une année de délai pour l'œuvre d'apaisement de donner au Pape le temps de se rendre compte des dangers que pourrait courir l'Église elle-même ?
     Vos amis d'extrême-gauche me l'ont dit: tout votre projet tient pour eux dans la confiscation des biens.
    M. Briand. - Nous avons fait ce que la droite et vos amis nous demandaient.
    M. Ribot. -  Eh bien, s'il en est ainsi, retirez votre projet. (Hilarité.)
    Vous allez entrer dans l'engrenage où vous vous défendiez de vouloir vous jeter, vous allez exiger demain les déclarations auxquelles vous avez dû renoncer, et votre projet porte que, si elles n'ont pas lieu, les églises seront fermées au bout de six mois.
    M. Briand. - Il se fait des déclarations partout.
    M. Ribot. - Cela, c'est de la comédie (Longs appl.) quand on sait que les déclarations sont faites par le premier venu, par le pire des anticléricaux (Nouveaux appl.)
    L'orateur déclare ensuite que le texte relatif à la concession de jouissance des édifices du culte est d'une obscurité telle que n'en présente en France, aucun texte de loi, d'une ambiguïté qui ne permettra à personne de la comprendre.
    Ce fameux article 4 de la loi de 1905, qui donne naissance à tant de polémiques, disparaît dans la tourmente et, de ce fait, l'attribution des églises aux vrais prêtres, aux vrais catholiques, ne sera plus assurés, elle ira à ces passants qui, comme vous le disiez tout à l'heur, feront la déclaration exigée par vous. (Vifs appl.)
    Sera-ce là cette attribution "de bonne foi" dont parlait au Sénat M. Clemenceau ?
    Vous mettez le maire en situation de retirer à son gré la jouissance de l'église au cas où les conditions ministérielles mêmes que vous imposez n'empêcheraient pas les catholiques d'en accepter l'attribution.
    Est-il digne de vous, d'un gouvernement, de répondre à un geste du Pape, en le qualifiant de provocation, par des lois à jet continu, au lieu de rester fidèle à lui même, à une politique de pacification nationale ?
    A ce jeu-là, le gouvernement perd son autorité et risque de se briser. (Appl. sur de nombreux bancs.)
    M. Briand,  ministre des Cultes. - L'attitude que nous imposé la manière d'agir du Saint-Siège a été prévue et mûrement délibérée.
    Sous le précédent ministère, déjà, nous avions prévu les diverses étapes par lesquelles le Saint-Siège nous forcerait à passer pour assurer l'exécution de la loi.
    Nous avons fait au clergé et aux catholiques français la part de tous les droits. J'ai apporté ici des appels à leur conscience, à leur sagesse, à leur patriotisme.
    Ils ont préféré obéir à des ordres injustifiables et je ne suis pas sûr encore, à l'heure actuelle, que mes paroles n'aient pas retenti dans leurs cœurs.
    M. de Gailhard-Bancel. - Vous les dépouillez cyniquement ! (Appl. au centre et à droite.)
    M. Briand. - On ne sait pas par quels moyens, pendant ces trois derniers mois, Rome a pesé sur eux. (Appl. à l'extrême gauche, bruit aux autres bancs.)
    Nous leur avions apporté ce qu'ils avaient demandé ici par leurs représentants : le droit de 1881, nous le leur donnions même privilégié. (Exclamation sur divers bancs.)
    Ces lois ont été discutées par des jurisconsultes et approuvées par le Conseil d'État.
    Nous n'avons pas eu besoin de recourir à la force.
    M. de Rosambo. - Vous avez mobilisé les régiments.
    M. de Ramel. - Et la brutalité des inventaires, qu'est-ce c'était ?
    M. Briand. - J'avais dit ici nos sentiments de conciliation, reconnaissant que l'Église n'avait point violé la loi en refusant de constituer des associations cultuelles; on n'a pas voulu nous entendre.
    Quoi qu'en pensent M. Raiberti et M. Ribot, nous n'avons point le projet d'abolir l'espérance et la consolation au coeur des hommes, pas plus que nous regardons la situation comme grave, comme très dangereuse; au contraire, la situation est excellente. (Appl. à l'extrême gauche)
    Il y a huit jours que la séparation, jadis considérée comme une mesure redoutable, est appliquée dans son ensemble, et tout reste calme. (Exclamation sur divers bancs.)
    Mais une œuvre, quand on la juge saine, il faut la conduire jusqu'au bout, alors qu'on sait qu'on a derrière soi le pays, l'immense majorité même des catholiques, sur lesquels certaines excitations n'ont plus de prise. (Appl. à l'extrême gauche)
    Je suis surpris de voir un homme de gouvernement comme M. Ribot s'étonner qu'un gouvernement fasse appliquer la loi dans toutes ses prescriptions. (Appl. à l'extrême gauche)
    Qu'en une question dogmatique de principe de principe, le Pape ait donné au clergé et aux catholiques français un ordre ou une indication, nous n'avons pas à prendre souci.
    Mais qu'en toute autre question, alors que tout le clergé et une grande partie des catholiques étaient prêts à accepter la loi, le Saint-Siège leur ait imposé l'inaction, au risque de violer la loi, cela nous ne le pouvions souffrir. (Appl. à l'extrême gauche)
    Le ministre, incidemment, vient à parler des conditions où il s'est trouvé vis-à-vis des archevêques et des évêques.
    Voix à droite. - Vous les avez expulsés, même les vieillards comme le cardinal Richard!
    M. Briand. - Je vais m'expliquer.
    Le gouvernement avait donné des ordres en ce qui concerne tous les évêques vieux ou malades, pour que tous les  délais demandés par eux pour quitter leurs palais fussent accordés.
    Les malheureux ont eu tellement peur de s'attirer les foudres de Rome, qu'un certain nombre d'entre eux m'ont supplier de les faire expulser immédiatement. (Protestations unanimes au centre et à droite. - Huées à l'extrême gauche.)
    Le ministre poursuit dans les bruit.
    M. Denys Cochin. - C'est une infamie !
    M. Brisson. - Je vous rappelle à l'ordre !
    M. Briand dit que le gouvernement avait accordé au cardinal Richard un ajournement indéfini.
    Ce n'est que sur l'avis de M. Denis Cochin, que l'état de santé du cardinal était meilleur, que la sommation du commissaire de police a eu lieu et que le cardinal a quitté l'archevêché.
    Mais il n'empêche qu'un certain nombre d'évêques ont sollicité du gouvernement leur propre expulsion immédiate dans la crainte d'être suspect à Rome. (Appl. à l'extrême gauche)
    M. Denys Cochin. - M. le ministre a bien voulu dire qu'il avait confiance en ma loyauté; jeudi soir, informé déjà que le cardinal, malade comme on le sait, acceptait de venir chez moi, je lui demandais s'il me permettait de solliciter en son nom un délai du gouvernement : il me répondit : "Je vous le défends absolument."
    Le lendemain, interrogé par moi, M. Briand me dit que le cardinal Richard devait quitter l'archevêché samedi ou lundi.
    M. Clemenceau sait bien qu'aucune démarche n'a été faite pour demander un délai.
    M. Clemenceau. -Je sais que le préfet de la Seine m'a dit qu'elle avait été faite. (Appl. à l'extrême gauche)
    M. Denys Cochin. - Pas par moi, et par aucun autre au nom du cardinal, et je me suis senti emporté par l'indignation jusqu'à crier : "C'est une infamie !" quand tout à l'heure on a osé me présenter comme l'interprète d'une demande qui n'a jamais été faite (appl. à droite) et je proteste à nouveau de toutes mes forces.
    M. Briand. - J'ai tenu à montrer quelle force avait pesé sur le clergé et les fidèles catholiques pour empêcher les déclarations cultuelles qui étaient prêtes partout. (Protestations sur de nombreux bancs)
    Il n'est pas possible que nous acceptions de subir cette situation humiliante où, pendant un an, nous ont tenus les catholiques en nous disant : "Nous ne voulons que la liberté, ne prétendez pas nous tenter avec nos biens, nous préférons la pauvreté dans la liberté." (Appl. à gauche et à l'extrême gauche) Vous savez bien, Monsieur Ribot, ce que veut Rome.
    M. Ribot. - je n'ai point de conversation avec Rome. (Bruit à gauche)
    M. Briand. -  Ce que le Pape veut, c'est que nous entrions en pourparlers avec lui; cela nous ne le voulons pas, car ce serait mettre les lois de la république avec les exigences de Rome, conduire le pays à la guerre civile. (Appl. à l'extrême gauche)
    Voix diverses. - Tous les pays civilisés s'entendent avec Rome.
    M. Briand. -  Rome espère nous voir aboutir à la persécution, aux violences.
    Vain espoir : la persécution, la violence, les représailles, consistent simplement à empêcher le clergé à sortir de la légalité.
    Sans doute, les représailles sont dans l'esprit de certains membres du parlement, qui ont pu garder quelques souvenirs désagréables de la bataille électorale où ils ont eu à lutter contre le clergé clérical .( Appl. et rires en sens divers.)
    mais on légifère pour le pays, non pas pour quelques uns, et qu'on dise si, depuis huit jours que la loi de séparation est appliquée, l'exercice du culte n'est pas libre.
    Nous vous protégeons de toutes façons par une législation spéciale, vous catholiques, que voulez-vous donc ? (Appl. répétés à l'extrême gauche)
    Vous réclamez la liberté d'association, dans la loi 1901, je vous l'apporte à cette tribune, la voilà, et vous la refusez ? (Exclamations au centre et à droite.)
    Vous protestez, Monsieur Ribot, que nous voulons que ce soit le maire qui fasse le curé, déjà vous distinguez entre curé et curé, et vous voulez que nous remettions ici une définition après laquelle, comme précédemment, on demandera de quel droit nous prétendons agir en pareille matière.
    Mais vous le savez bien, le maire ne peut pas disposer d'une église pour un culte quelconque : si des citoyens, des catholiques, se trouvent lésés par la mise à disposition d'une église en faveur de telle ou telle association, de tel ou tel prêtre, il y a les tribunaux, ils s'y adresseront. (Exclamations et appl. en sens divers.)
    Votre amendement, Monsieur Ribot, ne contenterait pas Rome.
    M. Ribot. - Je légifère pour la France !
    M. Briand. - A mes amis je dis que la situation est grave.
    M. Binder. - Vous la disiez tout à l'heure excellente ? (Exclamations et rires)
    M. Briand. - Je dis à mes amis de garder leur sang froid, de nous indiquer en quoi certains d'entre eux prétendent que notre politique a pu être dangereuse.
    Nous n'avons pas la prétention d'apporter d'apporter même aujourd'hui une législation définitive. (Bruit.)
    Mais il ne convient pas au gouvernement de jouer plus longtemps à cache cache avec un adversaire qui se retire à mesure qu'on lui consent une concession.
    Nous ne voulons pas rester un an encore sous un régime de liquidation inacceptable, car vous le savez bien, Monsieur Ribot, que le Pape ne se résoudra pas demain à ce qu'il a refusé jusqu'ici.
    Ayons donc confiance dans les maires, dans les municipalités, dont nous demandons l'intervention dans l'œuvre de liberté que nous tentons.
    A vous, nos amis, nous réclamons votre concours fraternel pour faire cette œuvre; nous vous demandons d'accepter notre projet dans son ensemble, sous réserve des modifications de détail que vous jugerez de nature à l'améliorer.
    Sur cette péroraison, assez maigrement applaudie à l'extrême gauche, le ministre descend de la tribune. ( Le compte rendu de séance du J.O. précise : Vifs applaudissements à gauche, à l'extrême gauche et sur divers bancs du centre.)
    Après le refus d'une suspension de séance qui était réclamée sur de nombreux bancs, la parole est à M. Piou.
    Mais la gauche, qui a voté la continuation de la séance quitte la salle en masse. (Non signalé dans le compte rendu du J.O.)
    On proteste au centre et à droite contre cette indécente manifestation, et on réclame à nouveau une suspension que M. Brisson n'a garde de mettre aux voix.
    M. Piou. - M. le ministre nous a dit que la situation est excellente, nous avions besoin d'être rassuré, car hier soir, M. Clemenceau déclarait que, depuis trente-six ans, la situation n'avait jamais été aussi terrible (Rires)

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    M. Ribot a dit avec une haute éloquence au milieu de quelles difficultés politiques se lançait le gouvernement.
    Je voudrais à mon tour, chercher les origines du projet qu'il nous apporte.
    Il ne s'agit point de représailles, dit M. Briand, mais de faire succéder, à la longanimité que l'Église n'a pas voulu apprécier, une fermeté qu'on espère efficace.
    Et pourtant, dès le lendemain de l'Encyclique, vous avez crié à la rébellion du Pape; puis, au bout de  trois mois, devant votre échec lamentable, vous avez changé d'attitude et fait de nouveaux appels à la conciliation.
    En désespoir de cause, M. Briand s'est résolu à faire pour les catholiques un nouveau statut légal en prétendant leur imposer une déclaration que ni la loi de 1905, ni celle de 1881 ne comportait (Appl.)
    Puis il s'est avisé qu'un amalgame de ces deux lois et de celle de 1901 serait préférable encore et il en a fait, à lui sel, une loi contre les catholiques; ne pouvant obliger l'Église à accepter ses fantaisies légales, il prépare de nouvelles chaînes.
    Mais ce que le consul ou le questeur romains pouvaient prendre des décrets ayant force de loi pour tous les citoyens, un ministre de la troisième République n'est pas en mesure de le faire. (Appl. et rires.)
    Impuissants à triompher du droit et de la plus grand force morale du monde, vous vous retournez vers vos amis de l'extrême gauche.
    Comme l'a dit le président du Conseil, vous avez tiré un coup de canon, mais ce coup de canon avait seulement pour objet de couvrir la retraite (Rires.)
    L'orateur montre ce qu'a d'intolérable un système qui met la liberté du culte aux mains d'un maire qui peut souvent être l'adversaire le plus violent du curé.
    Qu'est-ce que ce régime, sinon la persécution organisée ? (Vifs appl. sur divers bancs.)
    C'est en vain d'ailleurs, que le gouvernement prétend insidieusement séparer, du Pape, leur chef, le clergé et les catholiques de France. Il n'y réussira jamais (Nouveaux appl.), son fameux coup de canon n'a abouti qu'à renverser les combinaisons où il prétendait enserrer l'Église.
    Vous voulez, dites-vous, la paix religieuse : ce n'est pas en nous offrant une liberté mutilée, pleine de pièges et d'embûches, que vous la ferez, c'est en vous entendant loyalement avec Rome, pour nous la donner entière, avec le respect de la propriété de nos biens et des droits de nos consciences.
    Hors de là, il n'est que guerre et désastres. (Appl. sur de nombreux bancs)
    L'extrême-gauche, dont un certain nombre de membres sont rentrés peu à peu, crie "Clôture ! clôture!"
    M. Barrès parle contre la clôture.
    Sous couleur de guerre au cléricalisme, c'est la guerre au catholicisme qu'on fait.
    Pour moi, je me mêle au rangs des défenseurs du catholicisme, non parce que je suis un ardent pratiquant, pas même par principe de liberté, mais par patriotisme, parce que la diminution du catholicisme est la ruine de la mentalité française elle-même. (Vifs appl.)
    Et je dis aux socialistes eux-mêmes que le jour où les grands principes de l'Évangile qu'ils ont décalqués à l'appui de leurs doctrines, viendrait à disparaître, eux-mêmes ne seraient plus pour le public que comme un clergé de sinistres raseurs. (Longue hilarité.)
    Ils seraient les premiers à reculer d'horreur devant leur œuvre de destruction. (Appl. au centre et à droite.)
    Après la lecture par M. de Lanjuinais, d'une protestation qu'il présente au nom d'un grand nombre de ses collègues de droite, la clôture est prononcée.

L'urgence
Le passage aux articles

    M. Brisson. - Le gouvernement et la Commission demandent l'urgence.
    A mains levées, l'urgence est votée.
    M. Plichon donne lecture de la déclaration du groupe de l'Action libérale refusant de discuter une loi de spoliation et de persécution.
    M. Coutant.- Tant mieux !
    M. de Ramel demande à expliquer son vote.
    M. Brisson. - Vous aurez la parole au moment du scrutin sur l'ensemble du projet. (Très bien ! à l'extrême gauche)
    Le passage à la discussion des articles est mis aux vois. Il est adopté par 410 voix contre 141 (445 contre 117 au J.O.)
    Les articles
    Il est 6h 50 et de nombreux membres demandent le renvoi à demain, mais l'extrême-gauche, décidée à en finir, refuse tout délai.
    L'article 1er est mis en discussion. (On en trouvera ci-dessous le texte.)
    M. de Ramel élève une protestation énergique contre ces dispositions qui consacrent le régime de la confiscation, l'instabilité du principe supérieur de la liberté religieuse et l'absence de toute garantie en ce qui concerne les droits primordiaux de tous les citoyens.
    Ces contestations gênent fort, paraît-il, l'extrême gauche, qui ne cesse de les interrompre de grognements et d'interruptions bruyantes.
    La majorité, conclut M. de Ramel, veut étrangler la liberté, sans même entendre ses défenseurs. Cette loi restera une honte.
    L'orateur n'en peut dire d'avantage, car, tandis que la droite l'applaudit vigoureusement, l'extrême gauche vocifère furieuse et mène une danse effroyable des pupitres.
    Force est à M. Ramel de quitter la tribune au milieu d'un tumulte intense.
    Divers amendements sont écartés sur la demande de la Commission et du Gouvernement
Le vote final
    L'article 1er voté à mains levées. Il n'est plus douteux pour personne que la majorité tient à avoir, le soir même, sa loi bien complète de vol et d'iniquité.
M. Ribot
    Cependant, M. Ribot tient à apporter une nouvelle protestation.
    Il résulte, dit-il, des explications qui viennent d'être données, que la jouissance sera accordée à titre tout à fait précaire et que, par conséquent, le maire - On ne parle même plus du Conseil municipal - .....(Réclamations à l'extrême gauche.)
    Je ne sais pas comment nous faisons les lois, mais il s'agit ici d'une chose extrêmement grave, qui peut avoir sa répercussion, je ne dis pas dans les communes où le conseil municipal est favorable aux catholiques, mais dans celles où l'élément radical est maître à la mairie; il peut se passer là des faits dont le député ou le conseiller général pourront un jour sentir la répercussion. Il vous appartient, Messieurs, d'apprécier. J'ai posé au ministre des Cultes cette question : Est-ce que le maire, est-ce le Conseil municipal qui sera investi d'une pareille attribution, attribution extrêmement grave et délicate ? M. le ministre ne m'a pas répondu.
    Je ne comprends pas qu'on donne au maire seul, et en quelle qualité, un pareil pouvoir ! Pourra-t-il engager la commune pour vingt, trente ou cinquante ans ? Non ! Et où est la limite de notre loi ? Vous n'avez absolument rien dit. M. Le Rapporteur explique que cela dépendra d'une conversation qui aura lieu dans le cabinet du maire entre le curé et le maire. Or, qui ne voit la fragilité et l'énormité d'un pareil système au point de vue de notre loi municipale ? Puis, vous allez mettre en discussion quotidienne, entre le curé et le maire, cette question de la jouissance de l'édifice municipal ! Je n'ai rien vu de semblable dans aucune législation.
    Quelle sera la situation dans toutes les communes de France où vous aurez toujours à la veille de toutes les élection municipales, cette question qui sera discutée : Fallait-il laisser l'église au curé ? C'est une abdication du pouvoir central, c'est l'anarchie transportée dans nos 36 000 communes. Et quand vous dites qu'on ne peut pas donner cette jouissance autrement qu'à titre précaire, au jour le jour, Je vous demande alors pourquoi vous avez fait voter la loi de 1905 dont l'article 15 énumérait les cas les cas dans lesquels la jouissance pourrait être retiré à l'association ? Là vous ne vous en êtes pas rapportés à l'arbitraire d'un maire; vous avez exigé un décret avec recours au Conseil d'État. cela, c'était la garantie de dignité pour le culte; tous ces conflits, toute cette politique de village était mis dans l'ombre.
    Aujourd'hui, vous voulez vous débarrasser d'une responsabilité que vous ne pouvez plus porter et qui est la responsabilité du gouvernement central. Vous faites de cette question, qui est une question de gouvernement, au premier chef, une question purement municipale, livrée à toutes les compétitions locales, à toutes les coteries, à toutes les discussions ! Eh bien ! dites-le !Vous en prenez, si vous le voulez, la responsabilité; dans six mois ou un an .......pliure illisible .....
(Appl. au centre et à droite.)
Les articles - L'ensemble
    Cette éloquente protestation couronne le douloureux débat. Les cinq derniers articles sont successivement adoptés
    L'heure du vote final a sonné.
    Après une dernière intervention, au nom de la conscience publique, de MM. Auriol, Néron et Pugilest-Conti, l'ensemble du projet est adopté par 388 voix contre 146. (413 contre 166 selon le J.O.)
    Il est 9 heures ! On ne se reverra que vendredi prochain ! C'est la seule bonne résolution de la journée.
                                                                                                                                                        F. H.
Le projet voté
    Voici, tel qu'il est sorti du débat résumé dans notre compte rendu de la séance d'hier, le texte adopté par la majorité de la Chambre :
 Article 1er. - Dès la promulgation de la présente loi, l'État, les départements et les communes recouvreront à titre définitif la libre disposition des archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires qui sont leur propriété et dont la jouissance n'a pas été réclamée par une association constituée dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, conformément aux dispositions de ladite loi.
    Cesseront de même, s'il n'a pas été établi d'associations de cette nature, les indemnités de logement incombant aux communes, à défaut de presbytère.
    La location des édifices ci-dessus dont les départements ou les communes sont propriétaires devra être approuvée par l'administration préfectorale. En cas d'aliénation par le département, il sera procédé comme dans les cas prévus par l'article 48, paragraphe 1er de la loi du 10 août 1871.
    Article 2. Les biens des établissements ecclésiastiques qui n'ont pas été réclamés par des associations constituées dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, conformément aux dispositions de ladite loi, seront attribués à titre définitif, dès la promulgation de la présente loi, aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance dans les conditions déterminées par l'article 9, premier paragraphe de ladite loi, sans préjudice des attributions à opérer par application des articles 7 et 8, en ce qui concerne les biens grevés d'une affectation étrangère à l'exercice du culte.
    Article 3. - A l'expiration du délai d'un mois à partir de la promulgation de la présente loi, seront de plein droit supprimées les allocations concédées par application de l'article 11 de la loi du 9 décembre 1905, aux ministres du culte qui continueront à exercer leurs fonctions dans les circonscriptions ecclésiastiques où n'auront pas été remplies les conditions prévues, soit par la loi du 9 décembre 1905, soit par la présente loi, pour l'exercice public du culte, après infraction dûment réprimée.
    La déchéance sera constatée par arrêté du ministre des finances, rendu sur le vu d'un extrait du jugement ou de l'arrêt qui lui est adressé par les soins du ministre de la justice.
    Article 4. - Indépendamment des associations soumises aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905, l'exercice public d'un culte peut être assuré tant au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12 et 17) que par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881 et selon les prescriptions de l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905.
    Article 5. - A défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
    La jouissance ci-dessus prévue desdits édifices et meubles les garnissant sera attribuée, sous réserve des obligations énoncées par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905, au moyen d'un acte administratif dressé par le préfet pour les immeubles placés sous équestre et ceux qui appartiennent à l'État et aux départements par le maire pour les immeubles qui sont propriété des communes.
    La jouissance gratuite en pourra être accordée soit à des associations cultuelles constituées conformément aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905,  soit aux ministres du culte dont les noms devront être indiqués dans les déclarations prescrites par l'article 25 de la loi du 9 décembre 1905.
    Les règles susénoncées s'appliquent aux édifices affectés au culte qui, ayant appartenu aux établissements ecclésiastiques, auront été attribués par décret aux établissements communaux d'assistance ou de bienfaisance par application de l'article 9, paragraphe 1er, de la loi du 9 décembre 1905.
    Article 6 . - Les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 et des décrets en Conseil d'État pris pour son exécution sont maintenues en tout ce qu'elles n'ont pas de contraire à la présente loi.

    Note personnelle : le journal La Croix signale les réaction des députés de "l'extrême-gauche". Le Journal officiel, lorsqu'il rapporte les débats, distingue entre "la gauche" et "l'extrême-gauche."


Séance du vendredi 28 décembre au Sénat
.....
Loi sur le culte
    M. de Las Cases. - On affirme sans cesse que la loi présentée est généreuse, libérale. De plus, on affirme que l'Église s'est révolté.
    Nous avons recherché ce qu'il y avait dans les accusations portées par le président du Conseil. Et nous avons vu que la rupture d'un contrat synallagmatique était aussi une rupture avec la probité. (Appl. à droite)
    Il ne nous reste plus que le droit de plainte. (Exclamation à gauche.) Nous l'exerçons pour protester contre l'accusation de révolte.
    Quand on a refusé la formation des associations cultuelles, certains membres du ministère ont crié bruyamment à la rébellion, puis ils sont revenus sur le premier mouvement (Sourires) et M. Briand a déclaré formellement que c'était le droit des catholiques de refuser les avantages de la loi de 1905, il n'y a donc pas eu de révolte.
    Au moment de l'application de la loi de 1905, M. Briand a voulu assouplir la loi en faveur de l'Église, et a offert une seule déclaration avec un sourire, n'était-ce pas le droit de l'Église de repousser une déclaration que ne prescrit aucune loi française. (Très bien ! très bien! à droite.)
    Les réunions cultuelles ne peuvent être assimilées aux réunions publiques. La loi de 1881 ne peut donc être appliquée au culte. Nous ne sommes pas en révolte puisque nous avons fait respecter le droit (Appl. à droite.)
    Aujourd'hui, on veut nous imposer la dévolution immédiate, la confiscation comme conséquence de cette erreur du gouvernement.
    Vous affirmez que vous voulez garantir la liberté du culte. C'est de la prudence, car nos concitoyens sont bien rares qui ne font pas appel à certains jours de leur vie à la religion.
    Il faut certaines conditions pour garantir le libre exercice du culte. Et M. Briand nous demandé : Que voulez-vous ?
    Nous voulons une loi qui nous permette de vivre, de rester catholique dans le droit commun à tous. (Appl.)
    Si vous ne vous ne nous accordez pas cela, vous ne nous donnez pas la liberté de cultes.
    Nous sommes prêts à oublier le passé, un passé de gloire, celui des catholiques de France, mais il faudrait que ce projet de loi réponde au minimum que j'ai précisé. Est-ce le cas du projet actuel ?
    Aussitôt je me heurte à l'article 17 de la loi sur les associations qui nous est imposé. Cet article est exorbitant du droit commun, il établit des règles spéciales aux congrégations, en ce qui concerne les personnes interposées.
    D'autre part vous nous refusez le bénéfice des articles 10 et 11 de la loi d e1901 qui visent les associations reconnues d'utilité publique. Ce n'est pas tout le droit commun que l'on nous donne puisque l'on nous en retire certains bénéfices. (Appl. à droite) Vous autorisez ce droit pour toutes les associations sauf pour celles qui répondent aux besoins les plus élevés de l'âme humaine. (Appl. à droite.)
    Le droit que nous réclamons est légitime, il est de plus indispensable au point de vue de la situation des biens. Comment pourrons-nous, en effet, subvenir aux charges nouvelles ? Voilà la loi qu'on impose aux catholiques qui ont à soutenir leur culte et ses ministres et qui auront bientôt à reconstruire leurs églises. cette loi est une dérision. (Vifs appl. à droite.)
    Vous nous avez déclaré naguère que des établissements publics étaient nécessaires. Tenez parole et donnez-nous les associations reconnues d'utilité publique. On fait sonner bien haut la liberté, accordez-là; sans cela nous pourrons crier bien haut que nous sommes traités en parias. (Appl.)
    Dans les autres pays on accorde ce que vous refusez; En Allemagne on accorde des sommes au clergé. Mais nous ne voulons rien de vous, ni privilèges, ni biens, rien que la liberté ! Appl. à droite.)

    La Croix; dimanche 30 - lundi 31 décembre 1906

LA LOI DU CULTE AU SÉNAT
INCOHÉRENCE ET HYPOCRISIE
M. de Las-Cases justifie l'attitude des catholiques et stigmatise les spoliateurs -
M. de Lamarzelle annonce l'incohérence et l'hypocrisie du projet de persécution -
M. Briand est affiché

    Nous détachons du compte rendu in-extenso officiel l'important débat qui s'est engagé hier devant le Sénat de larges extraits des discours de MM. de Las cases et de Larmarzelle, qui ont par avance réfuté les erreurs et démasqué la fourbe du ministre de l'instruction publique.
    La discussion du projet de loi concernant l'exercice public du culte s'est ouverte par un discours de

M. de Las Cases
sénateur de la Lozère
qui s'est attaché avec sa haute autorité de jusrisconsulte et sa belle éloquence à justifier l'attitude de l'Église, et à établir que la loi nouvelle n'est pas plus acceptable que la première.
La légende de la révolte de l'Église
    Tout d'abord, Messieurs, qu'y a-t-il de vrai dans cette légende de prétendue révolte de l'Église contre la loi de séparation ? Il est bien certain qu'on ne peut pas incriminer incriminer à révolte les critiques que nous avons pu formuler contre la loi de séparation.
    J'ai, pendant ces vacances, lu et relu avec le plus grand soin les discours que M. le président du Conseil a prononcés, soit en vendée, soit dans le var. Je les ai médités. J'y ai vu que, pour M. le président du Conseil, c'était l'honneur de son parti de passer au crible de la raison toutes les questions sur lesquelles il y avait à se former une opinion. NOus n'avons fait que suivre sa méthode en discutant la loi de séparation.
    Nous avons examiné quels étaient les prétextes qui avaient servi de base à sa mise à l'ordre du jour, et nous avons, au nom de la vérité historique, jugé la loi. (Très bien ! à droite.) Nous avons recherché dans quelles conditions il était possible à un contractant de se délier à lui seul d'un contrat synallagmatique solennel et séculaire et au nom du respect dû aux conventions et aux contrats nous avons jugé la loi (Très bien ! très bien ! à droite) Nous nous sommes demandé quels étaient les droits de l'Église sur certaines propriétés, ce que la loi en faisait, et au nom de la probité vulgaire, nous avons jugé la loi. (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs.)
    Nous avons usé, c'est certain, de l'exercice du droit de nous plaindre, mais j'imagine que nul dans cette Assemblée ne compte enlever à quiconque la liberté de la plainte. La liberté de la plainte est la dernière qui subsiste ... (Exclamations ironiques à gauche.)
    Pardon, messieurs, laissez-moi finir - ... pour le vaincu d'un moment lorsqu'il y a en face de lui le vainqueur d'un jour. Il n'y aurait que la tyrannie qui pourrait enlever et et critiquer cette liberté de la plainte, et je suis sûr qu'ici je serai d'accord avec tout le monde lorsque je dirai qu'on ne saurait nous imputer à révolte d'en avoir usé (Très bien ! très bien! à droite).
    Avons nous été en état de rébellion contre la loi parce que nous n'avons point accepté ou, pour mieux dire, parce que la papauté n'a pas accepté les associations cultuelles ? (Nouvelle approbation au centre.)
    Monsieur le ministre des cultes a posé cette questions aux parlementaires de la Chambre des députés; peut-être aurait-il mieux valu qu'il la posât par voie de conversation directe avec la papauté qui eût été mieux à même de répondre. (Très bien ! très bien ! à droite.)
    A M. le ministre un membre du parlement, M. Piou, a fait la réponse nécessaire. Qu'a dit l'honorable M. Piou ? Que la société française actuelle avait ses règles et ses principes, que pour elle, le pouvoir venait d'en bas, de la démocratie du peuple, du suffrage universel. Il a ajouté que l'Église catholique avait, elle aussi, ses principes que pour elle, le pouvoir venait d'en haut était une délégation du ciel, dont le pape et les évêques étaient les représentants.
    ce sont là deux hiérarchies, deux conceptions différentes, mais nous n'avons pas plus le droit, nous État, d'imposer à l'Église notre façon de voir, que nous n'admettrions que l'Église, au point de vue temporel, nous imposât la sienne. (Très bien ! très bien ! à droite.)
    C'est justement parce que les associations cultuelles étaient contraires aux principes hiérarchiques,  que l'Église n'a point pu les accepter, ne voulant pas faire pour demain une cause de schisme et d'apostasie.
    Messieurs, lorsque la papauté a refusé la formation des associations cultuelles, certains membres du ministère sont partis en guerre. L'Église et la papauté se mettaient en révolte.
    Et puis on a réfléchi. D'autres membres du ministère ont pensé autrement. Ils ont pensé, et avec raison, que les associations cultuelles n'étaient pas obligatoires, qu'elles n'étaient qu'une faculté et que l'on n'avait jamais le droit de dire à quelqu'un qu'il se mettait en rébellion, lorsqu'il n'usait pas d'une faculté. C'était évidemment dans ces conditions, le droit pour la papauté de se refuser à former des associations cultuelles.
    Je ne vois à cet égard, Messieurs, rien de mieux, pour dégager la vérité, que de citer les paroles si nettes, si fermes, si explicites, prononcées dans l'autre Chambre par M. le ministre des Cultes lui-même.
    Voici ce passage d'un discours que nous connaissons tous d'ailleurs et qui a eu les honneurs de l'affichage :
    "Le Pape a dit aux catholiques : " Vous ne ferez pas d'associations en conformité avec la loi de 1905, parce que moi, le chef de l'Église, je considère ces associations comme attentatoires à la constitution de l'Église.
    "Messieurs, c'est sur ce point que nous allons discuter, mais dès à présent je déclare qu'en tenant un tel langage le pape a usé de son droit et qu'en lui obéissant, les catholiques, les membres du clergé français usent également de leur droit.
    "Ils ne sont pas obligés de se servir du droit commun d'association en matière cultuelle, tel qu'il est édicté par la loi de 1905. (Très bien ! à gauche)
    "La loi impose des devoirs aux citoyens; elle ne leur impose pas l'usage d'un droit. Les catholiques en disant : "Nous ne ferons pas d'associations" ne se sont donc pas mis en révolte contre la loi (Très bien ! très bien !) et ils peuvent persister dans cette attitude autant qu'ils le voudront. Le gouvernement n'a pas à partir en guerre contre eux."
    Voilà donc un premier point tranché. Il n'est pas tranché par moi, ilm n'est pas tranché par nous; il est tranché par M. le ministre des Cultes lui-même. Il n'y a pas eu, de ce chef, l'ombre d'une révolte, il est impossible d'en parler.
La déclaration était illégale
    Mais au lendemain du jour où la loi de séparation a été applicable, on a dû se demander comment pourrait s'exercer le culte, dans quelles conditions les messes pourraient se dire, et alors M. le ministre des Cultes a déclaré qu'il serait nécessaire de faire, avant les offices, et une fois pour toutes, une déclaration.
    Etions-nous tenus à cette déclaration ?
    Si j'ai bien compris à ce moment la pensée de M. le ministre des Cultes, c'était une sorte d'invite qu'il adressait à l'Église; il assouplissait la loi en sa faveur; le ministre voulait bien adresser un sourire aux catholiques, et il espérait que ceux-ci, en faisant leur déclaration, répondraient par un égal sourire.
    L'Église a estimé que l'heure n'était pas au marivaudage; l'Église a estimé qu'elle n'avait qu'à user de son droit et que l'on ne pouvait lui réclamer que l'exécution de ce droit.
    Est-ce que la déclaration était obligatoire ? Est-ce qu'elle était légale ?
    Elle n'était exigée ni par la loi d e1905, qui ne visait que les associations cultuelles, ni par la loi de 1901 sur les associations, qui à cet égard n'en parlait en aucune façon. Elle n'était pas d'avantage, j'imagine, rendue obligatoire par la loi de 1881; cette déclaration n'était conforme ni à l'esprit, ni à la lettre de la loi de 1881.
    A l'esprit de la loi de 1881 ? Quand celle-ci parle de déclaration, elle vise des réunions dans lesquelles la contradiction aura lieu ou sera tout au moins appelée. (Très bien ! à droite.) Or dans les exercices du culte, il n'y a pas de contradiction appelée. (Nouvelles d'approbation sur les mêmes bancs) et l'on ne peut considérer comme un appel à la contradiction les mots que prononce le prêtre en se tournant vers le public, ni les oremus, ni les dominus obiscom, ni les de missa est, ainsi que l'on fait, ont essayé de le faire quelques commissaires de police extrêmement ingénieux, sans aucun doute. (Très bien ! très bien! à droite.)
    La loi de 1881 n'est, pas plus dans son texte que dans son esprit applicable à l'exercice du culte; la preuve, messieurs, c'est qu'elle exigerait autant de déclarations qu'il y a de réunions; (Nouvelles marque d'approbation sur les mêmes bancs.) c'est qu'elle exigerait en même temps l'organisation d'un bureau composé de trois membres, ce qui serait incontestablement difficile, puisqu'à la messe, il n'y a quelquefois que le curé et son enfant de coeur. (Très bien ! à droite.)
    La loi de 1881 était d'ailleurs si peu applicable que le ministre des Cultes disait : "Nous ne demanderons qu'une déclaration par année", ce qui est évidemment contraire au texte même de la loi de 1881, d'où cette conséquence que la loi de 1881 n'était pas applicable. (Nouvelles marques d'approbation sur les mêmes bancs.)
    C'est là non seulement notre opinion, mais encore celle d'un grand nombre de nos adversaires; c'était spécialement l'opinion de M. Jaurès; nous ne pouvons donc être considérés en révolte et les catholiques ne peuvent être considérés en rébellion parce qu'ils n'ont pas interprété comme vous la loi de 1881, alors surtout que leur interprétation est la seule qui soit vraiment juridique. (Très bien ! à droite.)
Ce que demandent les catholiques
et ce qu'on leur refuse
    "Que voulez-vous ? " nous a demandé M. Briand
    Je viens de répondre à cette question (Ah! Très bien ! à gauche) ( le journal, contrairement au J. O., rajoute "exclamations") et vous dire, moi, ce que nous voulons.
    Nous voulons une loi qui nous permette de vivre, qui établisse pour nous et nos associations le droit de vie ...
    M. Vallé, président de la commission. - Vous l'avez.
    M. de Las Cases. - ... une loi qui nous permette de vivre en restant catholique, en restant fidèle à notre foi, aux principes de notre foi. ( Très bien ! à droite) Nous ne voulons cette loi que dans le droit commun, dans la liberté commune. (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs
    Est-ce que ces trois exigences sont excessives ?
    Est-ce qu'un seul d'entre d'entre vous peut se refuser à une de ces trois réclamations ?
    Le droit à la vie ! Est-ce que toute association n'a pas le droit de le réclamer ? Et si vous refusez à notre association la possibilité de vivre, est-ce que vous pourrez dire que c'est une réalité, cette promesse de la liberté du culte que vous avez inscrite dans votre programme ?
    Est-ce que nous n'avons pas également le droit de vivre en catholique, le droit de vivre conformément à notre foi, à nos croyances, à la loi catholique ? (Très bien ! très bien! à droite.)
    mais ici, messieurs, ce n'est pas moi qui vais répondre, c'est M. le ministre des Cultes. M. le ministre des Cultes nous a dit, en effet - et je me borne à cette citation - :"Notre premier devoir est de ne rien faire qui soit attentatoire aux principes constitutifs de l'Église." Voilà les principes, voilà la vérité : vous devez nous faire une loi qui nous permette de vivre, et qui nous permette de vivre en catholiques, conformément aux principes constitutifs de notre Église.
    Qu'est-ce que nous vous demandons encore ? Nous vous demandons une loi qui nous permette de vivre dans la liberté commune. Nous ne réclamons aucun privilège; nous ne voulons pas invoquer notre passé, le passé des catholiques de France dont on ne saurait cependant contester la grandeur, car il a contribué puissamment à la formation de l'âme française. (Très bien ! très bien ! et applaudissements à droite.)
    Nous ne voulons pas nous prévaloir du nombre des catholiques qui sont en France, car, lorsqu'il s'agit de droit, ce n'est pas par le chiffre que le droit se fait et se proclame. (Nouvelle approbation sur les mêmes bancs.)
    Les principes passés, quelle en est l'application ?
    Est-ce que le projet qui nous est actuellement soumis répond à toutes ces conditions ? Est-ce qu'il répond à une seule de ces conditions ?
L'action dans le droit commun
    Si je prends, en effet, l'article 4, j'y vois deux abrogations du droit commun. D'abord une disposition qui nous impose des règles exorbitantes du droit commun, spécialement restrictives, puis une autre qui nous empêche, par contre de bénéficier des règles qui sont les règles du droit commun.
    On nous impose, en effet, dans le projet de loi, l'article 17 de la loi des associations. Vous savez, messieurs, que la loi des associations  qui comprend, si je ne me trompe, vingt et un articles, se préoccupe, dans les douze premiers, des associations, les neufs derniers visant un genre d'associations spécial que l'on a cru devoir régir par des règles spéciales, par des règles exorbitantes du droit commun. Aux yeux des législateurs de 1904, ils se trouvaient là en présence d'associations ayant un caractère exorbitant du droit commun : les congrégations religieuses. Dans ses neuf derniers articles figure un article 17 qui est, lui, entièrement exorbitant du droit commun; car il établit contre les congrégations la présomption de personne interposée, contrairement aux habitudes et aux règles du droit commun.
    Or à nous, associations catholiques, qui ne sommes pas des congrégations, on commence par imposer l'article 17. Et c'est là, évidemment, quelque-chose de contraire au droit commun.
    En même temps que vous nous imposez l'article 17, vous nous refusez l'application de deux articles de la loi de 1901 : l'article 10 et l'article 11.
    Le sénat sait que la loi de 1901 prévoit trois espèces d'associations. Elle prévoit d'abord de simples associations de fait, auxquelles elle donne une situation rudimentaire. Elle prévoit ensuite des associations déclarées, auxquelles elle accorde une existence un peu plus complète, mais encore amoindrie singulièrement amoindrie. Enfin, la loi de 1901 prévoit des associations qui pourront être reconnues d'utilité publique. Ces dernières associations sont régies par les articles 10 et 11 de la loi de 1901.
    Nous n'aurons pas le droit de former des associations susceptibles d'être reconnues d'utilité publique; nous n'aurons pas le droit de vivre en associations religieuses sous l'empire des articles 10 et 11 de la loi de 1901.
    J'ai donc le droit de dire que ce n'est pas le droit commun tout entier qu'on nous donne mais un droit mutilé.
    Je ne vous demande pas un centime de votre budget, je ne vous demande pas de subventions, je ne vous demande qu'une chose: la liberté, la liberté du droit commun, je demande que nous, catholiques, nous ne soyons pas mis en dehors du droit commun; j'ai le droit d'exiger que nous, catholiques, nous ne soyons pas traités comme des parias. (Très bien!)
    Dans vos attaques contre l'Église catholique, vous lui reprochez toujours de vouloir vivre sous un régime de privilèges ! Nous ne voulons pas de privilèges, nous vous demandons le droit commun de la loi de 1901; et si vous ne nous l'accordez pas, nous avons bien le droit de dire qu'il ne vous appartient pas de parler de droit commun et de liberté ! (Très bien! et appl. à droite.)
L'anarchie dans les communes
    Et maintenant, quelle va être la situation dans nos églises ?
    Les églises sont nécessaires au culte. La liberté du culte et le libre exercice du culte public ne seront pas possibles en France si les catholiques n'ont pas l'usage des églises.
    Dans certains cas, les églises seront mises à la disposition du culte: cela veut dire que les prêtres et les fidèles pourront y entrer comme on entre dans une halle ou dans un marché. Pour les fidèles et pour les prêtres, la situation ne sera donc pas bien nette et bien précise, ces églises, d'ailleurs, étant toujours soumises à la désaffectation.
    Votre loi ne saurait durer.
    Et puis, il y a une seconde situation : les catholiques pourront, s'ils le demandent, avoir la charge des grosses réparations. Qui donc donnera la jouissance des églises ? Ce que votre projet de loi a de nouveau, c'est que cette jouissance des églises sera attribuée par les maires.
    Je dis, Messieurs, que c'est là une de ces mesures d'un jour, d'un moment, hâtives, insuffisamment mûries, qui ne dureront pas et seront remplacées demain. La situation qu'elle crée est contraire à la liberté communale.
    J'ajoute, Messieurs, que c'est là - et je me place à un autre point de vue - un élément de trouble.
    Est-ce que vous ne sentez pas que demain la question de la possession de la possession des églises pour tel ou tel curé, pour tel ou tel culte sera le terrain sur lequel se feront les élections municipales ?
    Est-ce qu'il n'est pas singulièrement malheureux de penser qu'au lieu de les éteindre, vous allez les attiser là où elles auront le plus d'acuité, dans les élections municipales, et faire des églises dans chaque élection communale l'enjeu et comme les dépouilles opimes du parti vainqueur.
    A cet égard, encore une fois, votre loi est absolument inacceptable, elle ne saura durer.
La spoliation
    Les biens ecclésiastiques, vous allez déclarer qu'ils seront immédiatement l'objet d'une dévolution; mais ces biens, a qui appartenaient-ils ? Ils appartenaient à des établissements ecclésiastiques. Comment ces établissements ecclésiastiques les avaient-ils acquis ? Ils les avaient acquis en vertu d'un traité avec l'État, en vertu du Concordat, et ils n'étaient entrés entre les mains des établissements ecclésiastiques qu'avec et sous le contrôle du conseil d'État. C'était donc une propriété d'une légitimité indiscutable.
    Je ne sais qu'un mot pour expliquer comment ces biens, qui appartenaient aux catholiques, de par la loi vont appartenir à d'autres, c'est le mot spoliation. (Très bien ! très bien! à droite.)
    Voilà l'acte que vous allez commettre !
    Est-ce que vous pensez qu'à l'heure actuelle, à un moment où la propriété est attaquée avec tant d'ardeur, vous n'allez pas lui porter là une terrible atteinte ?
    Comment la défendrez-vous, vous, Messieurs de la gauche, qui compte parmi vous tant de gros propriétaires (Exclamations et rires à gauche), comment défendrez-vous la propriété ?
    Voilà votre loi. Elle supprime les allocations d'un certain nombre de prêtres qui ont été à votre service. Vous mettez à cette suppression une condition : c'est que, si Rome refuse l'exécution de votre loi, ces prêtres soient restés fidèles à leur religion et à la papauté. (Très bien ! C'est cela ! à droite.)
    Messieurs, c'est là une prime au schisme et à l'apostasie. (Nouvelle marques d'assentiment sur les mêmes bancs.)
Donnez-nous la liberté
    Lorsque la papauté a adopté sa décision, c'est l'avenir, c'est l'éternité qu'elle a eu en vue. Elle s'est demandé si dans vos associations cultuelles il n'y avait pas un germe de schisme, et c'est ce germe de schisme qu'elle n'a pas voulu semer dans le sol de la France. (Très bien ! très bien! à droite.) Elle s'est rendue compte des difficultés de l'heure présente. Mais ce qui l'a préoccupée, c'est la situation de demain. Elle ne voulait pas jeter des germes de schisme dans l'Église de France. (Très bien ! très bien !) Voilà pourquoi elle a refusé les associations cultuelles.
    Nous ne voulons qu'une chose : pouvoir conserver  dans la liberté et dans la paix le culte public. La loi que vous aller voter, c'est à brève échéance la suppression du culte public, c'est à brève échéance l'obligation du culte privé jusqu'au jour où le culte privé lui-même subira vos atteintes.
    Le culte privé ne peut pas nous suffire; il peut suffire aux riches, aux gens aisés; nous avons le droit, nous avons le devoir de penser aux pauvres, de penser aux petits, de penser aux humbles. (Appl. à droite)
    Arriveriez-vous demain à donner aux hommes tout le bonheur et toute les jouissances matérielles que vous faites luire à leurs yeux, il y a quelque chose que la fortune ne donne pas, il y a un mal contre lequel la fortune est impuissante à fournir un baume : c'est la douleur, c'est la tristesse, c'est le départ de ceux qu'on aimait; c'est pour employer une expression biblique "Rachel pleurant ses enfants et ne voulant pa être consolée" (Très bien ! très bien ! à droite.)
    C'est la religion seule qui apporte cette consolation; et quand vous l'enlevez, c'est un crime de lèse-douleur, un crime de lèse-pauvreté, un de lèse-humanité que vous commettez. (Appl. sur les mêmes bancs.)
M. Maxime Lecomte
    M. Maxime Lecomte. - Le clergé a déjà bénéficié de la séparation, de l'argent. (Exclamation.)
    M. Le Cour Grandmaison. - Et vos 15.000 francs, vous ne les touchez pas. (Rires)
    M. Lecomte. - Nous n'admettrons jamais l'immixtion d'une puissance étrangère dans notre politique. (Appl. à gauche).
    M. Le Provost de Launay. - M. Delcassé ne le croit guère. (Appl. et rires.)
    M. Lecomte. - Nous n'irons pas à Canossa. (Rires à droite). Vous riez, Messieurs ...( Rires.)
    M. Delahaye. - Nous vous imitons, mon cher collègue. (Hilarité prolongée)
    M. Lecomte. - Le pape a été beaucoup plus sévère pour la France que pour l'Allemagne. (Exclamations à droite.)
    Le rapporteur examine la situation des catholiques en Allemagne et au Mexique et affirme que celle qui leur est faite en France est plus avantageuse.( Et il cite des pays où la religion catholique empêche les autres de s'exprimer; ajout personnel.)
    M. Lecomte. - Nous vous donnons la liberté comme nous la comprenons, ce n'est pas la vôtre (Exclamations.)
    à droite. - Heureusement ! (Rires)
    M. Lecomte. - M. de Lamarzelle va venir vous déclarer que l'insurrection contre un gouvernement injuste est le plus sacré des devoirs.
    M. de Lamarzelle. - je ne compte pas dire un mot de cela. (Rires.)
    M. Lecomte. - La guerre est déclarée (Exclamations.) Il nous faut des armes. (Bruit. - Appl. à gauche.)
M. de Lamarzelle
sénateur du Morbihan
    Avec son élévation habituelle de pensée et de langage, il  a démontré l'incohérence et l'hypocrisie du projet.
Le gouvernement
a voulu régir le catholicisme
    La majorité des deux Chambres et le gouvernement qui la représente sont acculés aujourd'hui à la confiscation, demain à la fermeture des églises et, par conséquent, à la suppression de la liberté du culte, bientôt à la persécution violente qu'organiseront d'autres lois du même genre, qui suivront forcément celle que nous discutons.
    Toutes choses, je le reconnais, que vous ne vouliez pas, Monsieur le ministre des Cultes, mais qui sont forcées, fatales, qui ne peuvent pas ne pas survenir parce qu'en légiférant sur les rapports de l'Église et de l'État, vous n'avez voulu tenir aucun compte de ce fait que, d'après la loi de leur conscience, les catholiques en matière religieuse, doivent au Pape l'obéissance la plus absolue.
    Vous avez voulu régir le catholicisme - c'est votre propre expression - en ignorant le Pape; c'était vouloir régir le catholicisme en ignorant le catholicisme. (Très bien ! très bien ! à droite.)
    car l'essence même du catholicisme c'est, en tout ce qui concerne la foi et l'essence du culte, la soumission au Pape, la soumission non seulement en matière de dogme, mais aussi en ce qui concerne la discipline ecclésiastique. (Très bien ! très bien ! à droite.)
    Or, l'idée qui a dominé toute l'œuvre du législateur de 1905 ça été de supprimer pour les catholiques la discipline de Rome. M. Briand l'a dit en propres termes : "J'ai été préoccupé de ne pas laisser ligoter les fidèles par la discipline de Rome."
    Sous l'empire de cette préoccupation constante vous avez fait une loi dite de séparation, qui s'arrogeait le droit d'organiser l'Église de France, et de l'organiser en opposition absolue avec le principe même sur lequel repose la constitution de l'Église universelle, une loi qui, méconnaissant la hiérarchie catholique, mettait la direction de l'Église entre les mains des fidèles, une loi qui, suivant l'expression très juste de M. Ribot, "faisait indirectement une constitution civile du clergé."
    Vous avez dit à l'Église : Ou tu accepteras cela, ou ton patrimoine te sera enlevé; ou tu accepteras cela, ou tu seras dépouillée de tout; nous pourrons même te prendre jusqu'au dernier de tes vases sacrés.
    M. Daniel. -Voilà la vérité
    M. de Lamarzelle. - Ou tu acceptera cela, ou tu seras chassé de tous les édifices consacrés à ton culte !
    Ayant mis ainsi l'Église entre les deux mâchoires de cet étau, vous lui avez dit : Va ! maintenant tu es libre ! (Appl. à droite.)
    Et quand nous vous disons - nous vous l'avons dit bien des fois : Mais malgré tout ce que vous pourrez faire, l'Église n'acceptera pas votre loi." Vous répondez : "Que si ! nous n'avons crainte, nous luis laissons assez de millions pour vaincre ses velléités de résistance."
    Vous savez ce qui est arrivé: L'Église n'a pas voulu subir d'atteinte à sa constitution divine, et ces millions, qui sont à elle, elle les a repoussé du pied comme ont été repoussée du pied votre loi elle même par un des républicains les plus éprouvés de cette Chambre. (Applaudissements à droite.)
    Et le clergé tout entier, évêques et prêtres et tous les fidèles, sans une défection qui puisse compter, ont compris le geste aussi noble et chevaleresque qu'évangélique du Pape et se sont rangés derrière lui. Jamais dans aucune des périodes difficiles et douloureuses de son histoire la papauté n'avait eu pareille unanimité dans l'obéissance. (Très bien ! très bien ! à droite.)
Il veut briser l'obéissance du clergé
    Il est vrai que, quelques jours après, vous avez appelé la soumission du clergé français au Pape l'asservissement ! Non, ce n'est pas de l'asservissement ! la soumission n'est jamais de l'asservissement quand elle est un acte de la volonté humaine n'obéissant à aucun autre mobile qu'à un devoir dicté par la conscience. (Très bien! très bien ! et vifs appl. à droite.)
    Non, la soumission ne peut pas être de l'asservissement quand elle est le fait d'hommes qui, pouvant se mettre du côté de la force, où sont les millions, vont sans hésiter à la faiblesse qui ne peut leur offrir que la pauvreté et même la misère ! (Appl. sur les mêmes bancs.)
    Vous êtes donc en face de ce fait qui se produit aujourd'hui: l'obéissance absolue du clergé et des catholiques français au Pape en matière religieuse, en matière d'organisation du culte dans ce pays, fait qui a lieu toujours là où il existe des catholiques.
    Vous ne voulez plus du Concordat. Soit; alors acceptez la séparation, mais, avec elle, les conséquences de la séparation, c'est-à-dire l'autorité absolue du pape en matière religieuse sur les consciences des catholiques. Ne vous ingérez plus dans les affaires ecclésiastiques; n'essayez pas d'imposer à l'Église une organisation en contradiction avec ses principes essentiels, une organisation qui fait vos tribunaux juges de l'orthodoxie des évêques et des curés. (Très bien ! très bien ! à droite.) Si vous faites cela - et c'est ce que vous avez fait - c'est le conflit assuré, le conflit à l'état aigu, car, autant sur les questions de discipline que sur les questions de dogme, entre le Pape et vous, c'est toujours le Pape que les catholiques choisiront. (Très bien ! très bien! à droite.)
    Le conflit, nous y sommes et il y a nécessité d'y mettre fin. Comment voulez-vous le résoudre ?
    Monsieur le ministre des Cultes, je vais prononcer une parole bien indiscrète, mais je crois que si vous étiez maître absolu de la situation, vous la résoudriez par un procédé tout différent de celui que va mettre en application la loi que nous discutons.
    La discussion que vous nous proposez aujourd'hui, quelle est-elle ?
    Que voulez-vous faire ? Vous voulez briser l'obéissance des catholiques; vous voulez empêcher les catholiques d'obéir au Pape sur une question de discipline ecclésiastique, sur une question que personne ne peut nier être une question de discipline ecclésiastique ? Et comment allez-vous la briser ?
La loi violée avec la loi
    L'honorable président du Conseil a dit qu'il fallait la briser à coup de canon, et nous avons vu déjà un premier coup de canon tiré.
    M. le rapporteur. - Ce sont des canons spirituels.
    M. de Lamarzelle. - La plaisanterie est trop vieille, vraiment, Monsieur Maxime Lecomte.
    Au sujet du premier coup de canon tiré, j'en aurais long à dire à un gouvernement qui nous reproche de violer la loi et qui, dans cette circonstance, l'a violée de la façon la plus flagrante.
    M. le président du conseil. - Il faudra le démontrer.
    M. de Lamarzelle. - Si vous voulez.
    M. le président du conseil. - je vous en prie, faites donc.
    M. de Lamarzelle. - Je vais allonger un peu la discussion, mais ce sera très simple.
    Vous avez dit, Monsieur le président du Conseil, au sujet de l'affaire de l'ancienne nonciature: "Je ne veux pas me servir de l'article 10 du code d'instruction criminelle, les perquisitions sont légales  parce qu'il y a une inculpation."
    Quelle était cette inculpation ? Elle était dirigée contre trois curés de Paris qui, disait-on avaient fait des sermons séditieux, et, comme on supposaient que c'était Mgr Montagnini qui avait inspiré ces sermons, on le poursuivit comme complice ! On avait donc, disiez-vous, le droit légal de faire des perquisitions chez Mgr Montagnini.
    Mais il y a ceci d'extraordinaire que Mgr Montagnini, que le pouvoir judiciaire regardait comme complice, qui devait être par conséquent poursuivi, non seulement vous l'avez laissé s'échapper, mais vous l'avez fait s'échapper! Vous l'avez forcé de franchir la frontière. Il méritait la paille humble des cachots, et vous vous êtes empressés de le faire évader.
    M. Dominique Delahaye. - On ne voulait que ses papiers.
    M. de Lamarzelle. - Qui ne voit donc par conséquent que l'inculpation était inventée uniquement pour se procurer les papiers de la nonciature, qu'elle était fictive. Vous êtes donc servi de la loi pour violer la loi elle-même; ce qui de la part d'un gouvernement, est la violation la plus inouïe de la loi. (Très bien ! très bien ! à droite.)
    M. le président du conseil. - Si vous appelez cela une démonstration, vous n'êtes pas difficile.
    D'ailleurs, la démonstration se fera toute seule, et vous n'aurez pas besoin d'attendre très longtemps. (Rumeurs à droite.)
    M. de Lamarzelle. - Votre affirmation ne prouve rien contre ma démonstration. Si elle est si mauvaise, essayez d'y répondre.
    M. le président du conseil. - Ce n'es pas moi qui la ferai.
    M. Dominique Delahaye. - Cela me rassure.
Le second coup de canon
    M. de Lamarzelle. - Le second coup de canon contre les catholiques, c'est le projet de loi actuellement en discussion.
    Nous avons discuté, à cette tribune, au sujet des biens ecclésiastiques : il y en a au sujet desquels, à droite et à gauche, nous n'avons pas été d'accord : le budget des cultes et d'autres biens que je n'ai pas besoin d'énumérer ici, nous avons soutenu, nous, qu'ils appartenaient à la collectivité des catholiques; vous avez soutenu, vous, le contraire.
    Mais il est une catégorie de biens au sujet desquels nous avons été tous d'accord :ce sont ces biens qu'aujourd'hui votre projet attribue à l'État. Ici, je suis obligé de vous citer, Monsieur le ministre des Cultes. Vous avez dit, étant rapporteur de la loi de séparation et répondant à quelques uns de vos amis : " Le patrimoine des Fabriques a été constitué par la communauté des fidèles et pour elle. Il importe que demain ce patrimoine, qui est pour les fidèles un moyen d'exercer librement leurs sentiments religieux reste à leur disposition."
    Vous avez donc bien nettement affirmé que ces biens appartiennent à la collectivité des catholiques.
    Si les collectivités catholiques sont légalement représentées, de quel droit les dépouillez-vous d'un patrimoine que vous avez si nettement déclaré leur appartenir ? Vous confisquez donc, et c'est vous même, Monsieur le ministre des Cultes, qui par avance avez démontré que votre projet d'aujourd'hui était une loi de confiscation. Mais vous avez dit encore, Monsieur le ministre, à la séance du 17 octobre 1905 - je cite textuellement :
    "Au lendemain de la séparation, l'Église va se trouver dépourvue des ressources du budget des Cultes. Les associations ne seront pas formées ou à peine nées. Elles n'auront pu ni s'organiser ni se procurer des ressources suffisantes. Si par surcroît nous leur enlevons le patrimoine des Fabriques et des menses, c'est pour elles l'impossibilité d'assurer les charges du culte et, pour les fidèles, l'obligation de renoncer à pratiquer leur religion."
    M. le vice-amiral de Cuverville. -  C'est la vérité.
    M. de Lamarzelle. - Ce que vous disiez des associations cultuelles, ne peut-on pas le dire avec autant de vérité des associations conformes à la loi de 1901 dont parle votre projet et du curé qui, en cas de déclaration, représenterait les collectivités catholiques ?C'est l'évidence même.
    L'association ou le curé ne seront-ils pas dans une situation identique à celle de vos cultuelles ? Ils auront les mêmes charges; ils auront à pourvoir aux mêmes frais du culte; ils auront à faire les mêmes réparations aux édifices. Et alors - c'est vous qui l'avez dit - par les confiscations qu'il prononce, votre projet met les catholiques dans l'impossibilité, même s'ils s'y soumettent, de pratiquer leur religion. (Très bien ! très bien ! à droite.)
Le maire juge d'orthodoxie
    La deuxième partie de la loi - vous en aviez fait la première, Monsieur le ministre des Cultes - c'est l'organisation qu'on offre aux catholiques pour être mis en possession des des églises afin d'y pratiquer le culte public. On nous donne le choix entre deux alternatives : ou bien former des groupement conformes à la loi de 1901, ou bien faire des déclarations de réunions publiques. Dans le premier cas, c'est le groupement, dans le second cas, c'est le curé dans la déclaration qui représentera la collectivité catholique et pourra prendre possession de l'église. Mais qui va donner l'église ? Qui est compétent pour la louer, soit au curé, soit au groupement ? Votre loi dit : c'est le maire ....
    M. le vice-amiral de Cuverville. -  Joli cadeau !
    M. de Lamarzelle. - .... ou le préfet.
    On vous a fait une objection, on vous a dit :" Le maire sans le Conseil municipal ?" vous avez répondu : "Non, il faudra que le maire soit approuvé par une délibération du conseil municipal."
    Vous l'avez dit, mais ce n'est pas dans le projet de loi - je vous le fais remarquer en passant, ce n'est d'ailleurs qu'un détail à côté de tout le reste.
    C'est donc le maire qui va avoir le pouvoir de transférer l'église au curé. A quel curé ? Quelles conditions faut-il que le curé réunisse pour qu'il puisse recevoir l'église ? Il y a beaucoup de maires qui sont libres-penseurs, il y a beaucoup de maires qui sont hostiles à la religion catholique, vous ne le nierez pas. Eh bien, s'ils refusent l'église à tout curé, ils le peuvent. Et s'ils la donnent à un curé qui n'est pas un curé catholique, à un curé qui est en rupture avec son évêque et avec Rome ? C'est ce que vous avez déclaré autrefois ne pas vouloir. M. Clemenceau a dit : "On ne doit remettre les biens ecclésiastiques, l'église, qu'aux catholiques de bonne foi."
    Et vous avez dit aussi très justement, Monsieur le ministre des Cultes :
    "Je ne veux pas que l'Église soit remise à de faux prêtres ni à des prêtres indignes. La loi n'est pas faite pour susciter une Église dans l'Église catholique."
    Et c'est le maire qui désormais va être compétent, pour décider si oui ou non tel prêtre est orthodoxe ou ne l'est pas.
    M. le vice-amiral de Cuverville. -  Ce sera peut-être celui qui abat les croix au cimetière !
    M. de Lamarzelle. - On vous a dit à la Chambre : "Y aura-t-il au moins un recours contre la décision du maire ?" Vous avez répondu : "Oui, il y aura un recours, et le juge du recours ce sera le tribunal."
    C'est le tribunal, émanation du pouvoir civil, qui sera juge souverain de cette question religieuse au premier chef de savoir si un prêtre est dans ou hors l'Église.
    M. le ministres des Cultes. - Qui alors ?
    M. de Lamarzelle. - je voudrais que le tribunal fût obligé, comme aux États-Unis, de surseoir et acceptât, ensuite, sans pouvoir rien changer, la décision souveraine de l'autorité ecclésiastique.
    M. le ministres des Cultes. - Il n'y a pas d'assimilation possible.
    M. de Lamarzelle. - ici vous retombez dans l'erreur de votre loi de 1905 : c'est un maire, c'est un tribunal qui est juge de l'orthodoxie d'un curé; et vous avez l'audace - pardonnez-moi cette expression - d'appeler cette loi une loi de séparation !
    Nous venons de voir comment, d'après votre loi, se fera l'attribution de l'Église.
    Au profit de qui, maintenant, aura lieu cette attribution.
    Ici la loi donne aux catholiques le choix entre deux partis. L'Église pourra être remise à des groupements, "conformément à la loi de 1901"; et vous nous dites : " C'est ce que vous demandez; c'est la liberté d'association, que désirez-vous de plus ?"
    ce que nous demandons ? Qui parmi nous a demandé cela ? M. Jaurès vous l'a demandé pour nous. Mais vous avez démontré à M. Jaurès que nous aurions tort de le demander. Voici ce que vous avez dit à ce sujet à M. Jaurès :
    "L'Église ne pourrait accepter le droit d'association de la loi de 1901 parce qu'il ne l'autorise à rien percevoir hors de simples cotisations, à faire ni un tarif de messes, ni un tarif pour bancs et sièges."
    Vous reconnaissiez donc vous même que cette loi de 1901 ne pouvait nous être applicable.
    Mais vous alliez plus loin; vous disiez : La loi de 1901, pour les catholiques, c'est le droit commun, peut-être, mais ce n'est pas le droit commun tout entier; et vous disiez encore à M. Jaurès : Prenez garde; si vous accordez le droit commun tout entier des associations aux catholiques, vous allez leur donner dans l'État une puissance formidable.
Vous faites une loi pour les étrangers
    Mais est-ce même le droit commun de la loi de 1901 que vous nous concédez ? Non. Vous nous donnez la loi de 1901, mais pas toute la loi de 1901. Votre projet nous énumère, en effet, limitativement les seuls articles de la loi de 1901 dont les catholiques pourront se servir.
    Il y a un article de la loi 1901 que vous déclarez par conséquent applicable aux associations catholiques : c'est l'article 12.
    En visant cet article 12 vous vous dites d'avance que, lorsque le gouvernement le voudra, il pourra considérer les associations catholiques, sous prétexte que le Pape, chef des catholiques, est à l'étranger, comme dirigée par un étranger .... (Dénégation à gauche.) et qu'alors le gouvernement aura le droit de les dissoudre sans jugement, par un acte de pouvoir discrétionnaire, par un décret rendu en Conseil des ministres. (Nouvelles dénégations sur les mêmes bancs. - Très bien ! très bien à droite.)
    Vous nous parlez de droit commun; je dis que ce n'est pas le droit commun ....
    M. le président du Conseil. -  Si !
    M. de Lamarzelle. - ... Non, c'est le droit spécial, exceptionnel des étrangers. Comment pouvez-vous croire que nous consentirons jamais dans notre pays à être traités en étrangers ? Votre droit des étrangers nous n'en voulons pas; c'est ici le cas encore ou jamais de dire que nous le repoussons du pied. (Très bien ! très bien ! et applaudissements à droite.)
La comédie de la déclaration
    Et à l'heure actuelle, toute la loi que vous voulez obtenir du sénat repose sur l'espoir que cette comédie sera jouée sur tout les territoire français.
    Reste à savoir si cette comédie amènera lers résultats que vous désirez. Non; et je vais facilement vous le prouver en deux mots.
    Ce projet une fois voté, une question va se poser, au sujet de laquelle les difficultés d'aujourd'hui vont se dresser en face de vous plus vives, plus ardentes, plus aiguës que jamais.
    En effet, d'après votre loi, ce n'est pas aux déclarants, ce n'est pas à ceux qui ont joué cette comédie que l'église va être dévolue, c'est au curé que vos amis les radicaux ont désigné dans la déclaration. Et pour que la dévolution ait lieu, il faut nécessairement que ce curé approuve la déclaration qui a été faite et qui l'a désigné.
    Pour se faire attribuer l'église, il ne peut rester neutre au sujet de la déclaration, il faut qu'il y participe ouvertement, car il faut qu'il fasse avec le maire un véritable contrat.
    Dès qu'il aura l'église, ce curé devra pourvoir aux charges et quelles charges ! Nous l'allons voir tout à l'heure. Le maire ne pourra imposer imposer ces charges à ce curé malgré lui, Il faut qu'il les accepte. Vous l'avez dit d'ailleurs très nettement vous-même, Monsieur le ministre des Cultes.
    je vous cite encore :
    "Le maire a tout intérêt à le confier - l'édifice - au seul homme ou au seul groupement qui soit qualifié pour le recevoir et qui voudra bien en prendre la charge."
    Le curé consentant à conclure ce contrat, c'est le curé acceptant la déclaration, la faisant sienne.
    S'il refuse, le contrat ne peut avoir lieu, ni l'attribution de l'église non plus.
    Si donc le clergé français continue à obéir au Pape, s'il ne veut pas la déclaration, c'est toute votre loi qui tombe, parce qu'il manquera un personnage, le curé, et que, dans la comédie sur laquelle toute votre loi repose, ce personnage, c'est l'acteur principal. Les autres ne sont que des comparses destinés seulement à lui faciliter son entrée en scène.
    M. Roger Lintilhac. - C'est évident.
    M. de Lamarzelle. - Votre espoir, dès lors, votre unique espoir, c'est donc comme toujours, la désobéissance du clergé au Pape, c'est le schisme. Et pour obtenir cette désobéissance, vous employez votre moyen ordinaire, l'argent !
    Il vous faudra chercher d'autres moyens, essayer autre chose, faire loi sur loi.
    Ce projet actuel ne résout rien : il sera suivi d'autre d'autres projets qui ne résoudront rien non plus. (Très bien ! à droite.) Vous ne voulez plus faire qu'une seule chose, vous ne tendez plus qu'à un seul but : faire retomber sur le Pape la responsabilité de la fermeture des églises et de tout ce qui s'en suivra. (Très bien ! très bien ! et vifs applaudissements à droite.)
    M. le président de la commission. - C'est la vérité même.
    M. de Lamarzelle. - Eh bien, vous n'arriverez pas à faire durer longtemps l'équivoque. Car la question est simple, M. Piou vous l'a rappelé l'autre jour dans son si éloquent discours.
    "Le Pape vous a dit qu'il avait juré en recevant la tiare de conserver intacte le patrimoine moral de l'Église, sa doctrine, sa hiérarchie, sa discipline."
    Cela étant, tous comprendront que le Pape ne pouvait pas accepter pour l'Église catholique une constitution dont le principe était le principe même du protestantisme. (vifs applaudissements à droite.)
    Dans la loi d'aujourd'hui comme dans toutes celles qui la suivront, vous n'employez, vous n'emploierez jamais qu'un seul procédé : frapper des prêtres uniquement parce qu'ils obéissent au Pape dans une matière de discipline ecclésiastique donc parce qu'ils suivent la loi de leur conscience. (Très bien ! très bien !  à droite.)
    Aujourd'hui contre tout droit - contre le droit même proclamé du haut de la tribune par M. le ministre des Cultes - vous les condamnez à la misère; demain ce sera peut-être à l'exil. Vous le pouvez, vous avez le pouvoir, vous avez la majorité, la force ! mais ces mêmes moyens ont été employés bien des fois par des hommes qui, eux, avaient le pouvoir, la majorité, la force ! Et vous savez bien qu'au bout de plus ou moins de temps, ils ont dû s'incliner devant cette faiblesse toute-puissante qui s'appelle le Pape. (Très bien ! très bien ! et vifs applaudissements à droite.)
    Vous vous faites se singulières illusions si vous vous imaginez qu'on peut triompher de l'Église en faisant souffrir ceux qui la représentent. Ceux-là savent que, quelque long qu'il soit souvent, le chemin de la souffrance est, pour l'Église, toujours celui qui mène à la victoire. Ils ont pour le leur apprendre et les enseignements de l'histoire, et aussi et surtout la leçon du Christ qui, par son exemple, leur montre que le sacrifice, le sacrifice seul peul conduire son Église à la gloire et à l'immortalité. (Très bien! très bien! et vifs applaudissements à droite. - L'orateur, en regagnant sa place, reçoit les félicitations de ses collègues.)
M. Provost de Launay
    M. Provost de Launay.- Il ne nous reste plus aucune liberté, surtout la liberté individuelle que l'on a violé dans des emplois de comédie. (Appl. à droite) La liberté de la presse à été violée par des perquisitions. (Vifs appl.)
    Les liquidateurs des Congrégations se sont conduits comme des vautours (Appl.)
    Le séquestre aujourd'hui va confisquer les biens de l'Église et les dilapider. (Bruits à gauche.)
    L'orateur lit un article de journal qui reproche à M. Briand de ne pas séparer vraiment l'État de l'Église.
    En spoliant l'Église, vous attaquez la propriété, bientôt la propriété individuelle suivra. (Appl. à droite)
    M. de Chamaillard. - Vous attaquez la hiérarchie catholique et vous voudriez la détruire. Vous l'avez bien prouvé en détruisant l'article 4 par l'article 8 de la loi de la séparation..
    Vous attaquez le Pape parce qu'il est faible. Ah ! si, comme d'autres, il était fort ! (Vifs appl. à droite!)
    Nous ne sommes pas des révoltés, mais nous résisterons, et violemment s'il le faut. (Appl.)
M. Briand
    M. Briand. - Il s'agit ici de faire passer les responsabilités de la situation sur ceux qui les méritent. Le gouvernement est à l'aise sur le terrain qu'il a choisi et dont il ne sortira pas.
    De contact en l'Église et l'État il n'en reste plus. (sourires.) Les églises sont ouvertes, on peut prier.
    voix à droite. - Et l'église d'Azay !
    M. Lintilhac. - Vous interrompez pour être affichés.
    M. Briand. - Nous aurions voulu que les catholiques s'assouplissent à la loi de 1905. On nous a dit que le pape ne pouvait s'y plier, les électeurs, eux, se sont prononcés.
    M. Delahaye. - Parce qu'ils ont été trompés. (Appl. à droite.)
    M. Briand. - De grands laïques, l'ensemble du clergé, les évêques, ont cru que la loi pouvait être acceptée. (Appl. à gauche.)
    M. de Lamarzelle. - Je vous renvoie à M. Piou. (Appl. à droite.)
    M. Briand. - Comment une association composée exclusivement de curés pourrait-elle être contre l'Église ? (Bruit.) La majorité des évêques désirait se soumettre. (Appl. à gauche.)
    M. Halgan. - Vous les calomniez ! (Bruit.)
    M. Briand. - Un cardinal après la deuxième assemblée a fondé une association. J'ai vu là une obéissance très douloureuse.
    Parce que l'association était légale et seulement pour cela on l'a condamnée.
    J'ai vu bien des membres du clergé. je les connais, je compatis à leur tristesse.
    M. Delahaye. - Bourreau ! (Bruit prolongé.)
    M. le président. - Monsieur Delahaye, je vous rappelle à l'ordre
    M. Briand. - Si à Rome on n'avait pris certains moyens irrésistible de faire pression sur la conscience du clergé, il se soumettrait à la loi, s'il obéissait à la loi il serait réduit à l'état de loques humaines. (bruits)
    Il y a des prêtres et des évêques honorables qui se sont crus le droit de venir causer avec moi. (Appl. à gauche.) Et ceux là, ils sont peut-être déjà jugés et condamnés. (bruit.)
    Cette circulaire n'était pas fantaisiste, elle s'appuyait sur des textes. Pourquoi la garantie d'ordre public résultant de la déclaration serait-elle supprimée ?
    A droite. - Cette déclaration n'était pas légale.
    M. Briand. - Ce n'est pas pour cela que le pape l'a rejetée (Appl. à gauche.)
    Nous n'avons pas voulu de violence; nous voulons seulement être appuyés par des mesures nécessaires.
    La question est assez grave pour que les lois soient complétées.
    Le projet actuel a pour objet de mettre l'Église dans l'impossibilité, même malgré sa volonté tenace, de sortir de la légalité. (Appl. à gauche.)
    Nous ne voulons pas persécuter. Nous voulons frapper l'Église à coup de libertés. ( Appl. à gauche.)
    M. Delahaye. -En pressant les têtes .
    M. Briand. - Vous ne voulez pas de privilèges. Vous voulez être pauvres et libres.
     A droite. -Oui ! oui! (Exclamations à gauche.)
    M. Briand. - Voilà la nouvelle loi (Appl. à gauche.)
    Nous vous dispensons de ce qui vous gênerait dans les réunions publiques; nous vous laissons le bénéfice de la police des cultes.
    Aujourd'hui, M. de Lamarzelle a dit qu'il obéissait à Rome même pour la discipline, mais jusqu'où ira son obéissance ?
    M. de Lamarzelle. -  Il ne s'agit que de l'organisation du culte.
    M. Briand. - Rome nous fait déjà savoir que le veto sera opposé à notre projet. On voudrait nous conduire au delà de ce que la dignité du gouvernement me permet. On veut toujours nous mener plus loin.
    M. de Castelnau m'a demandé la loi de 1901, le Pape a réclamé le droit commun. Nous venons consacrer ces deux désirs. (Exclamations à droite.)
    A qui donnerons nous les biens ?
    M. de Lamarzelle.- Au curé.
    M. Briand. - Comment définir le curé et l'évêque. D'ailleurs nous nous trouverons toujours en face de Rome aussi bien préoccupé à prendre des garanties sur le clergé que sur le gouvernement, (Appl. à gauche.) et d'exercer des influences dont nous ne pouvons préciser l'origine.
    A gauche. - L'Allemagne. (Bruit.)
    M. Briand. -  Converser serait dangereux, ce serait se placer dans un engrenage. La lutte s'établirait entre deux forces: nous ne pourrions céder de plus et le Pape ne nous rendrait rien.
    Le pape nous demanderait   l'appui du bras séculier, sans lequel je me demande si l'Église peut vivre dans ce pays (Exclamations à droite.)
    L'État n'a pas à pénétrer dans les consciences. Le citoyen doit choisir librement les moyens de consoler sa souffrance.
    Si nous marquons les églises d'une servitude particulière, les citoyens pourront y aller librement. Laissant la jouissance au curé, nous lui imposons naturellement la charge de l'entretien.
    La reconnaissance d'utilité publique n'est pas compatible avec la neutralité de l'État.
    L'église n'est pas affectée à un culte fantaisiste mais au culte catholique. Les tribunaux jugeront les conflits.
    Une fois la loi votée, quoi que fasse l'Église catholique, il lui sera impossible de sortir de la loi; elle sera dans la légalité malgré elle, et si elle veut continuer la lutte et pousser à bout les catholiques de ce pays, il faudra que le Pape donne ordre aux curés de cesser l'exercice du sacerdoce, de déserter les églises.
    M. Knihgt demande l'affichage.
    L'affichage proposé est voté malgré les protestations de MM. Halgan et Le Provost de Launay.
    M. Brager de La Ville-Moysan. - L'Église ne pouvait se plier à une loi contraire à sa hiérarchie.
    On nous présente aujourd'hui une loi qui n'est pas davantage acceptable.
    Sans révolte violente, nous saurons faire respecter nos droits. (appl. à droite)
    M. Delahaye lit de nombreux documents maçonniques prouvant que la F. M. a préparé la séparation et en poursuit l'exécution.
    M. le marquis de Carné., président du groupe de la droite, pressé par l'heure tardive, déclare :
    "Je viens donc, au nom de mes amis et au mien, expliquer pourquoi nous voterons contre le passage à la discussion des articles,
    "Nous avons voté contre la loi du 9 décembre 1905; la séparation de l'Église et de l'État, l'abolition du Concordat sans entente entre les deux parties contractantes ne pouvaient amener, dans l'application de la loi, que le désordre et la confusion à laquelle nous assistons. Les circulaires ministérielles, avec la prétention d'en adoucir les rigueurs, sans souci même d'en altérer le caractère, n'ont pas mieux réussi: la nécessité d'une loi nouvelle apparaît comme indispensable au Gouvernement, non pas dans un but de justice et d'apaisement, mais aggravant, pour les catholiques, une situation déjà intolérable. C'est la consécration du système de spoliation et de confiscation immédiate soumis à votre vote, c'est la suppression pure et simple des allocations, c'est l'établissement de l'arbitraire administratif et la menace de la désaffectation et de la fermeture des églises, c'est enfin l'atteinte la plus odieuse en même temps à la liberté de conscience et à la liberté de l'exercice du culte. Nous refusons de prendre part à la discussion des articles d'un semblable projet, laissant à ceux qui le présentent et à ceux qui le voteraient la responsabilité d'un acte contre lequel notre conscience de catholiques ne saurait trop protester. "
    Cette déclaration porte 23 signatures
    MM, le marquis de Carné, le vice-amiral de Cuverville, le vice-amiral de la Jaille, G. Bodinier, Merlet, G. de Lamarzelle, Le Cour Grandmaison, Dominique Delahaye, le comte de Tréveneuc, Halgan, Le Provost de Launay, le général de Saint-Germain, Maillard, A. Ollivier, Paul Le Roux, Brager de La Ville-Moysan, le comte de Goulaine, Ch. Riou, H. de Chamaillard, de Béjarry, Haugoumar des Portes, le comte de La  Bourdonnaye, le comte de Pontbriand.
    Le passage à la discussion des articles est prononcé par 185 voix contre 87
    La séance est levée

Note personnelle : L'intervention de M. Briand est rapportée avec beaucoup de partialité par ce journal qui lui était foncièrement hostile.

La discussion des articles de la loi commence aujourd'hui par un discours de M. Gourju, après le rejet d'une motion d'ajournement déposée par M. Gaudin de Villaine.
Séance du samedi 29 décembre
    M. Dubost ouvre la séance à 2 heures
    MM. Brager de La Ville-Moysan et Delobénu déclarent qu'ils ont voté hier contre le passage à la discussion des articles de la
Loi sur le culte
    M. de Gaudin de Vilaine dépose une motion préjudicielle d'ajournement.
    - Les ruines matérielles et morales accumulées dans ce pays viennent de la conduite du gouvernement. Au lieu de projets successifs inévitablement inefficaces, il faut que le gouvernement nous présente un projet définitif qui correspondent aux demandes du Saint-Siège.
    Faisons une séparation au moins aussi libérale que celle du Brésil. (Très bien ! à droite.)
    M. Maxime Lecomte. - La commission et le gouvernement repoussent l'ajournement.
    La motion est rejetée par 198 vois contre 59
M. Gourju
    M. Gourju. - Je viens préciser l'attitude que doivent tenir ici les républicains progressistes et qui sera conforme à celle qu'ils ont tenue lors de la discussion de 1905.
    Nous n'avons en vue que l'intérêt du pays dans le maintien de la paix publique.
    La discussion présente apporte de revanche de revanche à mon intervention dans la discussion générale de la loi de séparation. Je disais alors: "Pourquoi créer un droit exceptionnel puisque nous avons fait la loi sur les associations". Mais le Sénat a voulu aller vite, il a rejeté tous les amendements. Aujourd'hui le gouvernement est obligé de nous demander ce que je vous proposait. (Très bien ! au centre.)
    M. Gourju rappelle ses paroles dans lesquelles il le reconnaît, il ne prévoyait pas la réponse de Rome et se prononçait en faveur des inventaires
    M. Gourju. - Pour bien comprendre les événements, il faut revenir en arrière : à notre rupture avec Rome, qui a été une faute.
    M. Vallé. - Rome n'aurait pas dû commencer (Exclamations.)
    M. Gourju. - Vous avez une singulière façon d'expliquer les événements, j'espère que vous nierez pas que notre ambassadeur le premier a quitté Rome.
    Le gouvernement a commis une faute grave en rompant les relations au moment où il était le plus nécessaire de causer pour préparer la situation nouvelle.
    N'auriez-vous pas voulu même faire cela vous auriez dû faire la signification diplomatique officielle de la rupture du pacte concordataire. Voilà ce que dictait la sagesse.
    A gauche. - C'est de l'histoire ancienne !
    M. Gourju. - Elle a quelquefois du bon quand elle éclaire les événements. Et mieux vaudrait que notre ministre des Cultes aille connaître les intentions du Saint-Siège à Rome de les recueillir par des voies indirectes.
    Quand vous avez rompu diplomatiquement, vous avez fait un acte que tous les pays considéreraient comme une déclaration de guerre.
    Vous étonnez-vous après cela des réponses du Pape qui m'ont étonné et affligé ?
    Vous avez déclaré la guerre. On vous porte des coups, peut-il en être autrement. (Très bien ! au centre.)