C'est moi qui met le passage en relief ....
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Entreprises et dynasties familiales donnent ainsi la marque
de la banque comme de l'industrie, avec la fragilité que crée
chaque succession, telle celle des Perret-Olivier de Lyon qui, pour des raisons
d'ordre personnel, vendent leurs usines chimiques de Lyon à Saint-Gobain-
de sorte que bientôt sociétés anonymes et sociétés
en commandite par actions apparaissent à côté des entreprises
familiales. C'est une autre histoire qui commence lorsque la formation du
capital et son augmentation, le choix des membres du conseil d'administration,
aboutissent à l'apparition d'un capitalisme d'un type nouveau, plus
anonyme.
Cet anonymat renforce le secret dont s'autorise, en France,
tout ce qui concerne l'argent, la finance. " En bouche close, n'entre mouche"
disait déjà Jacques Cœur. Un des mérites de Jean
Garrigues* a été de montrer ce que la mémoire n'avait
pas retenu de l'action des " républicains ", Gambetta, Ferry, Grévy,
à savoir qu'après avoir stigmatisé le règne de
l'argent sous le Second Empire, ils n'ont en rien arraché la démocratie
parlementaire à ce monde des affaires: par une sorte de contrat, celui-ci
a aidé la République à payer l'indemnité de guerre
à l'Allemagne, à redresser les finances de l'Etat, pour autant
que le régime les sauvait des " rouges" et des légitimistes.
Mais en échange il devait répondre par le paternalisme ou la
répression aux revendications de la classe ouvrière,
et, au plan économique, l'État devait lui concéder des
avantages dans les chemins de fer, l'équipement de la métropole
et des colonies, etc. Des hommes comme Léon Say, ministre et banquier,
bras droit des Rothschild, Freycinet, ministre des Travaux publics, Henri
Germain, fondateur du Crédit Lyonnais, incarnent cette alliance qui
se place sous le sigle du centre gauche.
L'imbrication qui s'est nouée entre milieux d'affaires
et représentation politique sécrétait nécessairement,
en France comme ailleurs, abus et corruption. La brigue électorale
prend la relève de la candidature officielle. Dans L'Argent caché
, J.-N. Jeanneney cite le témoignage d'Alfred Mascuraud, une ou deux
décennies plus tard, président du Comité républicain
du commerce et de l'industrie, qui recueillait et distribuait les fonds électoraux:
"Je n'ai fait aucune écriture (...) vous ne trouverez pas trace d'une
élection, il n'existe rien. Quand les élections sont faites
tout est terminé chez nous. Soyez convaincu que ce que nous avons
fait personne ne l'a jamais su. "
Plus le silence est grand, plus le scandale éclate...
Le krach de l'Union générale en 1882 avait
illustré la lutte de la haute finance catholique contre la haute finance
protestante et israélite; les petits porteurs furent les victimes.
L'affaire de Panama, en 1892, met en cause cent quatre " chéquards
" qui ont reçu de l'argent pour faire passer à la Chambre le
vote d'un emprunt destiné à renflouer la Compagnie de
Panama, que dirigeaient Ferdinand de Lesseps et Bunau-Varilla qui fut
directeur du Matin. Apparaissait aussi la complicité de la
presse, qui s'était tue dans tous les camps, puisque étaient
compromis aussi bien Rouvier que Clemenceau ou Simon Reinach : quatre-vingt
mille épargants étaient encore ici ruinés.
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Page 306 de l'Histoire de France par Marc Ferro - Editions Odile
Jacob 2001
* Jean Garrigues La République des hommes d'affaires, 1870-1900
Paris Aubier 1997