Chambre des députés ; 7 mars 1882 :
Discussion sur la prise en considération
d'une proposition de loi tendant à l'abrogation du Concordat.
M. le président : L'ordre du jour appelle la discussion
sur la prise en considération d'une proposition de loi de M. Charles
Boysset et d'un grand nombre de ses collègues, tendant à
l'abrogation du Concordat.
La commission d'initiative conclut à la prise
en considération.
La parole est à M. Freppel
M. Freppel :Je demande à
la Chambre la permission de lui exposer les raisons pour lesquelles je
m'oppose à la prise en considération de la proposition de
M. Boysset, ....
... je n'ai aucunement l'intention d'entrer dans le fond du débat,
..... M'attachant à la forme.... .
Ma première raison, c'est que sous la forme
où elle se présente, la proposition est contraire au droit
international, au droit des gens.... (Exclamation à gauche)
....
Que dit, en effet, l'article 1er de la proposition
....? "Le Concordat du 23 fructidor an IX ( 10 septembre 1801) est abrogé."
Or, messieurs, j'ai à peine besoin de vous
le faire remarquer, on abroge des lois, mais on n'abroge pas des traités.
(Très bien ! à droite.)
M. Édouard Lockroy : On les dénonce !
M. Freppel : On peut les modifier d'un commun accord, on peut même les dénoncer dans certains cas, mais il est impossible de les abroger comme s'il s'agissait d'une simple loi, parce que les traités ne résultent pas de la volonté d'un seul, mais du consentement mutuel des deux parties contractantes ( Très bien ! à droite - Interruption à gauche.)
M. Madier de Montjau : Et exécutant leur contrat !
......
M. Freppel : .....
Donc, la proposition de M. Boysset .... est contraire
au droit international, au droit des gens et, ..., la Chambre ne saurait
la prendre en considération sans confondre toutes les notions reçues
dans un monde civilisé, sans blesser la bonne foi et la parole donnée.
(Très bien ! à droite.)
...
La deuxième raison, ..., c'est qu'elle s'appuie
sur une doctrine à laquelle vous ne pouvez vous associer, ... ,
sans porter un grave préjudice aux intérêts de l'État.
Voici cette doctrine :
"Tout d'abord, il faut reconnaître que nous,
République française de 1881, nous ne sommes à aucun
titre les héritiers de Napoléon Bonaparte et du 18 brumaire,
et que nous ne pouvons être liés par un tel contrat."
En vérité, ..., pouvez-vous prendre
en considération une proposition appuyée sur une pareille
doctrine ? Comment, vous n'êtes pas liés par les contrats
signés signés par les gouvernements qui vous ont précédés
! Dire que vous n'êtes pas liés par l'un de ces contrats,
c'est dire que vous n'êtes liés par aucun. ( Vive approbation
à droite.)
...
Est-ce que vous ne jetteriez pas à l'instant
même un trouble profond dans vos relations diplomatiques ? Est-ce
que vous ne mettriez pas en défiance contre vous toutes les nations
envers lesquelles vous tient des contrats signés sous les régimes
précédents, ... .
Je prie la Chambre d'y réfléchir sérieusement
avant de prendre son parti, ... .
La troisième raison ... , c'est que, sous
la forme où elle se présente, elle est inconstitutionnelle
( Oh !oh ! à gauche.)
...
Aux termes de l'article 8 de la Constitution, c'est
à M. le Président de la République qu'il appartient
de négocier et de ratifier les traités ; toutefois, cette
ratification n'est définitive qu'après le vote des deux Chambres.
Par une conséquence toute simple,..., c'est
à M. le Président de la République qu'il appartient
également de dénoncer les traités ;.....
J'aurais donc compris, messieurs, que ... l'on fût
venu vous soumettre une résolution conçue dans ces termes,
... : "La Chambre invite le Gouvernement à négocier, à
s'entendre avec la haute partie contractante ..." ( Exclamations ironiques
à gauche.) .... de 1801, ... à l'effet de s'entendre et de
négocier avec elle pour arriver soit à une modification,
soit à la dénonciation du Concordat". Cette proposition,
je l'aurait combattue, mais je l'aurais comprise. ... Mais prendre en considération,
..., une proposition qui se borne ... à dire " A partir de telle
année et de tel jour, le Concordat est aboli", cela n'est ni dans
votre rôle ni dans vos attributions. Vous empiétez sur le
pouvoir exécutif ....
...
Enfin, messieurs, et c'est ma dernière raison,
la proposition de M. Boysset ... me paraît tellement exorbitante,
elle a des conséquences si grave, qu'il n'est pas possible à
la Chambre de la prendre en considération sans jeter le trouble
dans la vie publique de la nation tout entière. (très bien
! à droite.)
Comment ! messieurs, ..., à partir du 1er
janvier 1883, c'est à dire dans neuf mois, toutes les églises
métropolitaines, cathédrales, paroissiales, cesseront d'être
à la disposition du culte catholique ! Trente-cinq millions de catholiques
n'auront plus de local ... (protestation à gauche.)
M. Madier de Montjau : Il n'y a pas trente-cinq millions de catholiques en France !
M. Freppel : Trente-cinq millions de catholiques, c'est le chiffre officiel ... ( Nouvelles protestations à gauche
A droite. Très bien ! très bien
! - C'est exact!
A gauche. Comment le savez-vous ?
M. Freppel : C'est le chiffre officiel, je n'en connais pas d'autre.
Trente-cinq millions de catholiques n'auront plus
de lieu de réunion pour y célébrer leur culte.
Comment,... , 45 000 prêtres vont se trouver
sans logement, sans traitement, c'est à dire sans abri et sans pain
!
A droite. C'est ce que veulent les auteurs
de la proposition
Voix à l'extrême gauche. Ils
travailleront !
...
Et cela, en vertu d'une proposition qui, dans
sa concision radicale, ne stipule même pas une pension, une indemnité.
Et c'est une proposition pareille que l'on vous demande de prendre en considération
! ...
...
Je n'ajouterai plus qu'un mot, ....
Il y a douze ans, ce pays, qui nous est si cher
à tous, subissait la plus cruelle humiliation qu'il ait peut-être
connue dans le cours de sa longue histoire.
Après de tels désastres ...qu'est-ce
qui s'imposait de soi à la nation réduite et amoindrie ?
Se replier sur elle même et, dans l'isolement ..., raviver toutes
les forces qu'elle trouvait en son sein, refaire son capital intellectuel
et moral,..., travailler à rétablir l'union parmi les enfants
d'une même patrie ( Très bien! très bien ! et applaudissement
à droite - Interruptions à gauche)
Voilà ce qu'avait fait la Prusse au lendemain
de la bataille d'Iéna, ..., Eh bien, messieurs, au lieu de cela,
..., que voyons nous ? Des querelles religieuses venant se greffer sur
nos dissensions civiles, la guerre déclarée ouvertement à
l'une des puissances historiques et traditionnelles du pays,... , une tentative
pour rompre, pour déchirer le pacte fondamental qui, depuis 80 ans,
a su maintenir dans ce pays l'union religieuse et la paix des consciences.
(applaudissement à droite)
.....
M. le président : La parole est à M. Boysset.
M. Charles Boysset. ....
Sans entrer dans le fond du débat, il faut
considérer rapidement rapidement l'état actuel des choses.
Or, voici la situation évidente et indéniable. Nous sommes
en présence d'une domination qui date non pas d'hier, mais qui,
de tout temps, a produit ses prétentions ambitieuses en vertu d'une
doctrine que chacun connaît.
La France a-t-elle été troublée
par les agitations pieuses de ces dernières années ?
...
Ce sont là des faits connus,... que personne
n'a pu oublier, qui sont encore présent à tous les souvenirs,
et qui ont constitué pour le pays des embarras et des périls
...
Plusieurs vois à droite, ironiquement.
Le 16 mai !
M. Charles Boysset : Oui, le 16 mai, et il y a d'autres faits
encore ; il y a d'autres dates ...
Un membre à droite. Oui, la Commune
!
M. Charles Boysset : Dès 1808, l'esprit d'agitation s'est
montré contre le restaurateur, ..., du culte catholique en France.
Et depuis lors, il ne s'est jamais passé une longue période
sans que que ces agitations se reproduisent, s'accentuent et s'aggravent
sans cesse et mettant en éveil de défense tous les gouvernements.
1825, 1845, 1865 en sont témoins. Aujourd'hui, le mal s'est installé
en permanence partout.
Oui, messieurs,... ; il y a un effort violent et
obstiné de domination sur la France, et non pas seulement en France,
mais sur la Belgique, sur l'Autriche, sur l'Allemagne, sur l'Italie et
même au-delà de l'Atlantique ; au Mexique, au Brésil,
au Venezuela, partout on voit l'Église, avec ses souvenirs d'antique
prédominance, avec sa mission qu'elle proclame d'origine divine.
Oui, certes, l'honorable M. Freppel a raison de
le dire, il y a là une situation sérieuse et grave....
...
[il avait déclaré] qu'il y avait là un traité,
... , qui ne pouvait être abrogé ... sans le consentement
des deux parties, ..., que le Président de la République
seul pouvait prendre en main cette grande cause ...
Tout cela revient à dire qu'il y a là
un traité qu'il faut respecter pour ainsi dire à l'infini...
(dénégation à droite)
M. Freppel. Non, seulement entendez-vous avec l'autre partie contractante.
M. Charles Boysset. .... Qu'est-ce que la partie contractante ?
M. Freppel : Demandez-le à M. de Bismarck, qui négocie en ce moment avec le Saint-Siège.
M. Charles Boysset : ...
Je demande quel est l'auteur, quel est le signataire
du traité dont il s'agit ? C'est l'homme de 1801. C'est le premier
consul. Je demande encore si mes collègues, sur quelques bancs qu'ils
siègent, .... nous sommes les continuateurs de Napoléon Bonaparte?
....
Eh bien, moi, je ne comprendrais pas une si monstrueuse
théorie et de si étranges affirmations.
Quoi ! nous, héritiers du premier consul,
liés par les marchés qu'il a contractés au profit
de son ambition, alors que tout se transforme autours de nous, alors que
nous avons traversé six révolutions successives, alors que
tout s'est élevé, amélioré, complété
dans le domaine de l'industrie, de la science, de l'émancipation
politique définitive ?
Franchement, pourriez-vous comparer la situation
sociale de 1801 avec les éléments généraux
de notre situation présente ? Une telle assimilation serait insoutenable.
Autorité politique, mécanisme gouvernemental, état
de la société, tout est nouveau, tout est transformé
profondément.
Mais il y a plus : de l'autre côté,
comme contractant, qui trouvons-nous ? Le chef de l'Église catholique.
Or, deux faits considérables se sont produits
depuis 1801: il y a d'abord cette publication bruyante du Syllabus,
cette charte solennelle de l'Église catholique, qui est la négation
de la civilisation moderne (Applaudissement à gauche. - Rumeurs
à droite)
...
J'entend M. Paul
de Cassagnac, qui est un fervent catholique s'écrier: Ce n'est
pas une loi d'État ! sans doue ; mais j'entends en même temps
M. Freppel lui répliquer: C'est une loi de l'Église ! Et
M. Freppel a toute compétence ; car c'est lui qui, en pleine chaire
de la Madeleine, qualifiait le Syllabus de cette exacte qualification
à laquelle je faisais allusion tout à l'heur :"C'est la charte
de l'Église !"
Voici donc un fait absolument nouveau d'une immense
porté.
Vous avez en face de vous un ensemble doctrinal
émané de la plus haute autorité morale qui se puisse
concevoir, et ce document solennel est une violente et hautaine négation
de tous les principes de la civilisation moderne. ... (applaudissement
à gauche ) Le voici, ce Syllabus, je pourrais en lire
des extraits, si je craignais de fatiguer la Chambre et de dépasser
la mesure des observations sommaires dans lesquelles je dois me circonscrire.
mais enfin, il faut rappeler les choses et leur
restituer leur sens, leur portée, hostile à la France républicaine.
(Interruption bruyante à droite.)
M. Paul de Cassagnac : cela n'a aucun rapport avec le Concordat !
M. le président : Monsieur de Cassagnac, laissez l'orateur suivre sa discussion. Recueillez les arguments et vous y répondrez.
M. Paul de Cassagnac : Il est impossible de les recueillir.
M. le président. Il n'a jamais été plus nécessaire d'écouter l'orateur; son argumentation n'irait à rien moins qu'à établir que le chef de l'Église, par la publication de l'Encyclique, aurait pris lui-même l'initiative de la dénonciation du Concordat. (Applaudissement à gauche - Réclamation à droite)
M. Cuneo d'Ornano : Comme président vous n'avez pas à appuyer la thèse de l'orateur.
M. le président : Je n'examine pas la thèse, je
dis que c'est là celle de l'orateur, et je vous prie de bien vouloir
l'écouter précisément pour pouvoir la réfuter,
s'il vous convient. (Nouveaux applaudissements à gauche)
........
M. Charles Boysset : L'encyclique et le Syllabus
de 1865, je l'affirme, ont profondément modifié la situation,
et cela est si vrai que dans la catholique Autriche, où régnait
le concordat de 1855, après la publication du Syllabus
et surtout après les résolutions du concile instituant l'infaillibilité
papale, ce concordat de 1865 a été purement et simplement
brisé.
....
Mais il y a un autre fait plus considérable
encore et plus décisif : c'est la doctrine de l'infaillibilité.
En vertu des solennelles décision du concile
oecuménique, vous avez en face de vous, maintenant, un homme qui
n'est plus un homme en vérité, mais un Dieu doué d'impeccabilité
et d'infaillibilité ... Exclamations et rires à droite)
....
M. Freppel : Quel rapport cela a-t-il avec le Concordat ?
M. Charles Boysset : .... Vous n'avez plus de traité à
maintenir : vous êtes placés, depuis 1870, en face d'une domination
d'origine divine qui ne peut accepter ou souffrir ni discussion, ni injonctions,
ni remontrances de l'autorité civile, qui logiquement se proclame
supérieure à toutes les puissances et que nul traité
ne peut obliger que selon son bon plaisir.
...
Dans de telles conditions, le Concordat n'existe
plus. Il est à la discrétion du chef de l'Église,
et les évêques montrent assez leur sentiment à cet
égard.
M. Freppel : L'infaillibilité est un pouvoir d'ordre religieux et non d'ordre temporel.
M. Charles Boysset : Oui, je le répète, à
cette heure, il n'y a plus de Concordat.
Au fait, l'exécutez-vous ? Perpétuellement
vous vous appliquez à en tourner les textes et à les ruiner
même, ne respectant à peu près que cette intéressante
prescription qui vous assure cinquante-et-un millions de dotation annuelle.
(Applaudissement à gauche)
...
... Le vieux traité de 1801 est mort, et ce que nous proposons
à la Chambre, c'est d'enregistrer ce décès que le
temps et les événements ont à cette heure complètement
effectué.
Nous disons à l'Église : Délivrez-nous
de ces liens qui nous enchaînent à des institutions selon
nous défectueuses et répulsives. Vous ne pouvez qu'y gagner
en dignité et en liberté.
Nous disons à ceux qui sont en-dehors de
l'Église : Prononcez cette rupture qui, seule, peut assurer la paix
parmi nous et mettre un terme à une situation qui est le désordre
et l'incohérence. Ou du moins, ouvrez la porte à une étude
approfondie des rapports qui doivent exister, au nom de l'ordre, entre
l'État laïque et les diverses associations religieuses.
....
M. de Freyssinet, ministre des affaires étrangères,
président du conseil : Messieurs, ..., Je n'ai qu'un mot à
dire : Si la prise en considération devait entraîner le vote
du fond, ou simplement le préjuger, le Gouvernement serait à
cette tribune pour combattre la prise en considération ( très
bien! à droite.). Mais ... il voit dans la proposition de l'honorable
M. Boysset autre chose que cette proposition elle-même : il voit
pour la Chambre l'occasion d'entrer, à une date prochaine, dans
un débat qui ne me paraît pas pouvoir être indéfiniment
ajourné. (Très bien ! à gauche et au centre.)
Il y voit l'occasion d'aborder et de traiter et
de traiter sous toutes ses faces l'immense question du régime légal
des Églises, des rapports qui doivent exister entre les Églises
et l'État.
Cette question a joué un trop grand rôle
dans ces derniers temps, elle occupe dans l'opinion publique une trop large
place ... (très bien ! à gauche), pour qu'elle ne soit pas
traitée à fond et, je le répète, sous tous
ses aspects.
Voilà plusieurs années que, sous des
formes diverses, ce débat s'ouvre toujours par quelque côté,
et ne peut jamais prendre tout son développement. Tantôt à
propos du budget des cultes, tantôt à propos de l'ambassade
au Vatican, tantôt, comme aujourd'hui, à propos du Concordat
..
Un membre à gauche. Et à propos
de la loi militaire !
...
M. de Freyssinet : ....
Encore une fois, c'est pour cela que, tout en réservant
notre droit de combattre la proposition et notre intention de maintenir
pendant un délai que nous ne pouvons fixer le Concordat, sans en
relâcher les liens, nous provoquons ceux qui sont d'un avis contraire
à venir dans un bref délai à cette tribune, exposer
leurs raisons afin que cette grave question puisse de là se répandre
dans le pays sous un jour nouveau avec les lumières que ce débat
aura fait jaillir ...(Interruptions à droite); et que, si des solutions
différentes doivent intervenir plus tard, elles puissent ainsi être
préparées et mûries par la discussion parlementaire.
(Applaudissement au centre, à gauche et à l'extrême
gauche.)
...
M. Jules Steeg, rapporteur : ....
Nous n'avons pa cru qu'il fût possible d'écarter
dédaigneusement, par une fin de non-recevoir, par une sorte de question
préalable, une proposition signée par une centaine de membres
de cette Chambre, qui auraient pu être facilement deux cents si on
s'était donné la peine de recueillir d'autres signatures.
Nous n'avons pas cru digne de nous d'écarter
une proposition provenant non seulement d'un grand nombre de députés,
mais encore des collèges électoraux qu'ils représentent
... ( Vive approbation à gauche), des électeurs très
nombreux qui, en dehors de ces collèges électoraux, sont
également partisans de la séparation des églises et
de l'État.
Nous avons cru qu'il y avait en France un trop grand
nombre de personnes préoccupées de telles questions pour
que nous eussions le droit de les écarter dédaigneusement
sous un prétexte quelconque.
Et quand à l'objection qui qui a été
apportée par deux fois à cette tribune, nous ne l'avons même
pas discutée longuement.
M. Freppel : Vous avez eu tort !
M. le rapporteur : Il ne nous a pas semblé que les décisions des représentants du peuple pussent être tenues en échec par des conventions avec une puissance métaphysique ...( Vive réclamation à droite. - Applaudissements à gauche )
M. de La Rochefoucault, duc de Bisaccia : Vous êtes protestant, vous n'avez pas le droit de parler ainsi !
M. Paul de Cassagnac : Vous êtes un renégat du protestantisme ! ( Exclamations et cris : A l'ordre !
M. le président : ... l'expression" métaphysique" n'est une injure pour personne. (Applaudissements à gauche)
M. de La Rochefoucault, duc de Bisaccia : C'est une expression inconvenante !
M. le président : Quant à l'expression de renégat,... , elle ne peut être tolérée, et si vous ne la retirez pas, je vous rappellerai à l'ordre.
M. Paul de Cassagnac : Monsieur le président, il m'est très difficile de retirer.. (A l'ordre ! à l'ordre !) ... de retirer ce qui est pour moi un fait vrai, exact et historique. Je maintient le mot.
M. le président. En conséquence, je rappelle M.
de Cassagnac à l'ordre.
Continuez, monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur : Il n'est point douteux pour nous que nous
ayons le droit de décider comme nous l'entendons des rapports que
nous voulons avoir avec des associations quelconques dans notre pays. Nous
avons considéré que les Églises sont des associations
de citoyens qui sont régies par les lois du pays où ils habitent
..( TRès bien ! à gauche) et qu'il n'y a point là
une question internationale ni de droit des gens ( Très bien ! très
bien ! sur les mêmes bancs.) et qu'il n'y a point là une question
internationale ni de droit des gens ( Très bien ! très bien
! sur les mêmes bancs.)
Il n'est pas du tout dans notre esprit que nous
soyons en présence de deux nations différentes ..
A gauche. C'est cela !
Nous croyons qu'il n'y en a qu'une. Il ne nous appartient
pas de diviser notre peuple en deux nations ayant ainsi des rapports de
droit des gens, ou dont l'une aurait des rapports internationaux avec le
dehors. Quand il s'agit de nos institutions françaises, elles ne
regardent que l'État français (Très bien ! très
bien ! à gauche)
M. Levert : Alors pourquoi avons nous un ambassadeur au Vatican ?
M. le rapporteur : Ce n'est pas moi qui l'y ai envoyé.
...
Nous affirmons ainsi notre droit à nous régir
nous mêmes, à nous soustraire à la domination étrangère
et à ne point permettre à des puissances du dehors d'intervenir
dans les rapports des citoyens français entre eux et des citoyens
avec l'État.
...
ce n'est donc pas, ..., une proposition particulière
que nous désirons voir discuter, mais c'est tout l'ensemble des
conditions qui doivent régir les temps modernes, ..., les rapports
des associations religieuses avec l'État laïque. par conséquent,
lorsque tout à l'heure vous aurez voté, ..., la prise en
considération de la proposition relative à l'abrogation du
Concordat, nous vous demandons de considérer cette proposition comme
plus large qu'une proposition de loi spéciale et de donner à
la commission qui sera nommé" pour l'étudier un nombre double
de membres. Nous sommes persuadés que vingt-deux ou trente-trois
membres ne seraient pas de trop.
M. Laroche-Joubert : Pourquoi pas quarante-quatre ?
M. le rapporteur : En 1848,- un de nos collègues y faisait peut-être allusion sans le savoir - il y eu un comité des cultes composé de quarante-deux membres, parmi lesquels se trouvaient un certain nombre d'ecclésiastique, dont quatre évêques. Nous ne demandons pas un comité de quarante-deux membres, ni d'appeler quatre évêques ...
M. Freppel : Vous ne m'y admettriez pas !
M. le rapporteur : ... mais nous croyons qu'il ne serait pas mauvais d'en désigner un. Il faut que cette commission puisse étudier dans son ensemble et sous toutes ses faces la question si grave qui nous préoccupe aujourd'hui, et qui ne cessera de nous agiter que lorsque nous l'aurons résolue par un mode de solution vraiment juste et pacificateur, la liberté pour tous ! (Applaudissement à gauche et au centre)
M. le président : La chambre est appelée à
se prononcer sur les conclusions de la commission.
...
Pour : 338 ; Contre 132
[ Un vote accepte ensuite une commission de vingt-deux membres]
M. Paul Bert : La prise en considération de la proposition de l'honorable M. Boysset ayant pour but principal, ..., de permettre de discuter à fond et de repousser cette proposition quand le jour sera venu, et ayant pour intérêt particulier, ..., de permettre de réunir dans une discussion commune toutes les questions relatives aux relations des Églises et de l'État, j'ai l'honneur de demander à la Chambre de vouloir renvoyer à la commission qui sera nommée la proposition relative au même objet que j'ai précédemment déposé sur son bureau ( très bien)
[proposition acceptée]