Chambre des députés
24 novembre 1878

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M. de La Bassetière. Tout en maintenant les réserves que nous avons avons déjà eu l'occasion de faire sur l'insuffisance de certains crédits, de certaines dotations, notamment en ce qui regarde les pauvres et vénérables desservants des campagnes et les bourses des séminaires, mes amis et moi nous voterons le budget  de cette année sans en discuter l'ensemble ni les détails.
    Pour agir ainsi, nous avons deux raisons.
    La première, c'est que le budget de cette année est exactement, ou à peu de chose près, le budget de l'année dernière, et ce dernier, messieurs nous estimons que nous l'avons déjà sérieusement et suffisamment discuté. Nous ne pourrions donc que nous répéter. (Assentiment à droite.)
    Le seconde raison, et la principale, c'est que le budget de 1879, comme le budget de 1878 qu'il reproduit, n'et pas en réalité, pour vous, un budget normal, un budget définitif; ce n'est pas un budget sur lequel nous puissions sérieusement raisonner pour asseoir l'espérance d'une transaction utile, suivie bientôt d'une paix solide et durable.
    A droite. Très bien ! très bien !
     Oui, grâce aux indiscrétions des ardents de votre   parti, indiscrétions qui viennent quelquefois déchirer les nuages et nous faire entrevoir la République de l'avenir, grâce à ces indiscrétions, il nous est impossible de douter que ce budget ne soit, en réalité, qu'une étape, qu'une formule de transition destinée à prévenir entre vous des discussions et des luttes que vous trouvez plus politique d'ajourner au lendemain de la victoire.

M. Bourgeois. Elle n'est pas certaine!

M. de La Bassetière. Donc, vous cornprendrez, messieurs, que les catholiques, ne sachant pas à quelles extrémités vous emporteront les principes que vous n'avez pas eu le courage de repousser dès l'abord, ou, au-contraire, quelles limites vous imposera la crainte de vous heurter, - comme cela. est arrivé dans un pays voisin, - de vous heurter au sentiment public, à cet instinct de droiture, de justice, d'honnêteté qui subsiste encore, même dans les âmes qui ne partagent plus nos croyance!. .. (Vif assentiment à droite.) vous comprendrez, dis-je, messieurs, que les catholiques se réservent et attendent, calmes mais résolus, le terrain d'exclusion et de lutte ou bien de transaction et d'accord sur lequel il vous plaira ultérieurement de les appeler.
    J'espère, messieurs, que c'est ce dernier terrain que vous choisirez ; j'espère que, revenus d'un premier emportement qui, chez certaines natures et dans certaines conditions morales et poli tiques, les emportent quelquefois nu delà du but qu'elles poursuivent, j'espère que vous reconnaîtrez, comme je crois vous l'avoir suffisamment démontré l'année dernière, que tout gouvernement, républicain ou monarchique, ne saurait, sans péril, méconnaître les véritables conditions de l'ordre et de la stabilité en première ligne desquelles je mets et vous mettrez comme moi, messieurs, la satisfaction donnée aux intérêts légitimes et supérieurs de l'âme et de la religion. (Très bien! très bien ! à droite.)
    Mais si cette espérance était trompée, si ces plans d'ostracisme et d'exclusion à l'égard de l'Église et de ses institutions venaient à se réaliser, alors, messieurs, si peu que vous nous ayez laissés sur ces bancs, grâce aux invalidations, à l'ostracisme dont nous avons été victimes... (Très bien ! très bien! à droite), .si peu nombreux que vous nous ayez laissés sur ces bancs, si inégaux que nous soyons  restés  à la tâche  , ce jour-là, sachez-le bien, messieurs, vous nous retrouverez, derniers mais fidèles témoins de la France catholique dans cette enceinte, suppléant à l'insuffisance

du nombre par la conscience de notre droit, à la faiblesse des moyens par la grandeur de la cause, et, en même temps, je tiens à l'affirmer ici, avant de descendre de cette tribune, pleins de confiance, après la protection de Dieu. .. (Très bien ! très bien ! à droite. Exclamations à gauche et au centre.)
    Sommes-nous donc déjà arrivés, messieurs, à cette époque de pression morale où le nom de Dieu ne puisse plus être prononcé à cette tribune !
    Vous nous retrouverez pleins de confiance, dis-je, après la protection de Dieu, dans la fidélité et la puissance de traditions séculaires, et, pour tout dire en un mot, dans ce sentiment chrétien dont ne peut se séparer, même après quatre-vingts ans de révolution, l'âme de la France ; dans ce sentiment, vous le savez aussi bien que moi, qui, chez un peuple essentiellement chevaleresque et généreux, se réveillerait plus sympathique et plus fier sous la persécution. (Applaudissements à droite)

M. le président. Je mets aux voix le chapitre1er :
    "Personnel des bureaux des cultes,  243.400 francs. "
    (Le chapitre 1er est mis aux voix et adopté.)
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