Journal officiel du Lundi 30 septembre 1907
Ministère de l'intérieur.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur,
du ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes et
du ministre des finances,
Vu la loi du 9 décembre 1905, concernant
la séparation des Églises et de l'État, notamment
l'article 43 ainsi conçu: "Des règlements d'administration
publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente
loi sera applicable à l'Algérie et aux colonies" ;
Vu la loi du 2 janvier 1907, concernant l'exercice
public des cultes;
Vu la loi du 28 mars 1907, relative aux réunions
publiques, notamment l'article 3 de cette loi ainsi conçu: "Des
règlements d'administration publique détermineront les conditions
dans lesquelles la présente loi et celle du 2 janvier 1907 seront
applicables à l'Algérie et aux colonies"
Vu la loi du 24 décembre 1902 portant création
des territoires du Sud, ensemble l'article 11 du décret du 14 août
1905;
Vu le décret du 30 avril 1861;
Vu les avis émis par le gouverneur général
de l'Algérie et par le conseil de gouvernement;
Le conseil d'État entendu,
Décrète:
TITRE 1er
PRINCIPES
Art. 1er.- La république assure la liberté
de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules
restrictions édictées ci-après dans l'intérêt
de l'ordre public.
Art. 2. - La République ne reconnaît,
ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à
partir du 1er janvier qui suivra la publication du présent décret,
seront supprimées des budgets de l'Algérie, des départements
et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des
cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses
relatives à des services d'aumônerie et destinées et
assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics,
tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles
et prisons.
Les établissements publics du culte sont
supprimés, sous réserve des dispositions énoncées
à l'article 3.
TITRE II
ATTRIBUTION DES BIENS. - PENSlONS
Art. 3. - Les établissements dont la suppression
est ordonnée par l'article 2 continueront provisoirement de fonctionner,
conformément aux dispositions qui les régissent actuellement,
jusqu'à l'attribution de leurs biens aux associations prévues
par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai
ci-après.,
Dès la publication du présent décret,
il sera procédé par les agents de l'administration des domaines
à l'inventaire descriptif et estimatif :
1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits
établissements
2° Des biens de l'État, des départements
et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
Ce double Inventaire sera dressé contradictoirement
avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques
ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme
administrative.
Les agents chargés de l'inventaire auront
le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à
leurs opérations,
Art. 4. - Dans le délai d'un an, à
partir de la publication du présent décret, les biens mobiliers
et immobiliers des menses, fabriques, conseils presbytéraux, consistoires
et autres établissements publics du culte seront, avec toutes les
charges et obligations qui les grèvent et avec leur affectation
spéciale, transférés par les représentants
légaux de ces établissements aux associations qui, en se
conformant aux règles d'organisation générale du culte
dont elles se proposent d'assurer l'exercice, se seront légalement
formées, suivant les prescriptions de l'article 17, pour l'exercice
de ce culte dans les anciennes circonscriptions desdits établissements,
Art. 5. - Ceux des biens désignés
à l'article précédent qui proviennent de l'État
et qui ne sont pas grevés d'une fondation pieuse feront retour à
l'État.
Les attributions de biens ne pourront être
faites par les établissements ecclésiastiques qu'un mois
après la publication du règlement d'administration publique
prévu à l'article 41 et déterminant les mesures propres
à assurer l'application des dispositions du présent titre.
Faute de quoi la nullité pourra en être demandée devant
le tribunal civil par toute partie intéressée ou par le ministère
public.
En cas d'aliénation par l'association cultuelle
de valeurs mobilières ou d'immeubles faisant partie du patrimoine
de l'établissement public dissous, le montant du. produit de la
vente devra être employé en titres de rente nominatifs ou
dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l'article 20,
L'acquéreur des biens aliénés
sera personnellement responsable de la régularité de cet
emploi
Les biens revendiqués par l'État,
la colonie, les départements ou les communes ne pourront être
aliénés, transformés ni modifiés jusqu'à
ce qu'il ait été statué sur la revendication par les
tribunaux compétents.
Art. 6. - Les associations attributaires
des biens des établissements ecclésiastiques supprimés
seront tenues des dettes de ces établissements ainsi que de leurs
emprunts sous réserve des dispositions du troisième paragraphe
du présent article; tant qu'elles ne seront pas libérées
de ce passif, elles auront droit à la jouissance des biens productifs
de revenus qui doivent faire retour à l'État en vertu de
l'article 5,
Le revenu global desdits biens reste affecté
au payement du reliquat des dettes régulières et légales
de l'établissement public supprimé, lorsqu'il ne se sera
formé aucune association cultuelle apte à recueillir le patrimoine
de cet établissement. Les annuités des emprunts contractés
pour dépenses relatives aux édifices religieux seront supportées
par les associations en proportion du temps pendant lequel elles auront
l'usage de ces édifices par application des dispositions du titre
III. Dans le cas où l'État, la colonie, les départements
ou les communes rentreront en possession de ceux des édifices dont
ils sont propriétaires, ils seront responsables des dettes régulièrement
contractées et afférentes auxdits édifices.
Art. 7. - Les biens mobiliers ou immobiliers
grevés d'une affectation charitable ou de toute autre affectation
étrangère à l'exercice du culte seront attribués,
par les représentants légaux des établissements ecclésiastiques,
aux services ou établissements publics ou d'utilité
publique dont la destination est conforme à celle desdits biens.
Cette attribution devra être approuvée par le préfet
du département ou siège l'établissement ecclésiastique.
En cas de non approbation, il sera statué par décret en conseil
d'État.
Toute action en reprise ou en revendication devra
être exercée dans un délai de six mois à partir
du jour où l'arrêté préfectoral ou le décret
approuvant l'attribution aura été inséré au
Journal
officiel. L'action ne pourra être intentée qu'en raison
de donations ou de legs et seulement par les auteurs ou leurs héritiers
en ligne directe.
Art. 8. - Faute par un établissement
ecclésiastique d'avoir, dans le délai fixé par l'article
4, procédé aux: attributions ci-dessus prescrites, il y sera
pourvu par décret.
A l'expiration dudit délai, les biens à
attribuer seront, jusqu'à leur attribution, placés sous séquestre.
Dans le cas où les biens attribués
en vertu de l'article 4 et du paragraphe 1er du présent article
seront, soit dès l'origine, soit dans la suite, réclamés
par plusieurs associations formées suivant les prescriptions de
l'article 17 pour l'exercice du même culte, l'attribution qui en
aura été faite par les représentants de l'établissement
ou par décret pourra être contestée devant le conseil
d'État statuant au contentieux, lequel prononcera en tenant compte
de toutes les circonstances de fait.
La demande sera introduite devant le conseil d'État,
dans le délai d'un an à partit de la date du décret
ou à partir de la notification, à l'autorité préfectorale,
par les représentants légaux des établissements
publics du culte, de l'attribution effectuée par eux. Cette
notification devra être faite dans le délai d'un mois.
L'attribution pourra être ultérieurement
contestée en cas de scission dans l'association nantie, de création
d'association nouvelle par suite d'une modification dans le territoire
de la circonscription ecclésiastique et dans le cas où l'association
attributaire n'est plus en mesure de remplir son objet.
Art. 9. - Les biens des établissements
publics du culte qui n'auront pas été réclamés
par des associations constituées suivant les proscriptions de l'article
17 dans l'année qui suivra la publication du présent décret
seront attribués aux établissements communaux d'assistance
ou de bienfaisance situés dans les limites territoriales de la circonscription
ecclésiastique intéressée.
En cas de dissolution d'une association, les biens
qui lui auront été dévolus en exécution des
articles 4 et 8 seront attribués par décret rendu en conseil
d'État soit à des associations analogues dans la même
circonscription ou, à leur défaut, dans les circonscriptions
les plus voisines, soit aux établissements visés au paragraphe
1er du présent article.
Toute action en reprise ou en revendication devra
être exercée dans un délai de six mois à partir
du jour où le décret aura été inséré
au Journal officiel. L'action ne pourra être intentée
qu'en raison de donations ou de legs et seulement par les auteurs et leurs
héritiers en ligne directe.
Art. 10. - Les attributions prévues
par les articles précédents ne donnent lieu à aucune
perception d'impôt.
Les biens qui, sans appartenir à un établissement
public du culte, étaient affectés au moment de la publication
du présent décret, à l'exercice public d'un culte
peuvent, jusqu'à l'expiration de l'année qui suivra cette
publication être attribués à une association
cultuelle sans aucune perception d'impôt.
Art. 11. - Les ministres des cultes qui,
lors de la publication du présent décret, seront âgés
de plus de cinquante ans révolus et qui auront, pendant vingt-cinq
ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées
par l'État ou par la colonie, recevront une pension annuelle et
viagère égale aux trois quarts de leur traitement.
Ceux qui seront âgés de plus de quarante
ans et qui auront pendant quinze ans au moins, rempli des fonctions ecclésiastiques
rémunérées par l'État ou par la colonie, recevront
une pension annuelle et viagère égale à la moitié
de leur traitement.
Les pensions allouées par les deux paragraphes
précédents ne pourront pas dépasser 1,800 fr.
En cas de décès des titulaires, ces
pensions seront réversibles, jusqu'à concurrence de la. moitié
de leur montant, au profit de la veuve et des orphelins mineurs laissés
par le défunt et, jusqu'à concurrence du quart, au profit
de la veuve sans enfants mineurs. A la majorité des orphelins, leur
pension s'éteindra de plein droit.
Les ministres des cultes actuellement salariés
par la colonie, qui ne seront pas dans les conditions ci-dessus, recevront,
pendant quatre ans à partir du 1er janvier qui suivra la publication
du présent décret, une allocation égale à la
totalité de leur traitement pour la première année,
aux deux tiers pour la deuxième, à la moitié pour
la troisième, au tiers pour la quatrième,
Toutefois, dans les circonscriptions déterminées
par arrêté pris en conseil de gouvernement, le gouverneur
général pourra,
dans un intérêt public et national, accorder des indemnités
temporaires de fonction aux ministres désignés par lui et
qui exercent le culte public en se conformant aux prescriptions réglementaires.
En aucun cas, ces indemnités de fonction ne pourront dépasser
1,800 fr., ni être maintenues au delà d'une période
de dix ans à compter de la publication du présent décret.
Au cours de cette période, elles seront supprimés
par un arrêté du gouverneur général en conseil
de gouvernement dès que les raisons qui les ont motivées
ne suffiront plus à les justifier.
Les ministres des cultes qui bénéficieront
des indemnités de fonction ci-dessus spécifiées recevront,
à partir de la suppression de ces indemnItés, une pension
ou une allocation établie d'après les règles énoncées
aux paragraphes précédents du présent article
.
Réserve est faite des droits acquis en matière
de pensIons par application de la législation antérieure,
ainsi que des secours accordés, soit aux anciens ministres des différents
cultes, soit il leur famille.
Les pensions prévues aux deux premiers paragraphes
du présent article ne pourront se cumuler avec toute autre pension
ou tout autre traitement alloué, à titre quelconque, par
l'État, 1a colonie, les départements ou les communes.
Les pensions et allocations prévues cidessus
seront incessibles et insaisissables dans les mêmes conditions que
les pensions civiles. Elles cesseront de plein droit en cas de condamnation
à une peine afflictive ou infamante ou en cas de condamnation pour
l'un des délits prévus aux articles 33 et 34 du présent
décret.
Seront en outre supprimées de plein droit,
après infraction dûment réprimée, les allocations
concédées aux ministres du culte qui ne se seront pas conformés
aux dispositions du présent décret concernant l'exercice
public du culte.
La déchéance sera constatée
par arrêté du ministre de l'intérieur rendu sur le
vu d'un extrait du jugement ou de l'arrêt qui lui est adressé
par les soins du ministre de la justice.
Le droit à l'obtention ou à la jouissance
d'une pension ou allocation sera suspendu par les circonstances qui font
perdre la qualité de Français, durant la privation de cette
qualité.
Les demandes de pension devront être, sous
peine de forclusion, formées dans le délai d'un an après
la publication du présent décret ou de l'insertion au Bulletin
officiel de l'Algérie d'un arrêté du gouverneur
général pris conformément aux disposions du paragraphe
7 du présent article.
TITRE III
DES ÉDIFICES DU CULTE
Art. 12. - Les édifices servant à
l'exercice public du culte appartenant à l'État, à
la colonie, aux départements ou aux communes, ainsi que les objets
mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la
disposition des établissements publics du culte, puis des associations
appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements
auront été attribués par application des dispositions
du titre II.
La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu,
son transfert, seront prononcés par décret, sauf recours
au conseil d'État statuant au contentieux :
l° Si l'association bénéficiaire
est dissoute ;
2° Si, en dehors des cas de force majeure, le
culte cesse d'être célébré pendant plus d'une
année;
3° Si la conservation de l'édifice ou
celle des objets mobiliers classés, en vertu de la loi de 1887 et
de l'article 15 du présent décret est compromise par insuffisance
d'entretien et après mise en demeure dûment notifiée
du conseil municipal ou, à son défaut, du préfet;
4° Si l'association cesse de remplIr son objet
ou si les édifices sont détournés de leur destination;
5° Si elle ne satisfait pas soit aux obligations
de l'article 6 ou du dernier paragraphe du présent article, soit
aux prescriptions relatives aux monuments historiques.
La désaffectation de ces immeubles pourra,
dans les cas ci-dessus prévus, être prononcée par décret
rendu en conseil d'État. En dehors de ces cas elle ne pourra l'être
que par une loi.
Les immeubles autrefois affectés aux cultes
et dans lesquels les cérémonies du culte n'auront pas été
célébrées pendant un délai d'un an antérieur
au présent décret ainsi que ceux qui ne seront pas réclamés
par une association cultuelle, dans le délai de
deux ans après sa publication, pourront être désaffectés
par décret
Il en est de même pour les édifices
dont la désaffectation aura été demandée antérieurement
au 1er juin 1905.
Les établissements publics du culte, puis
les associations bénéficiaires seront tenus des réparations
de toute nature, ainsi que des frais d'assurances et autres charges afférentes
aux édifices et aux meubles les garnissant.
Pendant une période de cinq ans à
partir du 1er janvier qui suivra la publication du présent décret,
les associations visées au paragraphe précédent pourront
recevoir des subventions dans la limite des crédits régulièrement
ouverts à cet effet au budget de la colonie, en vue de pourvoir
à l'acquittement des frais et charges qui leur incombent. Ces subventions
leur seront accordées par arrêté du gouverneur général
pris en conseil de gouvernement et sur la proposition des agents chargés
du contrôle financier.
Art. 13. - A défaut d'associations
cultuelles attributaires de biens, les édifices affectés
à l'exercice du culte ainsi que les meubles les garnissant continueront,
saut désaffectation dans les cas prévus par l'article précédent,
à être laissés à la disposition des fidèles
et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
La jouissance gratuite en pourra être accordée
soit à des associations cultuelles constituées conformément
aux articles 17 et 18 du présent décret, soit à des
associations formées en vertu des dispositions de la loi du 1er
juillet 1901 rendue applicable à l'Algérie par décret
du 18 septembre 1904 pour assurer la continuation de l'exercice public
du culte, soit aux ministres du culte dont les noms devront être
indiqués dans les déclarations prévues par l'article
24 du présent décret.
La jouissance ci-dessus prévue desdits édifices
et des meubles les garnissant sera attribuée, sous réserve
des obligations énoncées à l'article précédent,
au moyen d'un acte administratif dressé par le préfet pour
les immeubles placé sous séquestre et ceux qui appartiennent
il l'État, à la colonie et aux départements, par les
maires pour immeubles qui sont la propriété des communes.
Les règles susénoncées s'appliquent
aux édifices affectés aux cultes qui, ayant appartenu aux
établissements ecclésiastiques, auront été
attribués par décret aux établissements communaux
d'assistance ou de bienfaisance, par application de l'article 9, paragraphe
1er du présent décret.
Art. 14. - L'archevêché, les
évêchés, les presbytères et leurs dépendances,
les grands séminaires appartenant à l'État, à
la colonie, aux départements et aux communes, seront laissés
gratuitement à la disposition des établissements publics
du culte, puis des associations prévues à l'article 12, savoir:
l'archevêché et les évêchés, pendant une
période de deux années; les presbytères dans les communes
où résidera. le ministre du culte et les grands séminaires
pendant cinq années à partir de la publication du présent
décret.
Les établissements et associations sont soumis,
en ce qui concerne ces édifices, aux obligations prévues
par l'avant-dernier paragraphe de l'article 12. Toutefois, Ils ne seront
pas tenus des grosses réparations.
La cessation de la jouissance des établissements
et associations sera prononcée dans les conditions et suivant les
formes déterminées par l'article 12. Les dispositions
des paragraphes 3 et 5 du même article seront applicables aux édifices
visés par le paragraphe 1er du présent article.
La distraction des parties superflues des presbytères
laissés à la disposition des associations cultuelles pourra,
pendant le délai prévu au paragraphe 1er, être prononcée
pour un service public par décret rendu en conseil d'État.
A l'expiration des délais de jouissance gratuite,
la libre disposition des édifices sera rendue à l'État,
à la colonie, aux départements ou aux communes.
Si la jouissance de ces édifices n'a. pas
été réclamée par une association cultuelle
dans le délai d'un an à partir de la promulgation du présent
décret, l'État, la colonie, les départements et les
communes recouvreront à titre définitif, dès l'expiration
de ce délai, la libre disposition des dits édifices.
La location des édifices ci-dessus visés
dont les départements ou les communes sont propriétaires
devra être approuvée par l'administration préfectorale.
En cas d'aliénation par le département, il sera procédé
comme dans les cas prévus par l'article 48, paragraphe 1er, du décret
du 23 septembre 1875.
Les indemnités de logement incombant actuellement
aux communes, à défaut de presbytère, par application
de l'article 136 de la loi du 5 avril 1 884, resteront à la leur
charge pendant le délai de cinq ans dans les circonscriptions où.
des associations cultuelles se seront constituées au cours de l'année
qui suivra la publication du présent décret. Elles cesseront
de plein droit en cas de dissolution de l'association. Si aucune association
ne s'est formée dans le délai d'un an ci-dessus prévu,
elles cesseront de plein droit à l'expiration de ce délai
d'un an.
Art. 15. - Il sera procédé
à un classement complémentaire des édifices visés
aux deux articles précédents (cathédrales, églises,
chapelles, temples, synagogues, mosquées, archevêchés,
évêchés, presbytères, séminaires) dans
lequel devront être compris tous ceux de ces édifices représentant,
dans leur ensemble ou dans leurs parties, une valeur artistique ou historique.
Les objets mobiliers ou les immeubles par destination
mentionnés à l'article 12, qui n'auraient pas encore été
inscrits sur la liste de classement dressée en vertu de la loi du
30 mars 1887, sont par l'effet du présent décret ajoutés
à ladite liste. Il sera procédé par la gouverneur
général, dans le délai de trois ans, au classement
définitif de ceux de ces objets dont la conservation présenterait,
du point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt suffisant.
A l'expiration de ce délai, les autres objets seront déclassés
de plein droit.
En outre, les immeubles et les objets mobiliers
attribués en vertu du présent décret aux associations
pourront être classés dans les mêmes conditions que
s'ils appartenaient à des établissements publics.
Il n'est pas dérogé, pour le surplus,
aux dispositions de la loi du 30 mars 1887. Les archives ecclésiastiques
et bibliothèques existant dans les archevêché, évêchés,
grands séminaires, paroisses, succursales et leurs dépendances,
mosquées, seront inventoriées, et celles qui seront reconnues
propriété de l'État lui seront restituées,
Art. 16. - Les immeubles par destination
classés on vertu de la loi du 30 mars 1887 ou du présent
décret sont inaliénables et imprescriptibles.
Dans le cas où la vente ou l'échange
d'un objet classé serait autorisé par le gouverneur général,
un droit de préemption est accordé; l° aux associations
cultuelles; 2° aux communes; 3° aux départements; 4°
aux musées et sociétés d'art et d'archéologie;
5° à l'État. Le prix sera fixé par trois experts
que désigneront le vendeur, l'acquéreur et le président
du tribunal civil.
Si aucun des acquéreurs visés ci-dessus
ne fait usage du droit de préemption, la vente sera libre; mais
il est interdit à l'acheteur d'un objet classé de le
transporter hors du territoire français.
Nul travail de réparation, de restauration
ou entretien à faire aux monuments ou objets mobiliers classés
ne peut être commencé sans l'autorisation du gouverneur général,
ni exécuté hors de sa surveillance, sous peine, contre les
propriétaires, occupants ou détenteurs qui auraient ordonné
ces travaux, d'une amende de l6 à 1,500 fr. Toute infraction aux
dispositions ci-dessus, ainsi qu'à celles de l'article 15 du présent
décret et des articles 4, 10, 11, 12 et 13 de la loi du 30 mars
1887, sera punie d'une amende de 100 à10,000 fr., et d'un emprisonnement
de six jours à trois mois, ou de l'une de ces deux peines seulement.
La visite des édifices et l'exposition des
objets mobiliers classés seront publiques; elles ne pourront donner
lieu à aucune taxe ni redevance.
TITRE IV
DES ASSOCIATIONS
POUR L'EXERCICE DES CULTES
Art. 17. - Des associations pourront se constituer
pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public
d'un culte en se conformant aux articles 5 et suivants du titre 1er de
la loi du 1er juillet 1901 et aux prescriptions du présent titre.
Art. 18. - Ces associations devront avoir
exclusivement pour objet l'exercice d'un culte et être composées
au moins de sept membres majeurs, domiciliés ou résidant
dans la circonscription religieuse. Leurs directeurs et administrateurs
devront être Français. Les dispositions de l'article 12 de
la loi du 1er juillet 1901 seront applicables à celles de ces associations
qui seraient composées en majeure partie d'étrangers.
Chacun de leurs membres pourra s'en retirer en tout
temps, après payement des cotisations échues et de celles
de l'année courante, nonobstant toute clause contraire.
Nonobstant toute clause contraire des statuts, les
actes de gestion financière et d'administration légale des
biens accomplis par les directeurs ou administrateurs seront, chaque année
au moins, présentés au contrôle de l'assemblée
générale des membres de l'association et soumis à
son approbation.
Les associations régies par le présent
titre pourront recevoir, en outre des cotisations prévues par l'article
6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes
pour les frais du culte; percevoir des rétributions: pour les cérémonies
et services religieux même par fondation; pour les actes rituels;
pour la location des bancs et sièges; pour la fourniture des objets
destinés au service des funérailles dans les édifices
religieux et à la décoration de ces édifices.
Ces associations pourront verser, sans donner lieu
à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres
associations constituées pour le même objet.
Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit,
recevoir des subventions do l'État, de la colonie, des départements
ou des communes. Ne sont pas considérées comme subvention
les sommes allouées pour réparations aux monuments classés.
Art. 19. - Ces associations peuvent, dans
les formes déterminées par l'article 7 du décret du
16 août 1901 rendu applicable en Algérie par le décret
du 18 septembre 1904, constituer soit entre elles, soit avec les associations
établies dans la métropole, des unions ayant une administration
ou une direction centrale; ces unions seront réglées par
l'article 17 et par les cinq derniers paragraphes de l'article 18 du présent
décret.
Art. 20. - Les associations et les unions
tiennent un état de leurs recettes et de leurs dépenses ;elles
dressent chaque année, le compte financier de l'année écoulée
et l'état inventorié de leurs biens, meubles et immeubles..
Le contrôle financier est exercé sur
les associations et sur les unions par l'administration de l'enregistrement
et par l'inspection générale des finances.
Art. 21. - Les associations et unions, régies
par le présent titre peuvent employer leurs ressources disponibles
à la constitution d'un fonds de réserve suffisant pour assurer
les frais et l'entretien du culte et ne pouvant en aucun cas, recevoir
une autre destination: le montant de cette réserve ne pourra jamais
dépasser une somme égale, pour les unions et associations
ayant plus de 5,000 fr. de revenu, à trois fois, et, pour les autres
associations, à six fois la moyenne annuelle des sommes dépensées
par chacune d'elles pour les frais du culte pendant les cinq derniers exercices.
Indépendamment de cette réserve, qui
devra être placée, en valeurs nominatives, elles pourront
constituer une réserve spéciale dont les fonds devront, être
déposés en argent ou en litres nominatifs, à la caisse
des dépôts et consignations peur être exclusivement
affectés, y compris les intérêts , à l'achat,
à la construction, à la décoration ou à la
réparation. d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de
.l'association ou de l'union
Art. 22. -Seront punis d'une amende de 16
fr. à 200 fr., et, en cas de récidive, d'une amande en du
double les directeurs ou administrateurs d'une association ou d'une union
qui auront contrevenu. aux articles 17, 18, 19, 20 et 21.
Les tribunaux pourront, dans, le cas d'infraction
au paragraphe 1er de l'article, condamner l'association ou l'union à
verser l'excédent constaté. aux établissements communaux
d'assistance ou de bienfaisance.
Ils pourront, en outre, dans tous les cas prévus
au paragraphe 1er du présent article, prononcer la dissolution
de l'association ou de l'union.
Art. 23. - tes édifices affectés
à l'exercice du culte appartenant à l'État, à
la colonie, aux départements ou aux communes, continueront à
bénéficier des exemptions d'impôts dont Ils jouissent
actuellement.
Les édifices servant au logement des ministres
des cultes, les séminaires qui appartiennent à l'État,
à la colonie, aux départements ou aux communes, les biens
qui sont la propriété des associations et unions régies
par le présent titre sont soumis aux mêmes impôts que
ceux des particuliers.
Les associations et unions régies par le
présent titre ne sont; en aucun cas assujetties à l'impôt
sur le revenu et au droit d'accroissement entre vifs, tels qu'ils sont
établis par les articles 3 et 4 de la loi du 28 décembre
1880 et par l'article 9 de la loi du 29 décembre 1884.
TITRE V
POLICE DES CULTES
Art. 24. - Indépendamment des associations
soumises aux dispositions du titre IV du présent décret,
l'exercice public d'un culte peut être assuré tant au moyen
d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901, (art. l, 2,
3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12 et 17) que par voie de réunions tenues sur
initiatives individuelles en vertu de la loi du 30 juin 1881.
Les réunions pour la célébration
d'un culte tenues soit dans les édifices affectés à
l'exercice du culte, soit dans les locaux appartenant à une association
cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées
des formalités de l'article 8 de 1a loi du 30 juin 1881, mais restent
placées sous la surveillance des autorités dans l'intérêt
de l'ordre public. Elles doivent, dans le cas prévu dans le deuxième
paragraphe in fine de l'article 13 du présent décret,
être précédées d'une déclaration faite
dans les formes de l'article 2 de la loi précitée et indiquant
le local dans lequel elles sont tenues.
Art. 25. - Il est interdit de tenir des réunions
politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un
culte.
Art. 26. - Les cérémonies,
processions et autres manifestations extérieures d'un culte continueront
à être réglées en conformité des articles
95, et 97 de la loi municipale du 5 avril 1881.
Les sonneries de cloches seront réglées
par arrêté municipal et, en cas de désaccord entre
le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle,
par arrêté préfectoral.
Les conditions et les cas dans lesquels les sonneries
civiles pourront avoir lieu seront déterminés conformément
aux prescriptions de l'article 41 du présent décret.
Art. 27. - Il est interdit, à l'avenir,
d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur
les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à
l'exception des édifices servant an culte, des terrains de sépulture
dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que
des musées ou expositions.
Art. 28. - Les contraventions aux articles
précédents sont punies des peines de simple police.
Sont passibles de ces peines, dans le cas des articles
24, 25 et 26, ceux qui ont organisé la réunion ou manifestation,
ceux qui y ont participé en qualité de ministre du culte,
et, dans le cas des articles 24 et 25, ceux. qui ont fourni le local.
Art. 29.- Conformément aux dispositions
de l'article 2 de la loi du 28 mars 1882, l'enseignement religieux ne peut
être donné aux enfants âgés de six à treize
ans, inscrits dans les écoles publiques, qu'en dehors des heures
de classe.
Il sera fait application aux ministres des cultes
qui enfreindraient ces prescriptions, des dispositions de l'article 14
de la loi précitée.
Art. 30. - Sont punis, d'une amende do 16
fr. à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux
mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies
de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant
craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne,
sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer
ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à
cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer
ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte.
Art. 31.- Seront punis des mêmes peines
ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les
exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés
dans le local servant à ces exercices.
Art. 32. - Les dispositions des deux articles
précédents ne s'appliquent qu'aux troubles, outrages ou voies
de fait, dont la nature ou les circonstances ne donneront pas lieu à
de plus fortes peines d'après les dispositions du code pénal.
Art. 33. - Tout ministre d'un culte qui,
dans les lieux où s'exerce ce culte, aura publiquement, par des
discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués
ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen
chargé d'un service public sera puni d'une amende de 500 à
3,000 fr. et d'un emprisonnement de un mois à un an, ou de l'une
de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais
seulement s'il est relatif aux fonctions, pourra être établie
devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l'article
52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées
par l'article 65 de la même loi s'appliquent aux délits du
présent article et de l'article qui suit.
Art. 34. - Si un discours prononcé
ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans
les lieux ou s'exerce le culte contient une provocation directe à
résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux
de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à
armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui
s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à
deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans
le cas où la provocation aurait été suivie d'une sédition,
révolte ou guerre civile.
Art. 35, - Dans le cas de condamnation par
les tribunaux de simple police ou de police correctionnelle en application
des articles 24 et 25, 33 et 34, l'association constituée pour l'exercice
du culte dans l'immeuble où l'infraction a été commise
sera civilement responsable,
TITRE VI
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Art. 36. - L'article 463 du code pénal
et la loi du 26 mars 1891 sont applicables à tous les cas dans lesquels
le présent décret édicte des pénalités
.
Art. 37. - Les congrégations religieuses
demeurent soumises aux lois des 1er juillet 1901, 4 décembre 1902
et 7 juillet 1904, rendues applicables en Algérie par le décret
du 18 septembre 1904.
Art. 38. - Les jeunes gens qui ont obtenu,
à titre d'élèves ecclésiastiques, la dispense
prévue par l'article 23 de la loi du 15 juillet 1889, continueront
à en bénéficier conformément à l'article
99 de la. loi du 21 mars 1905, à la condition qu'à l'âge
de vingt-six ans ils soient pourvus d'un emploi de ministre du culte rétribué
par une association cultuelle ou reçoivent l'indemnité de
fonction prévue par le paragraphe 6 de l'article 11 du présent
décret et sous réserve des justifications qui seront ultérieurement
fixées conformément aux prescriptions de l'article 41 du
présent décret.
Art. 39. - Pendant huit années à
partir de la publication du présent décret, ou dé
la suppression de l'indemnité de fonction qui leur aurait été
accordée, les minimes du culte seront inéligibles au conseil
municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère
ecclésiastique..
Art 40. - Les dispositions légales
relatives aux jours actuellement fériés sont maintenues.
Art. 41. - Les mesures propres à assurer
l'application du présent décret seront ultérieurement
déterminées par des règlements d'administration publique,
Art. 42. - Sont et demeurent abrogées
toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des
cultes antérieurement reconnus par l'État, ainsi que toutes
dispositions contraires au présent décret,
Art. 43. - Les ministres de l'intérieur
et des cultes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution
du présent décret, qui sera publié au Journal officiel
de
la République française et au Bulletin des lois et
inséré au Bulletin officiel du gouvernement général
de l'Algérie,
Fait à Rambouillet, le 27 septembre 1907.
A. FALLIERES.
Par le Président de la République:
Le président du conseil, ministre de l'intérieur,
G. CLEMENCEAU.
Le ministre de linstruction publique des beaux-arts et des cultes,
A. BRIAND.
Le ministre des finances,
J. CAILLAUX